top of page

La radio de la Méduse...

Article paru dans ULMiste n°16, décembre 2013

 

La radio de la Méduse…

 

Nous avons tous entendu depuis un an que « la radio va changer », sans avoir forcément bien compris ce qu’il se trame. ULMiste fait le point.

 

Pierre-Jean le Camus

 

Saturation

 

Pour commencer, il sera certainement sain de rappeler que l’usage de la radio n’est pas une obligation et qu’aucune étude ne démontre qu’il s’agit là d’un élément de sécurité, hors espace aérien contrôlé évidemment, quand l’intensité du trafic justifie la nécessité du contrôle.

Mais, vu que tout le monde s’imagine, à force de l’entendre, que la radio est indispensable à la sécurité, nous en sommes tous plus ou moins équipés, ce qui finit par saturer les ondes puisque, non contents d’être équipés, nous bavardons abondamment dedans. Pour faire simple, ce qui nous arrive aujourd’hui, à savoir, sommairement, l’obligation à relativement courte échéance de renouveler notre matériel, donc de faire des frais, n’est imputable qu’au seul fait que nous sommes de plus en plus équipés et bavards…

 

La saturation des bandes pousse donc l’AESA à réduire les espacements entre les fréquences, pour passer des 25 kHz actuels à 8,33 kHz pour toutes les radios vocales, exception faite d’un éventuel équipement de secours destiné à être utilisé exclusivement sur 121,5 MHz, par exemple.

 

Calendrier

 

2018 : à compter du premier janvier 2018, plus aucun aéronef ne pourra être équipé d’une radio « 25 kHz », dirons-nous pour faire simple. Dans le ciel européen, bien sûr. Exception faite, comme pour bien d’autres dispositions, des aéronefs destinés à l’exportation hors UE. Lorsque nos fabricants français, par exemple, font voler une machine dans le cadre de tests et qu’elle est destinée à l’exportation hors UE, ils peuvent la faire voler malgré qu’elle puisse respecter des standards qui ne sont pas admis chez nous. La machine n’est pas considérée comme « mise en service », d’un point de vue administratif.

 

2013 : depuis le 17 novembre, on ne peut plus acheter de radio 25 kHz, ni d’ULM neuf ou d’occasion équipé, sauf si on remplace un élément préexistant par le même modèle. Exemple : j’achète un Chombier 13 équipé d’une radio Filzker 42 en 25 kHz qui ne fonctionne plus. Je peux la remplacer par une autre Filzker 42 ou une radio en 8,33 kHz, mais pas par une radio 25 kHz d’un autre modèle. En fait, c’est assez simple et rattaché à la LSA. Changer une Icom par une autre Icom du même modèle n’impose pas de révision de la LSA. En clair, aucune démarche. Depuis le 17 novembre, la LSA n’est plus attribuée que pour des équipements en 8,33 kHz, mais, bien sûr, les renouvellements seront accordés jusqu’en 2018.

 

2014 : dès le premier janvier, Orly et Roissy, les deux aéroports parisiens, passent en 8,33 kHz. Nous ne sommes bien sûr pas concernés. Néanmoins, au cours de l’année 2014, une quinzaine de services sont convertis au 8,33 kHz. Donc, si vous êtes basé dans une CTR qui passe en 8,33 kHz en avril, il vous faudra changer de radio et tant pis si les 2500 € que vous avez mis dans la précédente il y peu finiront à la poubelle…

 

2015 : quoi qu’il en soit, au premier janvier 2015, tous les espaces contrôlés passent en 8,33 kHz. De fait, ceux qui utilisent la radio pour pouvoir pénétrer les espaces contrôlés, devront donc changer leur équipement avant 2015.

 

Ensuite, progressivement et jusqu’au premier janvier 2018, toutes les fréquences seront changées en 8,33 kHz, la DGAC annonçant généreusement que nous serons prévenus d’avance. Puisqu’on est dans la rigolade, la note émise par la DGAC précise avec le plus grand sérieux que si on n’est pas équipé de radio et qu’on vole hors espaces contrôlés, la radio en 8,33 kHz n’est pas imposée… en clair, si t’as pas de radio, alors ta non-radio n’a pas besoin d’être aux nouvelles normes… comme dirait l’autre, ils ont fait des écoles !

Enfin, le 31 décembre 2017, tout équipement en 25 kHz devra être démonté de nos machines.

 

Prospective et réflexions…

 

Ces changements sont loin d’être sans conséquence pour l’aviation légère de loisirs. Ceux qui acceptent encore de voler sans radio quand ils le peuvent ne sont bien sûr pas concernés. Mais nous allons désormais payer cher notre passivité, depuis des années, face à l’absurde et abusive multiplication des espaces contrôlés depuis des années. C’est très bien de se battre pour les 450 kg, contre la visite médicale, etc., mais quand avons-nous protesté contre cette course en avant qui va finir par clouer au sol ceux qui n’ont pas envie de causer dans le poste ? Pourtant, il est peu difficile de démontrer, par exemple, que rien ne justifie une CTR D à Melun, ce qui oblige désormais à de larges détours quand on vole dans le coin, vu que ces princes du contrôle semblent ne pas aimer les ULM ou doivent, sans doute, être bien débordés, vu que cet aéroport est réservé aux aéronefs d’Etat, donc aux leurs…

Non, les ULMistes, bien gentils, ne protestent pas et achètent des radios… or, plus il y a de radios, moins il y a de freins à la multiplication des espaces contrôlés. Voyons chez nos voisins espagnols. Bien peu d’ULM utilisent une radio, puisque de toutes façons l’accès aux espaces contrôlés ne leur est pas autorisé. La conséquence première de ce qui peut sembler une privation est que, précisément, il y a très peu d’espaces contrôlés. Uniquement ceux se justifient vraiment et correspondent donc à ceux auxquels nous n’avons pas accès chez nous, radio ou pas, autour des aéroports à fort trafic. De telle sorte que les espagnols rigolent bien quand ils découvrent comment on vole en France : « ah, vous avez le droit d’avoir une radio et d’aller causer avec les contrôleurs mais, outre qu’ils vous lourdent à leur discrétion, il y a de toutes façons tant d’espaces contrôlés que, de fait, la radio ne vous est pas permise mais imposée ce qui fait qu’au total, vous liberté de mouvement est souvent inférieure à la nôtre… »

Et voilà que, une fois que nous avons tous bien baissé la tête en silence, acheté la radio et accepté d’apprendre à causer dedans, on nous dit qu’il va falloir la changer, donc remettre 2 500 € sur la table ! La plupart des radios achetées ces deux ou trois dernières années sont d’ores et déjà aux normes, mais pour les milliers d’autres ? Et, dans l’état actuel des choses, aucune portative homologuée en France n’est disponible. La seule était la Icom ICA6FR, mais il semble qu’elle n’est plus disponible et Icom reste silencieux sur le sujet. Pour bien comprendre, la DGAC a décrété que Icom devait certifier sa radio selon les normes DGAC, alors que, par ailleurs, l’AESA a agréé la ICA6. Nous avons donc, sur le marché, la ICA6E, vendue 450 € mais illégale en France. Ou, la ICA6FR, qui est strictement la même techniquement mais vendue plus de 600 €, qui est légale mais plus disponible… on se souvient de l’histoire du 912SFR, c’est la même avec les radios, à la différence que Icom ne la repeint pas en bleu…

Les Britanniques, qui sont souvent moins bêtes que nous (surtout face à l’Europe), ont trouvé une parade : la CAA, équivalent de notre DGAC, a décrété que toute radio portative homologuée dans un quelconque pays d’Europe était de facto légale en Grande-Bretagne et que, de plus, les aéronefs compris dans l’Annexe II, donc relevant de leur autorité, pouvaient utiliser ces radios portatives sans aucune forme de paperasserie d’aucune sorte. Donc, chez eux, ce sera 450 €, quand chez nous ce sera entre 1 500 et 3000 €, et des tas d’emmerdements, taxes et formulaires à remplir…

 

Il est donc fort probable que nous allons nous retrouver de plus en plus nombreux à voler sans radio et à en redécouvrir les charmes ! Dans des clubs avions, c’est ce qui est envisagé… remettre 3000 € dans un vénérable D112 de 40 ans d’âge qui se vend moins de 10 000 € alors qu’on est sur un terrain en auto-info non imposée, par exemple, relèverait de l’absurde. Mais, pour ceux à qui on impose la radio sur leur terrain et qui comptent 4 avions dans leur flotte, ça va vite faire plus de 10 000 € à sortir d’un coup… donc, certainement, des avions provisoirement cloués au sol ou des négociations pour obtenir que la radio ne soit plus obligatoire sur le terrain concerné. Mais pour ceux qui sont en espace contrôlé et qui vont apprendre, dans trois mois, que leur « zone » a gagné au tirage au sort et que, dans un mois, il faut la nouvelle radio ? Ils vont encore baisser la tête ?

 

Il nous est impossible de savoir si ces changements étaient techniquement vraiment nécessaires ni à quelle échéance nous aurions pu arriver à saturation totale… mais ces ajouts de fréquences et les implications économiques considérables qu’elles ont au plus mauvais moment, auraient certainement pu être évitées si nous, utilisateurs, avions eu un comportement moins absurde. Franchement, à quoi sert-il, à part jouer à se prendre pour un captain de liner, d’appeler Pierre, Paul ou Jacques, Paris info, Marseille machin, pour parcourir 40 kilomètres en classe G, en VFR ?

Bah maintenant, on le sait, à quoi ça sert…  

bottom of page