Challenger II 582
Article paru dans ULMiste n°10, juin 2012
Challenger II 582, un trois-axes à contre-courant
7 h du matin, lundi 14 mai 2012 le téléphone retentit, je décroche en me demandant quel énergumène pouvait bien me solliciter le premier jour de la semaine de si bonne heure :
- « Salut, c’est Pierre-Jean… je ne te réveille pas au moins ? »
- « Ben, euh, non pas du tout, t’a un souci ? » bégayais-je.
- « Non, bien au contraire : figure-toi que j’ai enfin déniché l’oiseau rare ! Prépare-toi, tu pars au plus vite » dit-il d’un ton enjoué ne présageant rien de bon…
- « D’accord, mais de quel espèce s’agit-il ? » rétorquais-je maladroitement, en me dandinant devant la cafetière hésitante.
- « Un volatile original, léger, un peu bruyant, pas très rapide, qui prend vie dans ton garage sans plomber le budget familial, bref un ULM, en plus, tiens-toi bien, l’importateur a un appareil de démo, je t’envoie les infos par email » répondit-il avant de raccrocher subitement.
C’est ainsi que j’ai traversé la moitié de la France pour me rendre dans le département de l’Indre, plus précisément à Argenton-sur-Creuse pour aller essayer un spécimen endémique d’outre-Atlantique, se reconnaissant entre autres par son imposant bec pointu et son panache jaune lui conférant un allure inimitable.
Christian Foeller, gérant de Champrod ULM et son instructeur Alain Bois me réservent un accueil chaleureux dans leur local jouxtant la 04/22 de la Bourdine. C’est autour d’un café, que Alain m’explique les nombreuses particularités du volatile, apparemment l’oiseau rare demande un petit temps d’adaptation : « oublie ce que tu sais, avec un moteur propulsif va falloir jouer du pied et du trim ! « Tu as déjà fait du planeur ? » ajoute-t-il. « Oui, il y a quelques temps déjà … » Répondis-je vaguement.
« Alors c’est tout bon ! » affirma-t-il en quittant le bureau pour aller me présenter l’oisillon. Tout en le suivant, je cherchais à comprendre le rapport entre un planeur de 18 m d’envergure et l’ULM que j’étais censé essayer qui a priori ne présentait aucune similitude de près ou de loin.
Made in USA
Le Challenger II est un ULM conçu par la société Quad City Aircraft basé à Moline dans l’Illinois. Dave Goulet son concepteur développe depuis 1983 le Challenger décliné sous différentes versions. On retrouve ainsi une déclinaison mono ou biplace, le CW pour Clipped Wing (aile rognée), un modèle à aile longue et enfin une version équipée de flotteurs Puddle Jumper, très utilisée notamment au Canada. La société diffuse ses produits en kit prémonté, le fuselage, les ailes, l’empennage arrivant complètement assemblés dans la caisse de livraison. Quad City Aircraft revendique une diffusion de plus de 3 500 kits à ce jour partout dans le monde au rythme d’environ 150 machines par an. La philosophie qui anime le boss est de produire un appareil léger peu motorisé, robuste, avec des performances honorables et surtout à un tarif contenu.
La version que me propose d’essayer l’importateur est un Challenger II CW (aile courte) biplace, motorisé par un Rotax 582. Plusieurs autres motorisations sont également proposées : Rotax 447, 503, HKS 700 E, l’aventure avec le motoriste allemand Hirth semble maintenant révolue suite à des soucis redondants notamment sur les moteurs à injection.
Un bien drôle d’oiseau…
En arrivant devant le hangar, je trouve un Challenger II jaune CW en appui sur la petite roulette de queue, le nez en haut, la roue avant à une bonne trentaine de centimètres du sol ! Posture assez inusuelle, me direz-vous, mais ce n’est que le début de la longue liste des particularités de cet appareil made in USA. C’est une configuration en tandem (l’un derrière l’autre) avec doublement de toutes les commandes pour l’instruction. Les portes sont absentes, on vole donc le coude sur le montant du fuselage. Il est possible d’en rajouter mais le constructeur refuse de les fabriquer, prétextant un changement de comportement qui ne semble pas poser de problèmes aux propriétaires locaux qui démontent les portières en fonction de la température ambiante ! Un moteur propulsif (devenu assez rare dans la catégorie des multiaxes) générant des effets de couples bien différents d’un moteur tractif, dont nous reparlerons bien sûr. Un empennage tout à fait original puisque la profondeur est agrémentée de deux stabilisateurs verticaux que l’on retrouve habituellement sur les autogires. Et enfin, une particularité et non des moindres, est sa charge utile puisque avec une masse à vide sans parachute de 198 kg, il ne reste pas moins de 252 kg de charge utilisable, ce qui rappelons-le, fait figure d’exception dans notre milieu aujourd’hui. L’ensemble de ces points en font un ULM à contre courant, respectant la réglementation, un aéronef qui revient aux fondamentaux de notre activité : prendre le temps de voler lentement pour que le plaisir soit plus grand !
En détails…
Sa construction, aéronautique, est réalisée grâce à des tubes aluminium 6061 T certifiés, assemblés par goussets, méthode reconnue et éprouvée en aviation. L’importateur diffuse des kits avancés à 51 % sans en assurer le montage. Soit le futur propriétaire s’occupe lui-même de cette phase, soit un professionnel peut s’en charger moyennant la somme de 6000 € environ. Le kit ne nécessite aucune connaissance particulière en mécanique et la durée de montage varie de 300 à 500 h suivant l’implication du constructeur. L’entoilage est fourni, plusieurs choix sont disponibles : le Superflite polyfiber, le Dacron et plus récemment l’Oratex. (1000 € en option pour ce dernier).
L’aile du CW a une envergure de 7,9 m et 9,5 pour le Long Wing, sa conception est classique, rectangulaire sans dièdre, ni flèche, pour une surface totale de 13,41 m². Le profil est plan-convexe, assurant une bonne portance aux basses vitesses, au détriment du régime de croisière. Elle comporte deux longerons tubulaires reliés entre eux par des nervures en alu et des contre fiches diagonales. Sur cette version, des VG (générateur de vortex) ont été disposés afin d’améliorer le comportement à forte incidence, facilitant le posé. Celle-ci accueille des flaperons mus par des biellettes qui courent sur presque la totalité de l’envergure. Elle est soutenue au fuselage par quatre haubans profilés. Trois contre-fiches raidissent l’ensemble, sur cette version deux bombinettes de 17 litres chacune ont été fixées aux haubans afin d’augmenter l’autonomie.
Le réservoir original placé derrière le siège passager contient 38 l, en option on a le choix de le remplacer par un réservoir/siège de 60 L, ce qui porte la capacité d’emport de carburant à 94 litres. En ajoutant deux occupants pour un total des 156 kg réglementaires, il nous reste encore une capacité d’emport de 30 kg sous forme de bagages, mais malheureusement aucun coffre ni rangement n’est prévu, ce qui permettra à l’équipage de n’avoir aucune retenue gastronomique lors de ses voyages…
Le fuselage est composé de deux tubes principaux sur lesquels repose le poste de pilotage. Les tubes sont très cintrés à l’arrière pour réduire la traînée. Il est entièrement entoilé dans sa partie basse, le haut accueille un pare brise en Lexan protégeant complètement le pilote du vent relatif, ce n’est pas le cas du passager qui se trouve dans les turbulences. Le cône est réalisé en fibres et accueille le tube Pitot en son centre. L’empennage de bonne taille est cruciforme, la profondeur isoplane est actionnée par biellettes et accueille un trim manuel efficace, tandis que la direction est mue par câbles.
Des stabilisateurs verticaux ont été rajoutés pour contrer les effets moteurs dus à sa configuration propulsive ainsi qu’à cette version aile courte (CW) influant sur l’axe de lacet. En effet, l’hélice étant très proche de la gouverne de direction, celle-ci est fortement impactée par le souffle hélicoïdal. Je commence à comprendre pourquoi Alain me demandait si j’avais fait du planeur !!
Le Rotax 582 est monté tête en bas, réducté par courroie, ce qui permet de relever la hauteur de l’axe de l’hélice par rapport à un réducteur classique à bain d’huile, on gagne ainsi une augmentation de la taille des pales, donc de leur rendement, sans couper le fuselage en deux ! L’hélice est une bipale Warp Drive en composite.
Le train non amorti réalisé en tubes alu profilés est maintenu par trois câbles, c’est un tricycle sans carénage sur les roues, ralenti par de puissants freins a tambours. La roue avant conjuguée est large de même taille que les deux autres roues.
Au rayon esthétique, l’entoilage peint de ce modèle n’est pas très bien fini, il faut avouer que les formes du fuselage sont tortueuses et complexes, l’importateur préconise d’ailleurs l’Oratex, plus facile à poser et ne nécessitant pas de peinture, ce qui allège la masse totale si besoin en était. On peut noter que l’adjonction de flotteurs confère un ensemble très harmonieux : la machine ayant une garde au sol très basse du fait de son moteur en hauteur, ce qui n’est malheureusement pas le cas sur la plupart des ULM hydravions « perchés » bien trop haut au-dessus de l’eau.
La prévol est très simple, tout est visible et accessible de part sa petite taille, le moteur est non caréné, ce qui permet de vérifier les différents éléments dans leur globalité, en revanche il est plus soumis aux conditions climatiques (poussière, rayonnement solaire, air marin…)
Prise en main…
Après avoir fait le tour de la machine, Alain m’invite à prendre place à l’avant. L’installation à bord est un peu technique, on enjambe le fuselage relativement haut de part sa position « nez en l’air » et on se laisse descendre sur le siège en se cramponnant aux tubes supérieurs. Le siège et les palonniers ne se règlent pas, on ajuste la position avec un coussin, l’aéronef est plutôt conçu pour les grands, dans mon cas (1 m75) un dossier en mousse supplémentaire me permettra d’avoir le plein débattement des palonniers, point important sur ce genre d’appareil…
La largeur en cabine est de 62 cm pour une hauteur de 120 cm, ce qui laisse de la marge au-dessus de la tête en cas de forte turbulence.
Les sièges sont confectionnés avec des tubes alu recouverts de mousse, la position est spartiate mais confortable. La visibilité vers l’avant me semble bonne mais c’est à confirmer car malgré la présence de deux personnes à bord le Challenger ne daigne pas basculer sur sa roue avant. Il faudra démarrer et mettre un peu de puissance pour qu’il accepte enfin de se mettre sur trois roues. La ceinture est une classique deux points au niveau des hanches. On poire un peu pour remplir les carburateurs, on tire sur le starter positionné au dessus de la tête, un quart de tour sur un coupe circuit général positionné sous le tableau de bord, master sur ON, puis on donne un quart de tour à la clé pour démarrer le Rotax 582. Une sonorité pétaradante envahit l’habitacle, on avait un peu oublié le timbre du deux temps sur nos 3 axes… Un petit coup d’accélérateur et le Challenger bascule gentiment sur la roue avant, la bonne visibilité entre les deux tubes latéraux se confirme enfin. Alain s’occupe de la radio et je commence à rouler.
Le roulage est précis et facile, le demi-tour est très efficace et le freinage démoniaque, il vaut mieux être tendre sur la poignée située sur le manche avant (type frein de moto).
Le tableau de bord est complet avec badin, altimètre et variomètre, bille, compas, charge batterie, compte-tour électronique qui ne s’avérera pas très pratique ni très juste, température moteur et horamètre. Une grande tige en L placée sur le flanc gauche fait office de trim de profondeur, l’accélérateur est également placé sur ce coté juste en avant du trim. Le manche central tombe sous la main permettant de piloter la main sur la cuisse. Au-dessus de la tête se trouve une manivelle permettant de manœuvrer les flaperons, sur les conseils avisés de l’importateur je ne m’en servirai dans aucune phase de vol.
La radio se trouve sur le coté gauche, son fonctionnement est accompagné de parasites désagréables souvent présents avec les moteurs deux temps.
J’exécute l’ACHEVER au point d’arrêt Charly, l’instructeur me redonne les dernières consignes en insistant bien sur le réglage du trim en position plein cabrer pour le décollage et la nécessité de mettre pas mal de pied à droite au moment du décollage pour contrer les effets du souffle hélicoïdal. Le ciel est bleu, aucun nuage ne vient troubler cette journée, un léger vent de face nous accueille au seuil de la 04 dure, gaz à fond, manche au neutre et c’est parti !
Au sol le nez ne part pas de travers, la position de l’hélice au dessus de l’aile a plutôt tendance à plaquer la machine au sol, je poursuis la prise de vitesse et en à peine 7 secondes nous sommes en l’air. A la rotation le Challenger s’échappe franchement à gauche, j’enfonce le palonnier droit pour garder mon point de repère pris loin sur l’horizon. J’affiche une pente de montée à 90 km/h comme préconisé, l’assiette est impressionnante, le variomètre indique 1 000 pieds/minutes à 6 430 t/min ce qui pour un deux temps avec deux personnes à bord et 30 litres de carburant représente une véritable performance et un gage de sécurité. La montée nécessite un maintien de pression sur le palonnier. La configuration en tandem facilite la symétrie du vol, le pilote étant centré dans la machine.
Nous effectuons un demi-tour pour nous diriger vers le Sud des installations, la visibilité vers l’avant est bonne et excellente sur les cotés, étant donné que le pilote est positionné très en-dessous de l’emplanture.
Première constatation : à pleine puissance, le bruit du deux-temps est bien présent dans la cabine. L’installation de la motorisation de type propulsive, sur l’aile à proximité des pilotes, sans capot moteur ni cloison pare-feu engendre plus de bruit en général. Un casque efficace pour atténuer le niveau sonore lors de longues sorties sera utile.
Après réduction des gaz et ajustement du trim, j’opte pour un palier rapide à 130 km/h avec 5230 T/min, le Challenger file vers le Sud. Les conditions dans cette couche (entre 1 500 et 2 500 pieds/sol) ne sont pas turbulentes mais occasionnent de petits thermiques m’obligeant à piloter et faire de petites corrections pour garder le palier. Le vent relatif est efficacement détourné pour protéger le pilote, mais l’absence de portière me rappelle les sensations du pendulaire, ce n’est pas mon passager (emmitouflé) qui me contredira !
Je commence une série de virages à 30 puis 45° d’inclinaison pour tester l’axe de roulis, la commande est ferme pour une efficacité mesurée avec un lacet inverse prononcé, nécessitant un bon accompagnement aux pieds. Plusieurs facteurs peuvent influer sur l’axe de lacet : les flaperons engendrent plus de traînée, la conception de l'aile, la taille de la dérive et bien sûr la position du moteur (propulsif…). Le Challenger cumule ces différents facteurs, ce qui justifie de le voir se dandiner ainsi sur cet axe.
Après un bref temps d’adaptation pour apporter le bon dosage au niveau des pieds, on conjugue pied/manche naturellement sans trop s’en soucier. L’autre particularité, liée au moteur propulsif, réside dans un effet secondaire surprenant : un couple à cabrer lorsque l’on réduit les gaz et inversement. Cela peut surprendre au début, on réduit la puissance et le nez monte franchement, il faut alors saisir le trim et le placer à piquer tout en poussant le manche vers l’avant. Je comprends maintenant pourquoi le trim de taille imposante est placé comme une manette de gaz : le Challenger se pilote sur l’axe de tangage principalement au trim, le manche servant aux menues corrections.
Au bout d’une dizaine de minutes, je commence à assimiler les particularités de l’oisillon et à prendre du plaisir. Après avoir pris ses marques, l’ULM se révèle un appareil joueur avec lequel on a envie de voler bas, lentement, en faisant corps avec les éléments.
Les commandes sont plutôt fermes sur tous les axes, la profondeur se révélant plus légère que le roulis.
Nous nous rapprochons du terrain pour effectuer quelques tours de piste, je ralentis la puissance en vent arrière, trim à piquer, 100 km/h, réduction totale en base pour ressentir le plané de la machine, la vitesse descend à 90 km/h, je m’aligne en finale et la traînée importante de l’appareil m’obligera à remettre un peu de moteur pour accéder au seuil de la 04. La finesse de 11 annoncée par le constructeur me paraît un peu optimiste, d’ailleurs la brochure des données techniques, annonce la même finesse pour l’aile courte et l’aile longue !
L’instructeur me rappelle qu’en finale on peut abaisser la vitesse à 75/80 km/h. L’arrondi est sans surprise, plutôt facile à gérer, une fois au sol avant de remettre les gaz, ne pas oublier de tirer le trim à fond pour éviter les efforts importants au manche. Je tire et anticipe au pied pour garder l’axe, cette fois-ci le Challenger ne s’est pas échappé sur le coté ! Après quelques toucher/décoller je dépose mon copilote pour aller effectuer seul mes mesures. Aligné sur la piste, gaz à fond je décolle en quelques secondes et après un palier d’accélération, j’affiche une assiette impressionnante, presque aussi accentuée qu’un pendulaire !
Je me dirige vers la Creuse tout en testant les différents régimes moteur, à pleine puissance je lis un peu de plus de 150 km/heure, la croisière rapide se situe vers 135 km/h pour 120 km/h de croisière économique. Chaque régime imposant un réglage du trim précis puisque l’adjonction de puissance engendre un couple à piquer. La consommation est donnée pour 18 l/h à pleine puissance et entre 15 et 16 l/h pour la croisière économique. Avec 94 l de carburant, on peut envisager de voler plus de 5 h 30. A 120 km/h cela nous donne environ 650 kilomètres de distance franchissable sans vent. Il s’agit du premier trois-axes que nous testons qui ait une telle allonge en biplace, les autres étant réservés de part leur masse à vide aux vols locaux ou imposant de fréquents ravitaillements en voyage.
Pour passer de 45 ° à 45 °, je mesure 3 secondes, ce n’est pas diabolique mais suffisant pour l’utilisation recherchée. Lorsqu’on positionne le Challenger en virage à 30° stabilisés à gauche, il reste dans cette position avec une lente volonté à ressortir au-delà d’un tour. Par contre lorsque l’on effectue la manœuvre à droite, il s’enfonce dans le virage et s’incline d’avantage, stable à gauche, instable à droite, le souffle hélicoïdal proche de la dérive et sa position au-dessus de l'aile en sont les principaux responsables.
Le lacet inverse se mesure en basculant l’appareil de 45° à 45° sans utiliser les pieds, évidemment la bille part se réfugier aux confins du tube, comme évoqué auparavant cet ULM est sensible au lacet, il faut donc prendre soin de bien conjuguer ses virages, ce qui est intéressant pour la formation des élèves, les obligeant à regarder dehors tout en positionnant correctement le fuselage dans le vent relatif. En enfonçant un palonnier à fond, le nez s’oriente du coté du pied et reste dans cette configuration sans tendance au retour au neutre, on peut ainsi voler en crabe, ce qui n’a en soit, aucun intérêt, il faudra en croisière être vigilant sur la bonne symétrie du vol pour ne pas traîner d’avantage, cette instabilité en lacet pourrait être corrigée si besoin en était, en ajoutant des ressorts de rappel au neutre. La stabilité de l’axe de tangage se mesure à partir d’une croisière stabilisée en effaçant l’horizon et on laisse l’ULM revenir à sa phase initiale. Sur cet axe le Challenger reste assez original puisque après avoir oscillé une première fois, il part négligemment en rotation coté droit pendant un tour avant de reprendre son axe de vol en croisière, la configuration de l’axe de poussée du moteur au-dessus de l’aile peut engendrer ce genre de réaction. La tenue de l’axe de tangage demandera constamment de petites corrections en croisière due à l’aérologie et à sa faible masse, c’est donc un ULM qui se pilote et nécessite d’être appliqué dans ses paramètres (tenue des vitesses, de l’altitude, du lacet), un bon point pour un ULM école où l’élève devra être rigoureux lors de son apprentissage. Les différents décrochages n’appellent aucun commentaire, l’appareil est sain, salue très gentiment dans l’axe et reprend son vol immédiatement lorsque l’on relâche l’effort à cabrer. J’ai mesuré des vitesses très basses (environ 50 km/h) avec une position neutre des flaperons. Une fois ces mesures effectuées, je réduis afin de me laisser descendre pour suivre les méandres de la Creuse, le coude à la portière à 110 km/h. C’est ainsi que le Challenger m’a le plus séduit, une bonne visibilité pour découvrir la terre d’en haut à une vitesse permettant la flânerie.
Après une heure de vol, retour au terrain pour effectuer quelques tours de pistes dans différentes configurations. Pour commencer j’ai abordé la finale avec un plan trop fort pour évaluer la glissade, bien évidemment celle-ci est très efficace et permet de descendre à plus de 1 100 pieds/min, permettant ainsi le posé sur des terrains particulièrement courts, ce à quoi le Challenger semble destiné, surtout la version aile longue qui tolère des vitesses d'approches extrêmement faibles. Puis j’ai effectué des remises de gaz, cela ne pose pas de problème en l’absence de volets, il faut juste ne pas oublier de jouer avec le trim ! L’arrondi se révèle vraiment facile, on relève le nez et il n’y a plus qu’à attendre le touché des roues. Le Challenger fait sans doute figure d’originalité aujourd’hui, un look décalé, une conception devenue rare (tube et toile), une charge utile entièrement exploitable. Les particularités de son domaine de vol en font un appareil étonnant et sécurisant par ses performances aux basses vitesses notamment. Le temps d’adaptation pour voler avec cette machine est rapide et les élèves formés sur le Challenger auront de bonnes base pour piloter d’autres appareils.
Son prix de vente, à l’image de sa masse, est plutôt léger : 13 990 € TTC en kit sans moteur et moins de 30 000 € prêt à voler (suivant options). Cet argument pourrait bien intéresser une jeune école ou un club désirant une machine facile d’entretien avec des qualités de vols accessibles.
On pourrait lui reprocher un niveau sonore assez élevé, une faible vitesse de croisière, les passionnés aimant aligner les chiffres, mais ce serait faire fausse route, le Challenger n’a pas été construit pour aller d’un point A à un point B le plus vite possible. Son concepteur ne construit d’ailleurs pas d’avion, à l’inverse de beaucoup de ses concurrents européens. Cet appareil est bel et bien un ULM, sachons apprécier les qualités et les défauts de ce qui fut l’origine de notre mouvement, à trop vouloir s’en éloigner nous risquons de nous brûler les ailes…
…
Qui c’est ceux-là ?
Quad City Aircraft est implanté à Moline dans l’Illinois, aux Etats-Unis. Dave Goulet, le parttron et concepteur, développe depuis 1983 le Challenger décliné sous différentes versions. La société diffuse ses produits en kit prémonté, le fuselage, les ailes, l’empennage et même les commandes principales arrivant complètement assemblés dans la caisse de livraison. Quad City Aircraft revendique une diffusion de plus de 3 500 kits à ce jour partout dans le monde au rythme d’environ 150 machines par an. La philosophie qui anime le boss est de produire un appareil léger peu motorisé, robuste, avec des performances honorables et surtout à un tarif contenu.
Champrod ULM, l’importateur pour la France, existe depuis début 2007 et réalise un chiffre d’affaires d’environ 200 000 € annuels. Implanté sur l’aérodrome de Argenton-sur-Creuse, haut lieu de l’ULM, Christian Foeller, le dirigeant, propose également de l’école, l’importation des flotteurs Puddle Jumper Floats et la distribution des moteurs Hirth (mise en sommeil). Une dizaine de Challenger II ont été vendus en France depuis 5 ans.
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