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GDecouv'R Phase III 912, La Mouette Ipsos 14.9

Article paru dans ULMiste n°20, août 2015

 

GDecouv'R Phase III 912, La Mouette Ipsos 14.9

 

Le roseau !

 

Lorsque Cosmos a disparu en 2009, tout le personnel s'est retrouvé du jour au lendemain sans emploi. La marque fut plus tard rachetée au liquidateur, ainsi que, par ailleurs, les biens mobiliers, mais l'activité fut délocalisée au Mexique, chez les repreneurs de la marque. Un représentant pour la France fut trouvé, mais il s'avéra bien vite que sa méconnaissance de l'ULM en général et du commerce en particulier compromettaient tout espoir de réussite. Trois ans après la reprise, il n'y avait toujours pas de machine de démonstration disponible en France.

 

Pierre-Jean le Camus

 

La Mouette, par ailleurs, est l'une des plus anciennes entreprises du secteur. Créée en 1974, elle a d'abord officié dans le delta naissant (deltaplane pour les profanes), puis, très vite, les ailes pour ULM pendulaire, plus tard le paramoteur, y compris à roues. Cosmos, entreprise sœur, partageait le même hangar dans la zone industrielle de Fontaine-lès-Dijon, simplement partagé en deux. C'est encore une histoire de famille. A Cosmos de concevoir et fabriquer les tricycles, à La Mouette les ailes. Lesquelles ailes étaient vendues à d'autres marques, dans le monde entier. Depuis 2010, La Mouette est également devenue constructeur d'ULM à part entière, via le Samson, que nous avons essayé en version électrique et thermique, pour notre plus grand plaisir. C'est désormais Laurent Thevenot, fils et neveu des fondateurs, qui a repris les rênes. Né dedans et ingénieur aéronautique, il fait désormais partie des quelques rares individus qui, à travers le monde, maîtrisent parfaitement l'art de l'aile delta.

 

Côté Cosmos, la marque, désormais latino-américaine, semble avoir abandonné le marché français, voire européen et ne développe du reste rien de neuf, se contentant de refaire les chariots préexistants. Jean-Michel Geay fut chef d'atelier Cosmos pendant plus de 20 ans. Lors de la faillite, il décida bien vite et avant même la reprise de la marque, de ne pas abandonner les nombreux clients, lesquels sont, en général, plus que clients : fans ! Il démarra donc l'entreprise G Decouv'R, sise dans les anciens locaux de Cosmos à Fontaine, partagés avec Helite, l'entreprise de Gérard Thevenot (le père de Laurent), qui conçoit et produit des airbags pour moto, cheval, ski et… ULM bien sûr ! Dans ce hangar, nous avons donc un concentré d'expertise et de savoir-faire assez unique au monde !

 

Lorsque Cosmos fut repris, Jean-Michel prit la sage décision, plus ou moins sur invitation de Cosmos Mexique (dont les financiers sont Français), de ne plus faire publicité de ses activités, se contentant de répondre à la demande ponctuelle de clients qui lui reconnaissent son expertise. Parlez à cet homme de votre chariot Cosmos, il vous en refera l'historique, son année de fabrication, les différents propriétaires, les éventuelles casses qu'elle a subies ! Expérience vécue ! En plus des "pièces dét'" comme on dit ici, Jean-Michel se mit bien vite à proposer des tricycles complets, et développa des pièces spécifiques, tel le réservoir roto-moulé de 70 l qui prévoit l'emplacement du parachute et remplace avantageusement le réservoir profilé en fibres qui ne supporte pas l'essence à l'éthanol. D'autres pièces spécifiques sont en perpétuel développement, et même, mini scoop, un chariot revu qui portera donc entièrement la paternité G Decouv'R ! Depuis deux ans, Alban Roche a rejoint Jean-Mi et travaille à plein temps, tant sur les ULM que sur les quads Yamaha, autre activité de l'entreprise. Alban est à surveiller ! Il cumule déjà une très longue expérience dans le modèle réduit, la compétition internationale en pendulaire monoplace et trois-axes biplace. Il a par ailleurs construit un Pottier P-130 912 très léger qui lui sert de véhicule pour le boulot. Une synchro de carbu quelque-part en Bourgogne ? Voilà le Alban qui déboule dans son "Bleu-Citron", la caisse à outils en siège de droite, pour vous servir. Ah oui, on a oublié de préciser : Alban n'a que 26 ans !

 

Des années d'expérience, un gros savoir-faire, un savoir encyclopédique et une soif de voler jamais assouvie. Voilà comment on peut résumer l'esprit "Dijon", sans compter que "l'Indien" n'est jamais bien loin. Si on ne sait pas qui est Jean-Michel Rivaud, on ne connaît rien à l'ULM ! Aussi, pour ne pas l'offenser, nous nous abstiendrons de le présenter encore une fois…

 

Depuis que Cosmos a plus ou moins décidé de négliger le marché français, pourtant premier au monde en matière de pendulaire, Jean-Michel Geay assume ses "copies" de Cosmos et accepte désormais que nous en parlions. Nous avons déjà volé dessus, mais sans trop en dire, notamment pour essayer le 582 à injection de la maison. Nous voici de nouveau à Dijon, pour notre plus grand plaisir, pour essayer le Phase III (912) G Decouv'R, surmonté de l'aile Ipsos 14.9 dernière version. Cette dernière, nous l'allons voir, diffère tellement de ses grandes sœurs que nous invitons La Mouette à lui trouver un nouveau nom, sans quoi les gens s'imaginent que c'est la même aile depuis toujours alors que ça n'a plus grand-chose à voir.

 

Le chariot

 

Le Phase III ne diffère guère de celui que Cosmos a produit il y a une grosse dizaine d'années, si ce n'est par quelques détails tels que le réservoir, bien sûr, mais aussi l'absence totale des inutiles carénages composites autour des assises, remplacés par la toile classique des flancs. Le siège reste le matelas de campeur (riez, vous qui devez vous en trimballer et gonfler un spécifique !), mais une option très peu chère et rétrofitable sur les Cosmos antérieurs permet d'adapter un fort confortable dossier. Fini le bidon sur le siège arrière quand on vole en solo ! Cette machine a été commandée par Red-Bull Argentine, en remplacement d'un chariot précédent détruit dans un accident. Si même depuis l'Argentine, pourtant moins éloignée du Mexique et causant la même langue, on fait d'avantage confiance à l'ancien chef d'atelier qu'au nouveau Cosmos, c'est un signe ! Pour contenir le prix et parce-que cela revient au même, le moteur n'est pas tout neuf mais cumule une centaine d'heures. Bien vu !

Le moteur est surmonté d'un capot à l'esthétique discutable qui alourdit un peu la ligne et qui se retire rapidement par trois broches pour la prévol. La console est strictement identique à celles des Cosmos et reprend la même instrumentation AMPtronic SKYDAT GX2. L'hélice est une tripale Neuform, qui avait donné les meilleurs résultats lorsque Cosmos avait fait le tour du marché au moment du passage au 912. Cet appareil est équipé d'un dispositif de remorquage, vues les activités ludiques auxquelles il est destiné.

Les commandes moteur manuelles retrouvent la même configuration bien connue des Cosmophiles et dont les autres devront se méfier : starter à bâbord, gaz à tribord. Mais attention, ils s'actionnent à l'envers par rapport aux normes aéronautiques ! Il y a une raison à ceci : à zéro, ils restent dans l'alignement des tubes et ne risquent dont pas d'être manipulés pendant l'installation à bord. Quand les normes, comme c'est parfois le cas, insultent le bon sens, il est sain de s'en éloigner.

La poignée d'extraction du parachute se trouve sur la ceinture pilote, ce qui évite de grandes amplitudes pour aller la chercher le jour où on en a besoin !

Quelques petites modifications ont été apportées, notamment au niveau de la fixation inférieure du torpédo (tube avant), qui vient désormais directement dans le tube horizontal et non plus via une pièce de jonction en U, ainsi que les attaches avant des tirants de train, qui se sont vues dotées de pièces mécano soudées spécifiques. Bien sûr, sur l'aile comme sur le chariot, on ne trouve que des broches à bille attachées par un fil de nylon, ce qui empêche tout risque de perte de boulonnerie dans l'herbe ou le sable. On garde vraiment l'esprit tout terrain apprécié par ceux qui en ont l'expérience ! Ceci n'est pas un de ces pendulaires qui se pilotent avec une cravate, dorment au chaud dans un hangar moquetté et ne se démontent jamais. Non, c'est un pendulaire conçu pour être utilisé vraiment.

Le confort à bord reste celui auquel nous sommes plus ou moins habitués, c'est-à-dire acceptable à l'avant, spartiate à l'arrière. Au bénéfice des masses, rassemblées au plus près du centre de gravité, ce qui participe à la fois à la stabilité et à la maniabilité. Une aile La Mouette donnée, sous un autre chariot, par exemple allongé et à tubes ronds, ne montrera pas le même comportement que sous un Phase II ou III. Mais enfin, ce confort-là, on s'en contentait depuis des années, il y a d'autant moins de raison que ça change que cela se fait, le plus souvent au détriment de la stabilité de route et de l'agrément de l'ensemble.

 

L'aile

 

On l'appelle Ipsos. Depuis fort longtemps déjà. 14.9 de surcroît, appellation encore plus ancienne, qui date de l'époque des "Top". On est donc tentés d'imaginer que c'est juste la même aile avec, éventuellement (et même pas en l'occurrence), de nouveaux motifs dans les découpes de voile ou de nouvelles couleurs. Non, on est ici un peu "feng-shui", du coup, vu de loin et avec le même nom, ça fait que c'est la même chose. J'étais d'ailleurs venu à Dijon avec l'idée de parler surtout du chariot. Mais, après avoir volé avec l'ensemble, je constate que l'aile mérite vraiment que l'on s'y attarde !

Il y a 12 lattes d'extrados par côté, fort rapprochées au niveau de l'emplanture. 6 lattes d'intrados. Vu de l'arrière, le bord de fuite est moins "galbé" que sur les 14.9 d'époque, l'aile semble plus plate. Visuellement, avec un œil attentif, on voit déjà des différences qui augurent d'un comportement sans doute plus stable, au détriment de la légendaire maniabilité des ailes La Mouette. Maniabilité que les détracteurs nomment instabilité, ce qui est juste en soi mais passablement taquin dans leur esprit. Nous avons récemment échangé avec un penduleux qui cassait La Mouette, ce qui est son droit. Avant de nous rendre compte qu'il n'avait jamais volé avec ! Avant d'avoir un avis, il faut essayer et si possible avec un qui est capable d'expliquer.

 

Allons jouer !

 

Vu que je préfère tester les biplaces en biplace, Alban me fait l'honneur de se poser sur le siège arrière et je prends la place avant. Il y a un peu de vent, légèrement travers sur la piste 02 (légèrement montante) de Darois. On décolle de la dure, en moins de 7 secondes. Les basculements du chariot sont bien maîtrisés. Le vent, dont les effets du frottement sont accentués par le relief devant, génère quelques turbulences, que je n'ai aucun mal à maîtriser. Je sens assez bien cette aile et j'annonce à Alban que cet essai n'aura pas besoin de durer bien longtemps. Ce qui est bon signe, je comprends assez vite ce que j'ai entre les mains. En revanche, l'aile est plus ferme que ce à quoi les Dijonnais nous avaient habitués, tout en restant bien plus souple que nombre d'autres ailes...

Je suis un peu impressionné, l'Alban est curieux de voir comment se déroule un essai, pendant que je reste conscient que je n'ai strictement rien à lui apprendre. Au contraire… bon, on va bien y arriver !

On monte pour chercher un peu de calme en prenant le cap sur le circuit de Prenois sur lequel évoluent quelques jouets de course. La stabilité de route est très bonne. Le taux de montée s'établit à 4,5 m/s, ce qui à la masse du jour n'est pas négligeable. La stabilité de route est excellente.

 

Stabilité roulis / tangage

 

En roulis, l'aile est neutre quasiment partout ! Pour une aile La Mouette, c'est tout à fait nouveau… et bienvenu ! Où qu'on la place en roulis, elle y reste. Aucune tendance à revenir au neutre ni à augmenter l'inclinaison, comme c'était le cas jusqu'ici. Il n'y a, bien sûr, qu'au-delà d'une certaine inclinaison (de l'ordre de 40°), que l'on redevient légèrement instable (augmentation de l'inclinaison). En tangage, rien à noter, je retrouve un comportement proche des ancêtres de la maison : relativement peu d'efforts autour du neutre malgré un rappel bien lisible, et des efforts qui augmentent avec l'amplitude à pousser ou tirer. Un lecteur m'a récemment interpelé sur l'expression "non-événement" souvent employée pour décrire le décrochage. Je le remercie, nous avons besoin de ce genre de commentaire et question. Par opposition, posons une fois pour jusqu'à la prochaine qu'un événement se rencontre lorsque le décrochage est marqué par une abattée. Donc, pas d'abattée : non-événement. T'es content comme ça ? Allons-y donc, (roulement de tambours) : sur notre aile du jour, le décrochage est un non-événement ! Non seulement il n'y a pas d'abattée, mais il n'est pas possible d'en provoquer, sauf à se mettre dans des configurations indécentes… en statique (palier, réduction des gaz, poussé progressif), rien, ça parachute. Légère ressource : toujours rien, le machin monte, se stabilise et parachute, en restant pilotable en roulis. Ressource plus prononcée : pareil ! Encore plus marqué, toujours pas. Voici qui est certes très sécurisant, mais montre toutefois que la basse vitesse n'est sans doute pas exploitée au maximum… au moment du parachutage, le badin indique 52 km/h.

 

Côté perfos ?

 

Ce n'est pas ici qu'il faut chercher l'évolution. Du reste, cette évolution existe-t-elle ? Les ailes de pendulaire rapides que nous avons testées jusqu'ici ne peuvent aller vite qu'au détriment de l'autonomie. Est-il bien utile d'aller plus vite si on ne peut aller plus loin ? Entre celui qui vole à 80 km/h en consommant 12 l et celui qui vole à 150 km/h en consommant 25 l, les deux parcourront sensiblement la même distance avec le même carburant. Le second, lui, aura volé deux fois moins longtemps…

Donc, cette Ipsos 14.9 n'est pas de cette classe-là. Elle est de celles qui vous mèneront à bon port dans un certain confort et en respectant votre moteur. Nous avons noté 79 km/h en compensation, autour de 60 km/h en vitesse mini et 124 km/h en vitesse maxi en palier. A cette vitesse, vu qu'il n'y a ni carénage ni saute-vent, on est dans un inconfort certain, ce qui est plutôt sain : la machine nous explique qu'elle n'aime pas ça, que ça va juste fatiguer ton moteur et vider ton larfeuille plus vite.

 

Pour qui ?

 

Cette aile remplacera avantageusement les ailes de générations précédentes montées sur des chariots Cosmos… ou autres. Les performances pures, si on les arrête comme on en a la mauvaise habitude, à des mesures de vitesse, ne dépayseront pas les possesseurs d'ailes plus anciennes. L'évolution du comportement, en revanche, lui, les ravira ! On se fera moins balader en turbulences et la précision est considérablement améliorée.

L'ensemble complet, lui, est l'un des pendulaires 912 les moins chers du marché français, puisqu'il est facturé 43 056 €TTC (TAV 20%). Certes, il s'agit d'un moteur pas tout à fait neuf (100 heures, c'est comme si) et le chariot n'est pas vraiment comparable à certains autres de l'offre actuelle, qui bénéficient d'années de développement quand nous avons ici une réédition d'un concept plus ancien. Mais un concept ancien qui mérite d'être réédité, tant il était parfait pour son époque ! Simple, facile à plier, réparable sans tout changer, tout terrain… le roseau de La Fontaine, qui commence à se sentir un peu seul dans la forêt de chênes de l'actuel pendulaire biplace…

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