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Editorial ULMiste n°5

Article paru dans ULMiste n°5, juillet 2011

 

En l’air ou sous terre, choisis ton camp

 

Enfin la saison a repris, il fait beau, les jours ont rallongé, l’idée du contact des commandes démange  copieusement les mains de tous les pilotes. On se précipite au hangar, les bras torturés par un bidon de glouglou dans chaque pogne et le cœur qui bat un peu plus fort que pour aller au boulot le matin. On secoue le jouet deux ou trois fois pour voir si y’a rien qui tombe et on ajoute un vague coup de pied dans une roue en guise de prévol, contact, gaz, et le ciel se donne. Le plaisir renouvelé du vol est dévoré goulûment, d’un coup, le piéton des jours pluvieux semble réintégrer sa peau de pilote. La journée est parfaite : le beau temps, un barbecue qui se prépare, les camarades volants retrouvés discutent avec véhémence le bout gras sur telle hélice, tel carénage, leur futur jouet ou rêvent tout haut de la prochaine balade proche ou lointaine. Le tableau est presque parfait, si ce n’est cette sensation amère et tenace qui assombrit les regards et rend les silences plus pesants. En effet, la bande n’est pas au complet, il en manque un dans l’assemblée, celui-là même qu’on a revu il y a quelques jours à peine et avec lequel on a passionnément discuté des vols passés et à venir. Celui-là dont on croit parfois apercevoir l’ombre ou entendre la voix bourdonner près des machines, celui-là dont on attend toujours inconsciemment et désespérément qu’il surgisse d’un coin du hangar pour nous asséner ses blagues passablement affligeantes, mais qui manquent tant aujourd’hui. Chacun de nous en connait un de “celui-là”, qu’on ne verra pas au terrain aujourd’hui. S’il a eu beaucoup de chance, il ne viendra plus pendant un bon bout de temps, son jouet n’est plus qu’un tas informe de câbles, de tubes ou de bois au fond du hangar, et il lui faudra attendre patiemment que les chairs cicatrisent et que les os se ressoudent avec plus ou moins de résultat. S’il en a eu un tout petit peu moins, la sanction est aussi absolue que définitive.

Une question que l’instructeur pourrait poser à ses nouvelles recrues en guise d’introduction serait : “pourquoi l’ULM vole-t-il ?”  Et les élèves les plus hardis ou les mieux informés d’empoigner un marqueur pour fièrement griffonner au tableau blanc un profil d’aile un peu patatoïde, entouré des filets d’air qui vont bien. Mais la bonne réponse, la raison première est que l’ULM vole juste parce que c’est bon. Le rêve, l’envie de voler précèdent les moyens techniques nécessaires (les bouts de tubes, le profil, les filets d’air et autres subtilités), qui sont simplement au service de notre bonheur. On vole donc en ULM par pur plaisir, un plaisir intense, mais pas vraiment pour terminer sa course en miettes sur un lit d’hôpital ou au cimetière.

Le début de saison 2011 est déjà cruellement émaillé de trop nombreux accidents. La statistique froide nous enseigne que les pilotes débutants se plantent assez rarement. De fait, il est certainement salvateur, quelle que soit l’expérience acquise, de se considérer comme d’éternels débutants, toujours avides d’apprendre ou de réapprendre, et surtout qui évitent de péter plus haut que leur cul, car c’est universellement connu pour nuire dramatiquement à la stabilité de tout aéronef, ainsi qu’à l’espérance de vie de ses occupants.

Allez les copains, faites pas trop les cons, plein de gens vous aiment, et veulent vous voir continuer à voler.

 

Jean-Christophe Verdié

 

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