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21 mai 2008

 

Les dictons populaires disent comme ça que « ma liberté s’arrête là où commence celle d’autrui », et aussi que les intérêts collectifs priment sur les intérêts particuliers. Après, selon l’angle de vue, le Gédéon trouve que ça veut tout dire et son contraire, ces idées-là. Si tu regardes bien, en fonction du type de régime politique que tu as, d’un côté on t’accorde une liberté que parfois on restreint, et de l’autre on ne t’accorde aucune liberté, mais avec quelques exceptions. Selon le dosage de l’un ou de l’autre, on peut obtenir le même résultat.

 

Enfin bon, nous autres, on est plutôt dans un système de type libéral restreint. A noter, d’ailleurs, que les ceux qui étaient libéraux au siècle des lumières ne le seraient plus aujourd’hui, à cause que ça ne veut plus dire la même chose. Enfin bon…

 

Sinon, la liberté de mouvement, par exemple. Elle est garantie, en France. Elle est totale. Tu peux aller absolument où tu veux, sauf. Dans d’autres pays, tu ne peux aller nulle part sauf, mais ça y est, t’as compris, maintenant. Et alors là, les sauf, en France, y’en a des tonnes, que c’est justement l’histoire de la liberté d’autrui qui arrive. Le Gédéon peut aller et venir chez lui autant qu’il veut, mais s’il veut bouger chez son voisin, c’est le voisin qui décide. Et le problème, c’est que les voisins, y’en a partout, de ces saletés-là ! Du coup, pour que tu puisses quand même aller chez la maison de ton autre voisin qui est tout là-bas derrière la colline et qui t’as dit oui, on a fait des routes, qui sont des espaces publics sur lesquels ta liberté de mouvement est totale. Dans le bons sens, merci.

 

Donc finalement, si tu regardes bien, à part sur les routes, dans les rues, les cages d’escalier ou les jardins publics aux heures d’ouverture, ta liberté de mouvement, elle est pas bien épaisse, au total…

 

Sauf en l’air, que là, tu peux aller au-dessus de chez ton voisin, t’es pas chez lui, que son chez lui c’est par terre, même si ça lui file des boutons, et que le Gédéon il s’en prive pas, pour aller voir un peu si les pommes du père Briseburn seraient pas des fois plus belles que les siennes. Là, il peut, là. Et si les pommes sont plus belles, que tu te demandes ? Tu crois pas qu’il va te dire ce qu’il fait, non, le Gédéon, hein, mais si jamais on te demande, sache que des fois, les pommes, elles attrapent comme qui dirait des maladies, les pommes…

 

Et le Gédéon il trouve ça vachement bien, même, cette liberté de mouvement dont il peut, lui et les quelques rares français qui l’ont compris, jouir à sa guise. Et justement, en causant de guise, ben pas tant que ça la guise, finalement, puisque des fois, au nom des intérêts collectifs qu’on a dit plus haut, on trouve que peut-être il faudrait restreindre un peu la liberté de mouvement des avions. Interdire, non, très peu. Si tu regardes bien, il y a très peu de lieux interdits de survol : quelques machins militaires, et la ville de Paris. A part ça, si c’est pas complètement libre, c’est restreint. Ici on te dit de voler plus haut que d’habitude, là on exige que tu demandes l’autorisation, que dans la langue des avions qui s’évertuent à pas causer comme tout le monde, une autorisation, ça s’appelle une clairance. Après, qu’on te l’accorde ou pas, cette clairance, selon par exemple que t’es un ULM, c’est un autre problème, mais qui rend la chose semblable à la situation du terrien, qui lui doit en obtenir sans arrêt, des clairances, à part sur les routes.

 

Parce que honnêtement, le Gédéon, il trouve quand même que ces espaces « clairancés », ben y’en a pas tant que ça, par rapport à la totalité du territoire français. Alors quand il entend que des fois ça couine parce que la liberté tout, ça, il veut bien, lui, mais avant de se joindre de loin au concert des mécontents, il regarde avant tout, plutôt que de s’arrêter à une simple question de principes, si c’est judicieux ou pas. Or, à son avis, au Gédéon, les besoins de la Défense nationale sont bien constitutifs d’un intérêt collectif, de même que la sécurité du transport public. En tous les cas, lui et sa petite bouse monoplace qui vole sans autre intérêt que de l’amuser, et, accessoirement, mater les pommes du voisin, il comprend qu’on lui accorde pas forcément la priorité sur les intérêts de la nation.

 

Tu veux qu’il te dise le fond de sa pensée ? Il trouve même, le Gédéon, que c’est vachement sympa qu’on tienne compte de ses futiles intérêts et qu’on lui demande son avis, tu vois, parce qu’il le sait bien, le Gédéon, que dans beaucoup d’autres pays, même des qui se disent défenseurs des libertés individuelles, on te demande rien, et on restreint sous clairance partout, sauf nulle part.

 

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