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17 décembre 2008

 

La loi ne fait pas toujours la raison et la raison n’a pas non plus force de loi. Mais pourtant… ben pourtant, le Gédéon, il se sent comme une âme de philosophe, par moments. Philosophe à la façon de Chamfort, qui définit cette race ainsi : « c’est un homme qui oppose la nature à la loi, la raison à l’usage, sa conscience à l’opinion et son jugement à l’erreur. » Voilà, alors le Gédéon, dans sa petite cervelle fébrile, il fait ça. Tout bien comme il a dit le Chamfort, les oppositions et tout, et voici ce que ça donne quand il applique ce système de pensée à la réglementation ULM. Ben wé, c’est d’ULM qu’il faut causer ici, que si tu veux une autre fois et ailleurs on pourra aussi s’entretenir de religion, de politique, de littérature slave ou d’hélicon, mais pour le moment, ULM, donc.

 

Et alors, la masse, par exemple. Ici, en cette matière, quoi, on est en plein dans la loi. Seulement, exclusivement, uniquement et réciproquement. Dans l’esprit des gens ulmiques, que veut dire le Gédéon. La plupart, si. Chez les constructeurs et vendeurs (qui sont tout de même le premier maillon du système), dans la presse plus ou moins spécialisée, et même un peu, dans une certaine mesure, chez quelques fédérastes. Alors là, le Gédéon, il voudrait donc bien vous livrer quelques élucubrations, que nous voici donc enfin dans l’objet du sujet.

 

La loi dit qu’un ULM ne doit pas peser plus de 450 kilos au décollage. Oui bon, pour les biplaces, sans parachute, pour peu que le constructeur l’ait prévu et tout le tremblement, on va pas refaire le cours, bien que ce ne serait pas un luxe… et alors bon, il y a donc l’histoire de la masse forfaitaire des occupants, de l’essence embarquée pour une heure au minimum et tout le truc. Ce « tout le truc » engendre donc une notion de masse à vide maximale qui, si elle n’est pas formellement chiffrée dans les textes, existe bel et bien dans les faits. A peu d’autres choses près, dès l’instant qu’un aéronef peu embarquer 156 kilos forfaitaires de viande, et environ 10 kilos de carburant et ce faisant rester sous les 450 kilos, hop, c’est réglementairement un ULM, même s’il n’y a pas l’once d’un milligramme de marge. A 284 kilos à vide, tu as un ULM.

 

Et voilà qui suffit donc à le vendre ainsi. « Vendre », entendons-nous bien, ce concept englobe une transaction, ce qui signifie donc qu’au moins deux individus sont consentants, d’accord, ok ok, qu’ils ont bien compris ce qu’on leur dit et tout. Et alors, oui, ils ont bien compris, l’un vient de vendre un ULM et l’autre de l’acheter. Au strict sens de l’esprit comme de la lettre de la loi, c’est bien ainsi. Indiscutablement. Et c’est là que paf ! si tu mets de la philosophie là-dedans, celle de comme dit plus haut, que tu commences à opposer la nature, l’usage, la conscience et tout le truc, que tu fais revenir le tout cinq minutes dans un bouillon, patatras, tout le truc s’écroule ! Regarde.

 

Alors bon, la loi donc, dit que cette machine, que nous nommerons « Chombier XIII » pour la circonstance, est un ULM. Soit, jusque-là, le Gédéon t’a montré que ça tient. Après, la raison, qu’est-ce qu’elle dit, la raison ? La raison, donc, elle te dit que tu vas peut-être vouloir t’en servir, de ton truc. Et alors, c’est là qu’il faut bien regarder : 156 kilos que l’on divise par deux donnent 78 kilos. Donc bon, le pilote et son passager doivent peser ça, une fois habillés et équipés. Le Gédéon, qui ne se nourrit que de produits de sa ferme (à part le sel, qu’il faut bien payer comme le démontrait l’autre), tient dans cette enveloppe s’il se flatte beaucoup. Alors bon, on va aller lui dire que sa femme doit probablement peser moins que ça, sans quoi il a des goûts douteux. Raté, il n’en a pas de femme, qu’il t’a déjà dit qu’il ne comprend pas comment ça fonctionne cette denrée-là. Enfin bon, Biyanvrac, de toutes manières, ne vole que seul. Prenons donc des ulmistes moyens, comme toi qui me lis, tiens. Si, avec ton beau-frère que tu amènes voler, vous tenez dans ces 156 kilos une fois équipés, le Gédéon te dit bravo, continue comme ça, tu auras la médaille de la bien-comportance alimentaire énarqueuropéenne « manger-bouger » et tout le truc.

 

Bon donc, pour toi et ton pax, 156 kilos, ça le fait, admettons. Tu peux donc aller te balader dans ton ULM tout beau que tu viens d’acheter à Blois, que le type qui te l’a vendu t’a convaincu que c’est absolument le meilleur qui soit « j’ai le même à la maison » et tout le chapitre. Et alors, vu que ça file à 250 kilomètres à l’heure, tu vas donc aller à l’autre bout de la France, à 800 kilomètres de chez toi. A peine plus de trois heures de vol pour traverser la France, quel miracle !

Seulement, vu que pour toi seule compte la loi, il va te falloir être cohérent, que sinon tu te mens à toi-même. Donc pour cohérenter, tu la respectes à mort, cette loi. Tu dois donc te poser toutes les heures faire ton plein, vu que t’as pas le droit d’en emporter plus qu’une heure, du coco, et que t’as signé le papier sur lequel tu t’y engages.

Disons que tu as du bol y’a du monde qui t’attend sur chaque terrain façon paddock de Formule 1, que tu es organisé et entraîné et que tu fasses ces pleins en une demi-heure à chaque fois. Tu rajoutes donc deux heures et demi à ton temps de parcours. Ben oui, vu que t’as pas le droit de te poser avec moins de quinze minutes dans ton réservoir, tu dois faire le plein tous les trois-quarts d’heure, et non pas toutes les heures ! Tu t’es donc arrêté cinq fois pour un plein, fais le calcul tu verras.

 

Pour traverser la France avec ton Chombier XIII, tu auras donc bien 3 heures 20 de vol, mais 5 heures 50 de temps de parcours.

Soyons réalistes et admettons le fait qu’une demi-heure ne suffira pas à chaque fois, c’est donc bien plutôt 7 heures au minimum de vol qu’il faudra compter pour parcourir ces 800 kilomètres. Soit une moyenne de 115 kilomètres à l’heure…

 

Avant ton Chombier XIII que tu as acheté tout plein de dizaines de milliers d’Euros à Blois, tu volais sur un « Merdier II » qui volait à 130 kilomètres à l’heure et pesait 230 kilos à vide. Tu pouvais donc être gros, décoller avec tes pleins et des bagages et traverser la France en deux étapes. Soit environ 7 heures de vol.

 

C’est balot… c’est balot.

 

Et c’est là donc qu’arrive la raison, qui en l’occurrence s’oppose à la loi. Enfin disons en tous cas que la loi ne la prend pas tellement en compte, sauf devant un tribunal, si c’est bien fait. Or, cette raison, elle te dit, de manière incontestable, que tu t’es fait enfler que de sommes assez conséquentes pour le même résultat, si le vendeur t’as dit sans tout te dire que c’est un ULM de voyage qu’il t’a vendu… en revanche s’il t’a prévenu que c’est un ULM juste pour faire le tour de ton bois, alors tout va bien.

 

Ah oui, mais il y a le cœur, nous dit Blaise (Pascal). Celui-là, avec son cœur, il l’agace assez velu, au Gédéon, mais disons que pour une fois il se pourrait bien qu’il ne dise pas que des âneries. Voilà, c’est ton cœur qui t’a fait craquer pour cette chose qui ne te rend pas plus de services que ton « Merdier », mais te flatte dans ton égo, que c’est beau tout plein effilé, que ça te pose son homme, et que le Gédéon n’ira pas y chercher quelque rapport avec le volume des attributs, Freud fait ça très mieux que lui.

 

Ainsi donc, selon ce postulat psychanalytique, c’est le cœur qui dit quoi faire. Or bon, si la loi, elle, repose sur du concret et que la raison ne saurait avoir tort (a priori), le cœur, lui, tout le monde sait bien qu’il ne raisonne pas. Voire, qu’il déraisonne. Mais nous venons de voir que même en ce cas il a raison, dans le sens « ses » raisons. Aussi, pour que le cœur l’emporte et s’accorde à la loi, on te nous remet un petit coup de raison là-dedans, comme suit : « puisque les clients veulent ça, mais qu’ils voudraient bien, les bons gars, rester dans la légalité sans se poser tout les trois quarts d’heure, la loi doit s’adapter et offrir 600 kilos de masse maximale, voire plus ». Voilà un raisonnement qui tient, indiscutablement.

 

Sauf que… sauf que certains constructeurs, et ça le Gédéon le sait bien (il a même des noms), arrivent très bien à produire des machins qui pèsent moins de 250 kilos et volent vite et sont beaux comme le veulent les cœurs…

 

Alors bon, finissons-en, que sinon l’action « Aspro » va péter les records. La loi dit 450 kilos, et la Fédé poursuit avec ironie, pour mettre une couche de cœur, « I Love 450 ». La raison, elle, nous dit qu’elle « Love 250 »… après, c’est chacun qui voit…

 

Quant à Kant, laissons-lui le mot de la fin : « La raison pure est pratique par elle seule et donne à l’homme une loi universelle que nous nommons la loi morale ».

 

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