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Grenouillite

2 octobre 2013

 

Bon, la grenouille et le bœuf, tu connais. La Fontaine, qui comme à son habitude s’inspirait d’auteurs Antiques, nous raconte l’histoire de cette grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf et en crève. Bon, la morale de l’affaire, c’est que chacun doit rester à sa place, tout ça. Que si on y regarde bien, c’est assez réac’, comme morale, mais enfin, c’est d’époque.

 

Ici, le Gédéon s’interroge. Pourquoi qu’elle veut enfler, la grenouille ? Hein, pourquoi qu’elle veut ? Parce qu’elle le voit, le bœuf, tiens !

 

Imaginons un monde où grenouilles et bovins vivraient chacun de leur côté, tranquillement. Grenouilles à l’étang et cornues au pré, avec un genre de haie infranchissable au milieu. Bah, tout le monde serait content, ou pas ?

 

Pourquoi donc que les petits sont complexés d’être petits ? Parce qu’il y a des grands et qu’ils vivent avec, tiens ! Les Pygmées, peuple admirable qui se meurt d’ailleurs - mais on s’en fout - sont bien contents d’être Pygmées. Pour une raison simple : ils le savent pas. Du moins, pendant longtemps, avant que des plus grands viennent les emmerder, ils ignoraient qu’ils étaient petits, puisqu’ils font tous la même taille.

Bon, t’as compris, que les frustrations viennent de la conscience de la différence. Laquelle ne vient que de la fréquentation.

 

Bon.

 

Et l’aviation, dans tout ça, que tu te demandes ? Si t’es intelligent et le Gédéon ne doute pas que ce soit le cas, puisque tu le lis, tu as compris la suite. Qui suit ainsi :

- Les avions de loisir veulent devenir des gros porteurs, avec tout le foin de complications administratives et techniques qui vont avec.

- Les ULM multiaxes veulent devenir des avions, avec le tout ça pareil. 

- Les pendulaires veulent devenir des multiaxes, avec vitesses inutiles, cabine fermée, chauffage, télé 16/9 et tout ça.

- Les autogires veulent devenir des hélicos et décoller sur place.

- Les hélicohuelles voudraient bien se voir greffer un petit biturbine.

 

Bon

 

Il en est un, tout petit, qui résiste plutôt pas trop mal à cette maladie : le paramoteur. Certes, certains voudraient qu’il vole à Mach3 et ne ferme plus, mais enfin, globalement, que dit Biyanvrac, donc, il n’est pas trop touché par la grenouillite.

 

Et ici, comme partout, le Gédéon a sa petite théorie.

 

Ils volent où, les autres ? Que quand on dit « où tu voles ? », ça veut dire « d’où tu décolles ? » ce qui n’a pas tellement de sens, vu qu’une fois en l’air on en est tous au même point, mais acceptons les usages.

 

Les avions volent exclusivement sur des aérodromes et aéroports, qu’ils ont pas le droit à autre chose et semblent s’en contenter, vu qu’ils sont passablement passifs et ne demandent rien, sinon à ce qu’on les emmerde encore davantage.

 

Les ULM volent sur des terrains ULM, et aussi sur des aérodromes, comme les avions.

Les paramoteurs volent un peu n’importe où (donc, décollent d’un peu n’importe où, pour ceux qui suivent pas), mais aussi, voire surtout, sur des terrains exclusivement réservés à leur seul usage. Ils sont donc isolés.

 

Or doncques, que si t’a tout suivi, t’as compris la théorie. Le paramoteur veut moins devenir bœuf parce qu’il ne les voit pas, les bœufs. Bon, « bœufs », c’est pas le Gédéon qui dit, c’est La Fontaine, à la suite de Phèdre et Horace, donc si t’as un souci avec la bœuffitude, tu vois ça avec iceux.

 

Les avions veulent devenir des Boeing parce qu’ils les fréquentent. Les multiaxes veulent devenir des avions parce qu’ils les côtoient. Les pendulaires veulent devenir des multiaxes ou autogires parce qu’ils volent de concert (ou, pour être précis, essaient de). Etc.

 

Alors que le paramoteur, lui, isolé qu’il est, il ne voit pas qu’il rate un décollage sur trois, qu’il consomme trois hélices par an, qu’il se tort des chevilles à gogo, qu’il ferme à dix mètres sol sans moyen de s’en sortir, que son matos est obsolète et bon pour la benne au bout de cinq ans, etc. Que le paramoteur, pour magique et bandant qu’il est, c’est ça aussi et prétendre le contraire appelle autant de mauvaise foi que celle dont le Gédéon fait montre ici. Et, ici comme partout, à chacun ses tares et défauts, ce n’est pas le sujet du jour.

 

Et alors, il paraît que, par exemple, le pendulaire se meurt. C’est très relatif et largement discutable, mais admettons. Ceux qui disent ça ne font rien, d’ailleurs, pour endiguer le phénomène.

 

Le Gédéon, lui, conteste l’affirmation mais endigue. Et, en voici une, d’idée : isolons le pendulaire ! Exit les terrains multi activités : « terrain réservé aux pendulaires ». Si le penduleux ne voit plus les autres, il oublie ses tares (existantes !) et jouit de ce qu’il a.

Allons plus loin : imaginons un terrain uniquement pendulaire et paramoteur. Il y a fort à parier et cela s’observe sur quelques terrains où c’est le cas, que nombre de paramotoristes vont vouloir se faire bœuf penduleux ! Voilà un beau moyen de remonter le truc. Que quand le mec il gonfle pendant 20 minutes, sue, rouspète et tord sa cage, le penduleux a décollé du premier coup et est déjà revenu de son petit tour du bois, tout frais et guilleret, sans bobo aux chevilles ni frais de réparation. Et alors, tiens-toi bien, pour un coût qui peut être inférieur, dans la durée, à celui du paramoteur…

 

Pour sauver la grenouille, il faut tuer le bœuf. Mais, comme on l’aime bien, le bœuf - ne serait-ce que pour le bouffer – isolons-les les uns des autres !

 

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