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21 décembre 2009

 

"Le Gédéon, ça lui arrive parfois d’aller enrichir les riches en achetant la presse. Pas les torche-culs qui vendent sur papier glacé des photos volées du trou de balle de Depardieu et des conseils pour perdre 80 kilos en dix minutes. Ni même les ceux qui copient-collent les dépêches AFP et noircissent les doigts en y laissant un fumet de pissat de vieille.

Non, cette presse-là, il la lit avidement chez son dentiste, comme tout le monde.

 

Il achète, de temps en temps, la celle qui cause de choses sérieuses : d’aéronautique ! Et qui, au seul énoncé de cette noble cause, voit son putatif prix multiplié par 12, comme tout produit aéronautique qui se respecte… mais bon, le Gédéon est pragmatique et résigné (si !) et accepte l’idée que comme ils disent on est pas assez nombreux donc c’est cher. Que lui, il a plutôt dans l’idée que s’il vendait ses pommes de plus en plus cher au prétexte que les polonais lui piquent des estomacs, il en vendrait encore moins, mais à chacun sa logique…

Ceci dit et puisqu’on est entre nous, tu crois vraiment que le jour où un mag aéro se mettrait à vendre plus, il baisserait le prix pour autant ? Hein, entre nous ?

 

Bon.

 

Et alors, une fois qu’il a fait ses petites emplettes, Biyanvrac s’en vient s’asseoir sous un pommier et ouvre avec gourmandise ses précieuses gazettes. Pour se tenir au courant de ce que font les autres (et nourrir ses élucubrations), pour voir ce qu’il faut penser des nouvelles machines, pour rêver, voire même, ne limitons pas les exigences, pour s’évader quand dame météo fait chier sa race et ne soutient pas l’aéronautique de loisir, que du coup c’est toujours pas avec ce temps-là que viendra la baisse des prix… et que, dans ce cas, c’est devant la cheminée qu’il pose son cul, petite précision à l’attention des ceux qui croient suivre mais ratent l’essentiel…

 

Le Gédéon, même si tout ce qui vole lui inspire sympathie, c’est en ULM qu’il vole, lui. Monoplace, de base, autour du bois, tout ça…

Et puis bon, l’ULM, toute la presse aéro de loisir en cause. Soi-disant. Pour la plupart, tous sauf un pour être précis, l’ULM, le celui qu’ils ont pendant plus de deux décennies considéré en se bouchant le nez avec dégoût, a droit de cité à la seule, unique, impérative, obligatoire, dogmatique et incontournable condition qu’il soit trois-axes et qu’il ressemble à un Avion. Un vrai ! Pas un de ces machins en câbles et en bâche de friterie péniblement poussés par un moteur « de tondeuse ».

 

Y’en a des qui disent que tant mieux, au moins ils causent d’ULM. Mouais. Le Gédéon n’est pas de cet avis, que selon lui, ça ferait plus de tort que de bien, que si tu regardes bien, l’ULM doit être raconté par ceux qui savent, que sinon tu te retrouves avec des qui voudraient que nos engins volassent dans le même cadre réglementaire que leurs Avions dont ils ont tué la pratique par leur attrait immodéré et pédant pour cette espèce d’aura de sophistication qui fait que l’aéronautique de loisirs, désormais, est réservée à une élite, pour ne pas dire une caste. Que du coup, seuls ceux qui s’estiment dignes jouent à ça, et du coup ils sont peu nombreux et les autres peuvent continuer de justifier le prix exorbitant de leur prose…

 

Enfin bon bref, il y a une presse qui cause d’ULM sans savoir et une autre qui raconte en experte…

 

C’est donc sur cette-là presse experte que le Gédéon jette son dévolu, pour savoir. Alors par exemple, il y a des essais de machines, par exemple. Un essai, c’est que le essayeur, il a essayé. Il s’est mis à la place de toi, pauvre type qui ira voler avec la machine en question, pour te dire comment c’est, comment ça vole, d’où ça vient, qui a fait, tout le truc. Que toi, tu sauras pas dire, si tu essayes, tu trouveras juste que ça vole. Eventuellement et même bien souvent, toi, pauvre type, quand tu iras voler avec cette machine-là, tu trouveras que cette machine-là n’est pas très confortable pour ton gros cul, ou que la fourche est imprécise, ou que c’est un merdier à sortir du hangar, ou que ça se replie pas tellement si tant que ça en trois minutes tout seul, mais plutôt en une heure moins dix à trois… tu constateras que le capot moteur ne s’ouvre qu’avec un outil spécial, que le remplissage du réservoir est difficile d’accès, que le prix annoncé concerne la version de base sans moteur ni roues ni ailes ni peinture, hors taxes, départ Tchétchénie…

Et tout ça, dans le journal d’experts que t’as acheté tout plein cher, on t’a pas tellement dit. Mais on t’a raconté tout le reste, tous les trucs qui ne te seront utiles que si tu es ingénieur aéro psychorigide et que les vitesses de décrochage ramenées à l’atmosphère standard à la masse mini moins le cœfficient de correction z prime lues mais sur un instrument faux, te passionnent. Ça oui, on t’a dit, et aussi que « les commandes tombent bien sous la main », que « le moteur démarre au quart de tour », et que, pour finir, « les petits défauts seront corrigés sur la série »… toujours, on te dit ça. Sauf que les « petits défauts » en question, t’as beau relire le papier dans tous les sens, t’en as pas vu les poils de queue…

Que là, sur les essais, le Gédéon, il trouve quand même qu’on se fout un peu de nous. Il tourne la page tout en commençant à réfléchir au courrier enflammé qu’il va envoyer à la rédaction, quand il voit une pub pour la machine dont il vient de lire l’essai… l’idée que la presse serait vendue à la pub aurait-elle également des fondements dans l’ULM ? Même pas sûr, ce ne sont pas les minuscules encarts qui font vivre ces trucs, ou alors faut qu’on lui explique, au Gédéon… lui croit que c’est juste une histoire de sympathie, de tout le monde il est bô, tout ça.

 

Bon, sinon. Y’a pas que des essais. Y’a des reportages, aussi. Des fois. Sur un salon, par exemple. Par exemple, le seul qui existe, par exemple, concernant l’ULM oecuménique. Biyanvrac, il y va pas, sur ce salon, il t’a déjà dit. D’où, justement, l’intérêt de lire le reportage. « Bien meilleur que l’an dernier et moins bien que l’année prochaine » est l’immuable gamme du titre. Soit. Sauf que le Gédéon, il glande sur Internet, comme toi en ce moment. Et alors là, sur les forums, fora, listes, comme tu voudras, que d’après la presse c’est caca mais que la Gédéon il y va quand même, les avis sont bien différents, voire opposés. Alors bon, de deux choses plein. Soit le reporter a copié-collé son papier de l’année d’avant qui lui-même etc. soit il n’y était pas. Soit il y a envoyé sa belle-mère. Soit il y était mais il veut bien encore un stand gratuit l’année prochaine, merci…

 

Bon donc, sur les salons, le Gédéon ne saura pas la vérité non plus…

 

Voyons voir les rassemblements et balades de clubs. Tu sais, les ulmistes « d’en bas », les ceux qui lisent le canard. Ah ben non, y’a pas… on t’en cause pas, de ceux-là, qui volent sur des merdiers d’un autre âge et s’amusent. On te cause, en revanche, des ceux qui font des tours du monde en s’emmerdant, sur des gros trucs lourds et chers et pressurisés, à 1000 € la journée de balade…

 

La technique, peut-être ? Non plus, non, merci. On te présente le douze millième article sur l’intégration sur un aérodrome contrôlé, mais par exemple et pour rire un papier bien ficelé sur le réglage d’hélice, y’a pas. Faut croire que ça intéresse personne, ça, le réglage d’hélice… ou la synchro de carbus… ou tous ces petits trucs qui font le quotidien de l’ulmiste de base…

 

Enfin bon, t’as compris. Le Gédéon, la presse spécialisée ULM le déçoit. Il aurait dans l’idée que visiblement cette presse-là n’est pas animée par des gens qui volent en ULM. Ils savent des théories, certes, mais sans pratiquer. Comme la presse de balle au pied qui est écrite par des gras du cul qui ne touchent jamais un ballon. Et il sait qu’il n’est pas le seul, à trouver que. Pourtant, visiblement, ça marche cette affaire-là. Quand il s’amuse à aller voir leurs bilans, il trouve, le Biyanvrac, que tout va bien pour eux, merci.

Alors, soit l’ulmiste est résigné, soit il prend ça par défaut, soit il a beaucoup d’humour, soit il est très con. Biyanvrac est assez tenté par cette dernière hypothèse, mais se la gardera pour lui, merci. En attendant, il dira officiellement qu’il y a un peu de tout le reste…"

 

Gédéon de Biyanvrac sera honnête avec toi, une fois n’est pas coutume. Il a été approché pour prendre siège au comité de rédaction d’un nouveau magazine ULM à paraître bientôt. La présente chronique n’est donc pas gratuite…

Il a accepté. Parce que, contrairement aux bonnes règles du marketing qui voudraient que l’on fasse dans ce qui marche, ce projet s’inscrit à contre courant des recettes qui fonctionnent depuis 30 ans. Ce magazine se donne pour ambition de dire ce qui est plutôt que de dire ce qu’il voudrait qu’il fût en fonction d’intérêts discutables… un truc de guedin !

 

Rien que pour ça, pour participer à ce suicidaire acte punk, Biyanvrac s’inscrit ! Et d’ailleurs ils les a pris au mot, les ceux qui veulent dire tout : il écrit ce billet et révèle ce scoop sans leur assentiment.

 

Et toc !

 

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