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17 juin 2010

 

Bon alors, l’aviation, ça fait du bruit. La celle à moteur, du moins, c’est-à-dire toute, que l’aviation sans moteur à un moment ou l’autre du processus volatoire, on n’a pas encore vu. Bon. Et aussi, l’aviation, ça se promène, donc ça déplace son bruit à travers les vertes prairies et chantantes vallées, dirait le poète de concours municipal.

Mais y’en a des, se promènent pas, les des. Tournent en rond, qu’ils. Et alors, dans le journal local, on t’explique doctement que c’est juste pour t’emmerder avec du bruit, alors qu’en vrai, on le sait bien, c’est pour apprendre à faire, pour pouvoir, très vite plus tard, aller bruiter par delà la colline et tout.

 

Que donc, du coup, les riverains de nos aérodromes et autres bases ULM, couinent-ils que « ouais, tout ça, bruit, vacarme, pas dormir, mémé fait mou et tout et tout »…

 

Alors quoi ? Il est répondu à ces gens-là, les ceux qui se plaignent des bruitages inconvenants, qu’ils n’avaient qu’à pas venir s’installer là, ce qui n’est peut-être pas idiot, vu que, à moins d’être très vieux, ils ne peuvent avoir pris possession de leur habitat avant l’aérodrome, vu que ces plates-formes sont pour la plupart d’un âge respectable, à part quelques terrains ULM. Ici, le Gédéon s’incline. Mais il sait, paysan qu’il est, que la terre a toujours raison et qu’elle finira toujours pas l’emporter. Or, que dit-elle, cette terre, que du coup, plus il s’incline plus il entend ce qu’elle lui dit, dans son bon sens d’essence ? Il lui dit, ce bon sens, que ce n’est pas aussi simple et que ce n’est pas comme ça que ça fonctionne forcément. Cette logique, en effet, participe du principe « premier arrivé – premier servi », ou, si tu préfères à l’envers, « dernier arrivé tu fermes ta gueule ». Il veut bien ça, le Gédéon sauf que quand d’autres appellent ça la préférence nationale, donc priorité aux premiers arrivés, on crie aux fascistes… ou pas ? Ou alors, s’agissant d’aviation, ce serait très différent et pas du tout pareil ?

 

Ben le Gédéon, du coup, ça le dérange et le démange, cette affaire-là. Il trouve, même, pour poser un avis définitif, que le dernier arrivé a autant de droits que le premier, si c’est un citoyen honnête. L’inverse, dernier arrivé premier servi, faut pas déconner non plus, que y’en a un qui a proposé ça comme concept, il fut et reste incompris et ça c’est mal terminé pour lui...

 

Voilà.

 

Et quels sont-ils, ces droits que le dernier il en autant que le premier ? Bon, y’en a plein, on va pas les passer en revue tous, hein, mais juste un : le droit à la paix. Le droit de jouir pacifiquement de son petit bout de jardin qu’on s’est endetté à vie pour se l’offrir et que du coup, on est pas tellement d’accord pour qu’un aviateur vienne perturber son dominical rituel de merguez belle-maman. Ben vi. L’aviateur, lui, a tout autant le droit d’en jouir, de ce droit au silence, or capacité de jouir n’engendre point obligation, aussi est-il tout à fait légitime à ne pas en user, de ce droit. L’aviateur, donc, jouit pleinement de son droit au silence en produisant son vacarme dominical. Ce qui n’empêche nullement, soi dit en passant, l’usufruit du droit au familial rituel susmentionné, tout en ayant loisir d’y opposer une bonne excuse, tiens.

 

Mais le problème, c’est que ce droit ne peut point se prévaloir de l’exclusion de tout autre. Que y’a des philosophes, tu sais ces perturbés du bulbe qui réfléchissent pendant des heures à des concepts abscons et finissent par te me nous pondre des règles indiscutables, qui ont donc pondu, conséquemment, l’idée de l’intérêt individuel et de l’intérêt collectif. « Ma liberté s’arrête là où commence celle des truies », ou un truc dans le genre. C’est assez idiot, cette affaire-là, que si t’y regardes un peu de près, autrui, c’est toi aussi, pour les autres et que du coup, la liberté, y’en a plus, de liberté. Mais quand même, le Gédéon va essayer d’être de bonne foi, une fois.

 

La liberté de l’aviateur, c’est de faire du bruit. Celle du piéton, c’est de jouir du silence (qu’il peut, à sa guise, agrémenter de quelque éclat de voix, rapport à belle-maman). Bon. L’aviateur, on dit ici que c’est l’individu. Le merguez’man, c’est le collectif. Si, il est plus nombreux, merguez, c’est peut-être regrettable mais c’est ainsi.

 

Or donc, pour que son intérêt individuel ne vienne pas empiéter sur l’intérêt collectif, l’aviateur doit veiller à ne pas faire de bruit, ou alors pas trop, juste ce qui est raisonnable et que si après ça le collectif gueule encore on peut envisager la lutte armée…

 

Et puis alors bon, pour que tout le monde soit d’accord et puisse se taper dessus au tribunal plutôt qu’en vrai, qu’on appelle ça la « civilisation », on a dit des lois. Qui posent des normes de bruit. Et que tous les aéronefs les respectent, ce qui fait que l’irascible voisin n’a jamais raison, à défaut d’avoir tout à fait tort.

 

Or donc, vu que merguez est plus nombreux que l’aviateur, il va voir son maire qu’il élit plus que l’autre et le somme de prendre arrêté que sinon il votera plus pour lui, lui et toute sa famille sur 25 générations. Et alors, l’autre, pas le choix, l’autre, vu que la démocratie, c’est pas se faire élire pour le bien du peuple comme on t’a dit à la communale, non, c’est se faire élu et le rester. Et que puisque le bruit n’est pas opposable, rapport aux normes, il cherche bien et trouve de quoi dire. Sa municipalité, sympathique mais modeste bourgade de 7000 habitants, n’a pas de zone industrielle, tiens ! Il lui en faut une à la hauteur des ambitions de ce premier magistrat ambitieux qui ignore que le tissu industriel mondial est désormais bridé, nom d’un chien ! Et alors là, crac, tu connais la suite ! L’Etat lui a fait cadeau de réserves foncières inestimables, à la condition expresse qu’il maintienne ces aérodromes, puisque c’est de ça qu’il te cause, le Gédéon, pendant une période de latence. Le latent consommé, youpi à nous les réélections, sus aux couillons qui volent et font du bruit ! Et tu connais la suite…

 

Billet publié dans ULM Info de juin 2010. Nota : ce sera la dernière contribution du Gédéon dans le bulletin fédéral, il a été remercié... les chroniques gédéonesques ne seront donc plus disponibles que dans le magazine ULMiste... et merci !

 

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