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18 mai 2008

 

Le Gédéon, tu l’as vu, aime à se moquer de l’ULM et sa profonde vacuité. En effet, l’ULM, qu’on le veuille ou non, et que ça plaise ou pas, ça ne sert à rien. Strictement. Comme la plupart des loisirs, tu vas dire… mais pas tous, regarde bien. Prends la pêche ou le tricot, par exemple, ça, c’est des loisirs que t’en rapportes quelque chose de concret, si tu sais faire…bon, mais on s’en fout, de ça, non ?

 

Alors, l’ULM est inutile comme loisir, donc, faudrait-il préciser, puisque certains, bien peu il est vrai, le rendent utile en le dédiant à leur travail. Le travail aérien, qu’on appelle. Il doit y avoir moins de 50 pilotes qui font ça en France, ce qui est rien du tout. Pourtant, il va y en avoir de plus en plus, et c’est tant mieux, avant que ça devienne tant pis.

 

La France est l’un des rares pays au monde qui accepte, en plus de l’exempter de la certification, que l’ULM puisse travailler. Ailleurs, en plus d’être certifié, l’ULM doit rester inutile. Là, le Gédéon se doit d’admettre que tout de même, il a beau couiner, c’est quand même un bien bon pays, que le nôtre. Seulement voilà, ce bien bon pays, il veut généreusement faire partager ses valeurs aux autres, et du coup il initie, accompagne, et entretien l’Europe. Laquelle Europe le lui rend bien mal, puisqu’au contraire, en retour, elle lui impose ses propres normes. Aussi, le travail aérien en ULM, tôt ou tard, exit, fini, que ce sera. Si les professionnels de la profession ne font rien et ne se défendent pas, que pour l’instant, de ce côté-là, c’est mal barré.

 

Oui, mais alors, c’est quoi ce travail aérien, que tu te demandes, comme ça ? Tu penses à l’épandage agricole, au premier abord, en général, ou à la surveillance incendie. Ça, ce sont les mythes qui traversent le temps, alors qu’en vrai, aujourd’hui, les ceux qui travaillent le mieux, et gagnent d’ailleurs fort bien leur vie, ce sont les photographes. Un peu aussi ceux qui traînent les promos Carrouf le long des plages, mais c’est plus volatil, comme marché. Et les ceux-là, qui prennent des photos, on n’en entend pas causer dans le petit microcosme de l’ULM, et pour une raison simple : leurs clients sont ailleurs.

 

Et leurs concurrents aussi… lesquels travaillent, pour la plupart, avec des avions certifiés, et voient d’un très mauvais œil cette concurrence qu’ils considèrent déloyale, alors qu’il ne leur appartiendrait qu’à eux de s’y mettre aussi, à l’ULM. Et du coup, ceux-là, qui ont l’oreille des autorités, non pas seulement pour d’hypothétiques sombres histoires de copinage entre gens fréquentables qui sortent du même moule, mais surtout parce que ce sont eux qui financent les services (le Gédéon t’expliquera comment), font pression force dix mille pour que les ULM ne puissent plus travailler.

 

Le Gédéon le sait bien, qu’on ne fait pas de guerre s’il n’y a pas de pétrole, il a donc voulu savoir pourquoi cette affaire de photo rend si nerveux, alors que jusque-là, tant que le travail en ULM se résumait à démoustiquer trois plants de tomates, tout le monde se tenait à peu près tranquille.

 

Ça rend nerveux, ça, parce que c’est un marché énorme, tiens ! Enormissime, même que. La photo aérienne de la maison à Papy qu’on vend au porte à porte, c’est fini, ça, out, maintenant, on est à l’heure d’Internet, et la photo, c’est sur Internet qu’elle se trouve. Partout, qu’il y en a, des photos aériennes, même et y compris de la maison à Mémé, sur l’annuaire. Jusqu’à ce que ce marché apparaisse, seul l’IGN, Institut Géographique National, prenait ce genre de clichés verticaux, renouvelés tous les quand ils avaient le temps. Seulement, maintenant que chaque fournisseur d’accès à Internet veut proposer des photos pour améliorer son service et faire venir plus de monde chez lui, donc plus d’annonceurs, ils sont en train de s’y mettre tous, à la photo verticale, pour l’avoir à moins cher qu’à l’IGN. T’auras donc de plus en plus de boîtes, souvent financées directement par les majors de l’Internet, voire intégrées, qui feront voler des heures durant des appareils munis de systèmes hautement technologiques reliés au GPS, mitraillant la France dans tous les sens. Et là, concurrence effrénée aidant, les mises à jour seront de plus en plus fréquentes, donc les besoins permanents. Si Yahoo renouvelle la photo tous les six mois, « Google Eursse » voudra trois, etc.

 

C’est vachement très bien pour les ceux qui vendent des ULM et pour leurs pilotes, ça, que dit le Gédéon. Parce que, pour l’instant, c’est bien sûr l’ULM qui prend le gâteau, vu que les coûts doivent être compressés au maximum. Les machines, il les achètent par paquets de dix, et c’est que le tout début !

 

Seulement, ça risque bien de mettre un coup fatal au travail aérien en ULM, ça. Ben oui, parce que les autres, là, qui faisaient ça jusque-là avec leurs avions d’un autre âge et leurs méthodes d’avant les guerres, plutôt que de prendre le train en marche et se mettre au goût du jour, ils font leur petit « lobbying », en gueulant que c’est pas normal que des merdiers non certifiés pilotés par des bitniks puissent manger leur pain à eux qu’ils voulaient se garder…

 

Et comme pendant ce temps le seul organisme qui se donne pour mission de défendre les professionnels passe plus de temps à enquiquiner la fédéplume qu’à faire son travail, personne ne s’en occupe vraiment, des pros, qui ne pèsent donc rien dans la balance…

Le Gédéon, il constate aussi, quand même, que ces gens-là ont, depuis des lustres, un talent particulièrement développé pour se tirer dans les pattes plutôt que se serrer les coudes, et on peut le dire aussi, ça.

 

Le paradoxe, donc, c’est que c’est une fois qu’en près de trente années d’existence le travail aérien en ULM devient enfin efficient et qu’il est le plus menacé…

 

A part ça, le Gédéon, il s’en fout, lui, de la photo aérienne de sa maison sur l’annuaire ou dans le Iphone, que sa photo, il se la prend tous les jours, s’il le veut…

 

Qu’ils se démerdent, tiens !

 

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