Editorial ULMiste n°12
Article paru dans ULMiste n° 12, octobre 2012
A moitié vide ou à moitié plein ?
Récemment, un acteur historique de l’ULM, nous félicitant pour notre travail, nous a dit en substance : « bravo pour ce que vous faites et bon courage pour la suite, vous avez du boulot, tant de dégâts ont été commis par la presse soi-disant spécialisée… »
Depuis deux ans et demi et douze numéros, nous prenons conscience des attentes d’une frange non négligeable de nos lecteurs, cultivée tant d’aéronautique que d’histoire. Mais nous mesurons également, du même coup, le pouvoir que peut avoir un magazine tel que le nôtre.
Quand un journal devrait n’être que le reflet d’une actualité, il devient en réalité un acteur majeur du cours de l’histoire. Une élection est gagnée par celui qui sera le plus vu dans les media. Le cours de l’histoire est également influencé par ce qui se voit dans les journaux. En partie, tout au moins.
Ce constat, établi par plus de 20 ans de lecture de la presse spécialisée puis 12 années d’implication active dans ce métier, nous amène à nous interroger sérieusement sur notre rôle. Surtout quand des « moustachus » nous enjoignent de poursuivre notre « combat », parmi lesquels certains acteurs de la presse qui serait partiellement nocive, mais qui sont soumis à leurs patrons : « vous faites ce que nous ne pouvons pas faire »…
Nous n’étions pas, au départ, vraiment conscients d’une quelconque dimension « missionnaire » de notre projet, ni, moins encore, de quelque dimension « guerrière ». Certes, nous avons voulu parler de l’ULM autrement. Certes, nous aimerions ramener un peu plus de raison et de réalisme. Certes, nous voulons dire le vrai plutôt que le voulu par certains. Certes, nous n’avons pas que des amis. Mais, pour tout avouer, l’idée de départ était très vulgairement de gagner notre croûte pour assouvir notre passion. Pour cela, il nous fallait trouver le ton juste, celui qui ferait que les ventes seront nécessaires et suffisantes pour payer tout le monde. Donc, proposer un journal qui plaise au plus grand nombre.
Nous sommes désormais en tête des ventes de toute la presse aéronautique et le prouvons, notamment auprès des professionnels. Preuve, signe en tous cas, que nous visons juste et que, par conséquent, l’espoir est permis : il y a encore de la place pour un journal qui n’est soumis à personne et se contente de raconter ce qui est.
Car si ULMiste aura eu jusqu’ici une raison d’être, c’est bien celle-là. Quand il est objectif de poser que l’ULM est malade, le (relatif) succès de ce magazine est le signe que le verre est encore à moitié plein. Sans tomber dans la simple nostalgie ou le « vieuconnisme », l’ULM est malade d’enthousiasme. Quand on nous dit depuis 15 ans que l’avenir et même le présent ne sont qu’au trois-axes haut de gamme équipé comme un avion de ligne, (voire mieux), avec mise à jour en temps réel d’un flot indigeste d’informations inutiles, le tout moyennant des coûts d’achats et de fonctionnement totalement absurdes, on constate sur le terrain que ceux qui volent le plus sont globalement ceux qui se contentent de leur petite machine de base achetée le prix d’une petite auto d’occasion. Le paramoteur et le pendulaire le montrent, par exemple, catégories dans lesquelles même le haut de gamme se tient encore à peu près. Notre rubrique « voyages » en est un bon exemple : depuis 12 numéros, les rares voyages effectués en trois-axes n’ont été publiés que parce que nous sommes allés nous-mêmes inciter les pilotes à nous les raconter. Pendant ce temps, nous avons de quoi remplir les voyages pendulaires et paramoteurs pour plus d’une année… la compétition en est aussi un signe : toutes les catégories sont bien représentées, y compris avec des machines de tous les jours, sauf le trois-axes. La seule machine que la France a pu aligner cette année est pilotée par un Belge et un copilote penduleux désigné volontaire (merci à eux !), pendant que les autres nations parviennent encore à convaincre les mêmes pilotes de participer depuis plus de 20 ans.
Le parc visiteurs de Blois fait aussi en la matière œuvre de flagrance : on y voit très majoritairement des ULM et fort peu de ces machines qui singent l’avion (sans en avoir les avantages), que l’on nous vend quasi exclusivement sur les stands. Du coup, les ULMistes n’y viennent plus et le parc en question se vide.
Faut-il donc considérer que ces appareils n’ont pas lieu d’être, voire seraient uniquement nuisibles ? Certainement pas. Ce qui nuit, c’est la manière d’en parler. Cacher que ces appareils sont inexploitables car trop lourds est une faute : un ULM de plus de 260 kg à vide n’est pas un vrai biplace, si l’on en attend qu’il puisse emmener deux personnes normalement constituées pendant plus de deux heures. Cacher que ces machines sont beaucoup plus délicates à piloter que les ULM plus simples est une erreur, car de mauvais pilotes les achètent et se font mal avec. Occulter qu’elles restent dans leur hangar parce que leurs pilotes ne prennent pas de plaisir à bord et ont trop peur de casser leur imposant capital volant est mensonger, car ce que l’ULMiste attend, c’est une machine sur laquelle il ira voler sans serrer les fesses.
Dans l’automobile, personne n’a jamais dit ni écrit que les autos de sport de 600 cv sont l’équivalent d’une berline familiale ou d’un 4x4. Leurs utilisateurs savent fort bien que le seul avantage se situe dans le regard des autres et acceptent donc de rouler (mais pas tous les jours), dans un machin tape-cul, qui freine mal, qu’il faut apprendre à conduire, dans lequel on ne peut rien transporter d’autre que sa viande (à condition de ne pas souffrir du dos), etc.
Alors, si notre « mission » se résume simplement à énoncer des évidences et enfoncer des portes ouvertes, alors nous l’acceptons bien volontiers !
Le chemin sera sans doute bien long, mais le fait que nous vendions mieux que la presse qui travestit la réalité est un grand signe d’espoir !
Merci à nos lecteurs, qui montrent qu’il y a encore de la place pour une forme d’intelligence !