Front et perturbation
Article paru dans ULMiste n° 13, décembre 2012
Front et perturbation
C’est avec un profond regret que je vais vous causer ce mois-ci du mauvais temps. Bien désolé pour vous, mais ce sujet reste au programme et on ne peut faire l’impasse sur la question. Je sais bien qu’une bonne pression vaut mieux que plusieurs dépressions successives et qu’au delà de ce slogan facile, je n’écris pas ces lignes pour vous refiler le bourdon.
Tout le monde comprendra cependant que de mauvaises conditions ne représentent aucun intérêt pour la pratique de notre activité. A votre avis : qui donc décollerait sous un plafond bas, avec des pluies continues et battantes ? Personne, ça pourrait même devenir dangereux. En plus, comme ni vous, ni moi ne pouvons empêcher la pluie de tomber, force nous est de patienter. En attendant l’amélioration salvatrice, on peut toujours profiter d’un bon moment, pour soit dévorer notre magazine préféré ou soit encore, relire le manuel de l’appareil. Voilà donc ma philosophie du vol. Alors, si ces mauvaises conditions atmosphériques ne représentent aucun intérêt pour la pratique de l’ULM et du vol en général, on doit connaître par défaut les principes de leurs installations et leurs évolutions. Et pour comprendre les grands principes de l’atmosphère sur notre base ULM, on doit faire un zoom arrière sur toute la planète. C’est à dire, qu’on va partir de l’échelle la plus grande pour aller jusqu’à l’échelle la plus fine.
Tout part du soleil qui éclaire d'abord la Terre et qui la chauffe ensuite. Chaque point du globe, en fonction de sa position, de sa couleur ou de son orientation, recevra un peu de cette énergie solaire. Sur les régions équatoriales, la lumière qui arrive perpendiculaire au sol, concentre un maximum d'énergie. Par contre, sur les régions proches des pôles qui sont éclairées à l'oblique, l'énergie du rayonnement sera dispersée sur de vastes étendues. Cette différence est amplifiée par le fait qu'un rayon solaire qui arrive perpendiculairement, traverse une couche d'atmosphère plus mince que celui qui arrive de travers. Ce déséquilibre dans l'apport énergétique, génère une zone chaude tout autour de l'équateur et deux zones froides au niveau des pôles nord et sud.
Fig 01 : déséquilibre dans l’apport d’énergie solaire entre l’équateur et les pôles.
Pour résumer, au niveau du global de la planète et en simplifiant beaucoup, on trouve deux types de masses d’air aux caractéristiques bien différentes. Elles vont se rencontrer aux latitudes moyennes. L’air chaud et humide qui remonte des tropiques va se heurter à l’air froid et plus sec qui descend des pôles.
Fig 02 : Mouvement des masses d’air dans l’hémisphère Nord
A cause de la différence de densité entre l’air froid et l’air chaud, la surface de séparation entre les deux masses d’air n’est pas verticale. En effet, l’air tropical plus chaud et plus léger tend à s’élever au-dessus de l’air polaire plus froid et plus dense. La surface de séparation que l’on nomme front polaire, est inclinée vers le pôle, avec une pente faiblement ascendante, de l’ordre de 1/100.
Fig 03 : Pente du front polaire, environ 1/100
Le front polaire fait pratiquement le tour de la Terre. On le trouve dans les deux hémisphères, Nord et Sud.
Les saisons
L'axe de rotation de la Terre sur elle même est incliné de 23,45 degrés par rapport à son plan de rotation autour du soleil. Alors, quand elle fait le tour complet du soleil en 365 jours et six heures, pour chaque point du globe, l'inclinaison du soleil sur l'horizon va évoluer de -23,5 degrés à +23,5 degrés autour d'un point médian.
Fig 04 : La révolution permanente (comme disait Mao) de la Terre autour du soleil entraîne une variation saisonnière de l'inclinaison des rayons solaires.
Fig 05 : Course du soleil, en un point donné et en fonction des saisons.
Les écarts de la température au fil des saisons résultent de l'évolution de l'inclinaison des rayons solaires. Le soleil qui grimpe plus haut dans le ciel d'été, chauffe beaucoup mieux que le soleil rasant de l'hiver.
A cause de cette variation cyclique des températures au niveau de la planète, la position du front polaire évolue en fonction des saisons. Au printemps et en automne, il se trouve en général aux latitudes moyennes, entre le 40e et le 50e parallèle. En été, il se rapproche des pôles. Les hivers froids, il redescend vers les tropiques.
Fig 06 : Position moyenne du front polaire en été.
Fig 08 : Position moyenne du front polaire au printemps et à l’automne.
Formation d’une perturbation
Quand une descente d’air froid enfonce le front polaire vers le sud (A), cela entraîne par contrecoup une remontée d’air chaud vers le Nord (B). L’air chaud plus léger surmonte l’air froid plus dense (C) et l’ensemble se met à tourner dans le sens inverse des aiguilles d’une montre (D) dans l’hémisphère nord.
Fig 10 : Creusement de la perturbation
Ce mouvement tournant se manifeste par une baisse de la pression atmosphérique au centre du tourbillon. C’est ainsi que se creuse la dépression. Le mouvement cyclonique des masses d’air autour de la zone de basses pressions entraîne la formation d’une perturbation du front polaire.
Chaque perturbation fait partie d’une famille dont les divers membres successifs se sont formés sur le front polaire. D’ouest en est, les diverses perturbations qui font partie de la même famille, sont parvenues à des stades de plus en plus avancés.
La théorie du front polaire a été élaborée au début du XXe siècle par des chercheurs norvégiens. C’est pour cette raison qu’on l’appelle tout simplement « la théorie norvégienne des fronts ». Aujourd’hui, même si elle n’est pas fausse, elle reste incomplète voire même dépassée. D’abord parce qu’elle ne prend pas en compte les interactions des forts courants d’altitude (Jet Stream) avec les perturbations. En plus, elle n’intègre pas l’influence de certaines zones de la haute atmosphère (tropopause) dans la formation de ces mêmes perturbations. Cependant, à notre niveau, on s’en contentera. D’abord parce que cette théorie simple reste très pratique pour son coté visuel et pédagogique. Ensuite, parce que l’essentiel pour nous, c’est plus de comprendre les conséquences des phénomènes atmosphériques que de saisir leurs causes.
Structure d’une perturbation
Pour comprendre la formation d’une perturbation du front polaire, on peut regarder ce qui se passe dans une tasse de café. La cuillère qui mélange le breuvage, c’est la Terre qui tourne. Les tourbillons qui se forment dans le sillage de la cuillère, c’est les dépressions. La crème qui s’enroule autour des tourbillons, c’est les nuages frontaux. J’attire l’attention du lecteur sur la puissance de cette comparaison, la force narrative qui s’en dégage. Quand je me relis, je me dis que je m’accorderais bien une augmentation !
Une perturbation est constituée d’une langue d’air chaud, qui s’enroule autour de l’air froid plus lourd et plus dense. L’air chaud et humide, plus léger, se trouve rejeté en altitude, en suivant une pente assez faible. A cause du soulèvement, cet air chaud se refroidit et la vapeur d’eau se condense. C’est ainsi que se forment les nuages de la perturbation.
Le front chaud marque la limite entre l’air froid antérieur et l’air chaud ; le front froid, la limite entre l’air chaud et l’air froid postérieur. Sur les cartes, on représente les fronts par leurs traces sur le sol. Sous nos latitudes, l’ensemble du système se déplace de l’ouest vers l’est et transporte les masses d’air océaniques sur la France. On parle ainsi d’une advection d’air chaud et humide. La persistance du flux perturbé sur notre pays, se manifeste par le maintien d’un temps doux et pluvieux pendant plusieurs jours. Alors il faut prendre son mal en patiente en attendant l’amélioration.
Structure classique d’une perturbation
Image satellite prise dans le canal visible, montrant un vaste système perturbé, partant de l’Ecosse, se prolongeant sur le Danemark, la Hollande la Belgique et le nord-ouest de la France. http://www.sat.dundee.ac.uk