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Sirocco Freddy !

Article paru dans ULMiste n° 13, décembre 2012

 

Mon aventure avec Freddy

 

Alain Meyer

 

Prologue

 

Tout commence en 2006,  grande année pour moi, après avoir passé plus de 10 ans le nez en l’air à regarder des ULM passer au dessus de ma tête, je décide avec l’accord plus ou moins tacite de Madame de passer mon théorique ULM, histoire de voir. J’avais bien tenté un décollage en parapente en 1985, mais il s’était soldé par une fracture de cheville. Je travaille  et j’apprends goulument, ce qui plait rentre aisément dans ma caboche et la pratique de l’aéromodélisme durant 20 ans m’aide beaucoup à comprendre l’aérodynamique. Le montage et démontage de mes mobylettes sont une source sans fin pour la compréhension de la mécanique, reste la météo, point difficile entre les transformations adiabatiques et catabatiques, les fronts chauds, froids. La pratique du kayak par contre me fait bien comprendre les écoulements turbulents, il suffit en effet de lire une rivière caillouteuse pour comprendre ce qui se passe avec l’atmosphère au niveau des obstacles.

Le joli papier du théorique en poche haut la main avec zéro fautes va naturellement trouver sa place dans la chemise des diplômes. Bon, on ne va pas en rester là. Qu’est-ce qui vole et ne coûte pas trop cher ? Le paramoteur me semble être la bonne voie, ce sera donc ma première formation. Un mois après je me retrouve au gonflage (c’est vrai que c’est gonflant) et deux mois plus tard mes pieds quittent le sol et je me retrouve commandant de bord !

Une machine d’occasion est vite dégotée et mon autonomie augmente. Malheureusement un problème au genou droit m’impose rapidement la fabrication d’un chariot perso pour pouvoir décoller.

Freddy est alors encore loin.

 

Le plus dur est alors d’arriver à décoller sur une piste ce 30m de large car le vent a souvent la fâcheuse idée de souffler de travers par chez nous. Et puis notre club compte beaucoup de pilotes de pendulaire qui s’assoient dans leur machine, mettent les gaz et décollent sans se soucier d’un souffle de coté. C’est rageant de devoir rester au sol quand les autres sont en l’air. Pourquoi ne pas essayer le pendulaire, surtout qu’un instructeur vient d’ouvrir son école à 5 km de chez moi ? Donc 8 h plus tard, le brevet pendulaire en poche, je dégote un joli Racer qui va faire mon bonheur pendant 2 ans et surtout m’apprendre les rudiments du vol montagne et de la navigation. Suivra un Aquilair Swing biplace pour pouvoir faire découvrir le vol aux néophytes. Sur lequel je vole toujours avec autant de plaisir depuis 2008. Je n’abandonne pas pour autant le paramoteur qui est vraiment synonyme de liberté.

Freddy est alors encore loin.

 

Mon brevet de pilote ULM a encore des cases vides, l’autogyre ? Non merci. Le ballon à air chaud ? Pas plus. La classe 6 n’existe pas encore, nous sommes alors en 2012

Il reste le multiaxe, oui pourquoi pas mais juste pour un coup de tampon, les machines coutant trop cher pour mon budget. Je me retrouve donc un jour, les fesses dans un Skyranger, en place gauche avec un instructeur qui m’explique les rudiments du vol trois-axes et c’est parti. Décollage, conjugaison, volets, la bille qui ne reste au milieu que si on la regarde, le badin, bref, tout ce qui fait la joie d’un pilote débutant. Et puis 14 h plus tard, « vas-y mon gars, tu décolles seul et surtout tu poses seul ». Aie aie aie, Philippe n’est plus a mes cotés pour me susurrer tendrement dans le casque : « et le deuxième cran de volet, tu le mets quand ? » Mais tout se passe bien et me voilà exhibant fièrement mon papier auprès de la charmante dame de la DGAC locale afin d’obtenir mon coup de tampon supplémentaire.

Freddy n’est plus très loin.

Le coup de foudre avec Freddy

 

Un jour, lors d’une sortie en pendulaire, je décide de retourner voir mon instructeur, histoire de bavarder et en vol j’aperçois au loin un joli oiseau tout blanc qui a vraiment de la gueule. Tiens allons voir ça de plus près en volant de conserve. Par chance il se pose là où je devais aller, j’attends sagement mon tour pour atterrir et je vais voir le propriétaire de cette belle machine. Nous discutons un bon moment sur les qualités et les inconvénients et dans un murmure il me lâche : de toute façon, je le vends. Je me vois cassant mon PEL, mais non, je vole déjà et puis vu la conjoncture économique du moment, il vaut mieux en avoir de coté.

Soudain il m’annonce le prix que la décence m’interdit de vous mentionner mais qui me fait sortir d’emblée le carnet de cheque pour lui verser des arrhes le temps d’en parler à un autre membre du club qui aimerait bien revoler sur trois-axes. Dix minutes après, Freddy a changé de propriétaire !

Freddy est à moi ! Ou c’est moi qui suis à Freddy ?

 

Le voyage de Freddy

 

Un beau matin d’octobre où la pluie n’est pas prévue (le Béarn est très vert), nous partons avec la remorque à ULM du club direction le Gers où il nous attend. Nous refaisons le monde selon Freddy dans la voiture à l’aller. L’ancien propriétaire est déjà sur le terrain pour le démontage, Freddy est là dans la lumière et la rosée du matin et n’attend que nous.

Un coup d’œil à la notice pour saisir les subtilités du démontage et en une heure environ, il se retrouve sur la remorque bien ficelé et les ailes le protégeant des regards indiscrets. Le voyage de retour se passe sans trop d’encombre puisque nous mettons environ deux heures à franchir les 45 km qui nous séparent de notre base. Quel plaisir de rouler à 20 km/h, de retenir 30 voitures et 10 semi-remorques, de découvrir ici un petit château et là un joli corps de ferme. Après un arrêt au resto car il commence à faire faim, nous sommes de retour avec Freddy sur notre base.

 

Mais qui est Freddy ?

 

Freddy est un bel oiseau blanc  modèle  Sirocco de chez Aériane construit en 1996.

C’est un ULM multiaxes, conçu et réalisé par la société Aviasud puis par Aériane, qui effectue son permier vol en 1981. Monoplace, aile haute, hélice propulsive Duc et train d'atterrissage tricycle, le pilotage de l'appareil est du type classique. Profondeur et direction sont des commandes standard (empennage horizontal et gouvernail de direction), le roulis étant assuré par des spoilers sur l'extrados de la voilure, constituée de deux ailes indépendantes et repliables. Le bord d'attaque est en stratifié verre-résine. Le caisson avant de l'aile est un longeron en fibre de verre complété par un longeron arrière en alliage. Des lattes en dural préformées assurent le profil et la bonne tension de la toile de revêtement pour un rendement aérodynamique maximum. Ce revêtement est en Dacron. Une fois en place sur le fuselage le haubanage extérieur des deux ailes est assuré par quatre profilés torpédo.

 

Le fuselage et la dérive sont constitués d'une structure formée de deux demi-coquilles en composite verre-résine-polyester moulées puis raidies par des cadres et des lisses permettant d'avoir une structure aérodynamique légère. Elles sont assemblées par collage. Les trains d'atterrissage sont en verre-epoxy. Le train avant est dirigeable et possède un frein à tambour. La commande de dirigeabilité au sol s’effectue à l’aide d’un petit manche avec verrouillage en position neutre situé à droite dans le cockpit. Le groupe moto propulseur (Rotax 447) est fixé sur l'arrière du mat central. Le démarrage s'effectue à l'aide d'un lanceur manuel.

 

Le cockpit est d'un aménagement classique. Le pilotage se fait en position semi-allongée offrant un confort maximum. La verrière est amovible. Les vols sont possibles les cheveux au vent et le coude à la portière (il manque juste le pare soleil « Jacky », la moquette sur le tableau de bord et la moumoutte sur le manche à balai). Le pilote est maintenu sur son siège (fixe) par une ceinture 3 points et c'est le palonnier qui est réglable (3 positions) en fonction de la taille de ce dernier. Le mini manche est central.

 

Profondeur- empennage horizontal monobloc (entièrement mobile) commandé par bielles rigides et rotules. Un compensateur d'effort (trim) permet d'équilibrer la machine à toutes les vitesses, afin d'améliorer le confort pour les vols de longue durée.

 

Il n’a pas encore de nom mais sera vite baptisé Freddy à l’unanimité (voyons, cherchez un peu !).

 

La révision de Freddy

 

La nouvelle vie de Freddy commence par une bonne toilette au laveur haute pression et au savon. Le moteur n’y échappe pas et brille de mille feux après un traitement dont j’ai le secret. Nous remontons les ailes sur le fuselage en lisant la notice dans l’autre sens tout en établissant au fur et à mesure la liste des travaux et points de révision semblant essentiels à nos yeux. Déjà, tous les élastiques à changer, puis les velcros unissant les ailes. La boulonnerie des haubans. La toile des ailes quant à elle est en très bon état car elle avait été changée six ans auparavant. Nous ne sommes pas pressés de voler, peut-être par peur, mon brevet datant d’une semaine et celui du copain de plus de quinze ans. En fait l’attente des papiers de la DGAC nous fournira une excuse très valable auprès des membres du club.

Tout l’empennage était sous un voile de peinture mate sur lequel l’ancien propriétaire avait peint un magnifique Pélican (il faut dire qu’il était pilote de bombardier d’eau). Apres un essai à l’acétone nous retrouvons la belle livrée du gelcoat bien brillant mais cette dérive toute blanche semble bien nue. Nous décidons d’un commun accord de la décorer comme un planeur et de lui apposer son nom bien en évidence. Un coup de fil auprès de la société Aériane qui construit maintenant les Swift nous permet d’obtenir les autocollants du constructeur (nous leur devons un grand merci). Freddy est de plus en plus beau et heureusement pour nous pas de papiers en vue. Nous attaquons le moteur avec un démontage en règle où rien ne semble anormal, juste mise en place d’une sécurité pour les cabochons de bougie car le Rotax est placé tête en bas. Un brossage et coup de peinture à poêle sur le pot.  Tout semble alors prêt pour le premier vol et je décide donc de faire des essais de roulage au sol car le système de direction est différent des autres trois-axes, en effet il s’effectue à l’aide d’un petit manche latéral que l’on verrouille une fois aligné.

Je dois mentionner mon adhésion au club des « Vieux Deb’s », bien que notre Freddy soit loin d’en être un.

 

Le premier saut de Freddy

 

Le Rotax démarre comme a l’habitude : à la troisième sollicitation. Je m’installe à bord et taxie donc Freddy au seuil de piste puis mets les gaz afin de tester la direction au palonnier. En moins de trente mètres Freddy a déjà quitté le sol, je repose aussitôt. Hélas au taxiage de retour, la roulette avant s’efface et Freddy pique du nez. Bien m’a pris de faire ces essais de roulage car après démontage, le tube de direction était tout criqué. Il va falloir trouver cette pièce devenue rare de nos jours mais en fouillant dans l’amas de tubes au fond de mon hangar, je trouve mon bonheur : un montant de trapèze d’une vielle aile qui est manchonné. A croire que c’est fait exprès. Quelques coups de perceuse et deux heures plus tard Freddy trône fièrement sur sa nouvelle roulette.

 

Le premier vrai vol de Freddy

 

Ce matin du 20 octobre 2012, mon collègue et moi même arrivons au terrain et après avoir humé l’air décidons que ce serait le jour, les papiers étant arrivés la veille, nous ne pouvons plus reculer l’échéance et puis Freddy commence à piaffer. Voler, oui, mais qui y va en premier ? Une pièce de deux euros va nous départager. Christophe monte à bord, s’aligne et gaaazzzz. En trente mètres il est en l’air, Freddy vole ! Le décollage étant facultatif mais pas l’atterrissage, il va falloir passer par cette phase. Première  approche : trop haut, c’est qu’il plane le bijou avec sa finesse de 10. Deuxième approche plus bas et kiss landing, taxiage et retour au hangar. Je m’empresse de demander ses impressions au pilote qui m’avoue qu’il n’a rien vu à part la piste.

C’est mon tour, mon serre-tête fétiche en cuir sur les oreilles et c’est parti. Effectivement, je ne vois rien du vol, trop occupé à viser la piste pour poser correctement. Le palpitant à 140, je touche la piste tout doucement et ramène la machine vers le parking à l’aide du petit manche. Une visite d’inspection pour voir si rien n’a bougé et Freddy rentre au paddock.

Nous allons débriefer autour d’un bon café.

L’anémomètre est à changer car allant de 50 à 250 km/h, il ne correspond pas du tout à notre gamme de vitesse de vol. En effet  l’approche se faisant à 60 et le décrochage à 45, l’aiguille ne bouge que de 5 mm sur le cadran. La profondeur est très sensible, le compensateur très efficace. Les spoilers se révèlent efficaces mais agissent mais avec un temps de retard. Il est pratiquement possible de ne virer qu’au palonnier par roulis induit mais la bille n’aime pas trop et n’est pas là pour nettoyer le tube. La dérive est très efficace au sol. Un taux de montée de 4 m/s à 80 km/h et une tenue de palier à 85 km/h avec 3800 tr/mn. Cela laisse augurer de vols sympas et économiques : en effet après plusieurs vols nous enregistrerons une autonomie de 3 h à 3 h 30 avec 20 litres d’essence. Le lendemain, deuxième vol que nous apprécions beaucoup plus et où l’on peut tester les commandes tout à loisir. Le compensateur est une merveille, je prends même le temps de sortir l’appareil photo de ma poche et de mitrailler la bête dans tout les sens tout en tenant le manche entre les genoux. Freddy vole sur un rail.

 

La vie de Freddy

 

Apres quelques vols où nous apprenons à nous connaitre mutuellement, nos impressions sont très bonnes. Freddy n’aime pas la turbulence, normal vu sa masse et les spoilers. Ça tombe bien, moi non plus. Un bel anémomètre tout neuf fait prendre conscience de sa plage de vitesse de vol. Il nous reste à trouver nos repères sur le pare-brise pour le vol en palier et la pente de descente mais c’est en bonne voie. Le moteur a un léger couple piqueur qui implique de tirer sur le manche lors d’une remise de gaz. En fait des centaines de petits détails que nous allons engranger au fur et à mesure des vols futurs (météo béarnaise à l’heure où j’écris ces lignes).

 

En conclusion

 

Freddy est un ULM qui n’a pas pris une ride, d’ailleurs il est toujours fabriqué de nos jours sous l’appellation Sirocco NG. Bien sûr des améliorations telles que des ailerons, une aile en carbone et un plan fixe à la profondeur ont été apportées. Il existe même une version jet à deux turbines ! Pour ma part, je commence à rêver de balades en montagne et surtout de faire le tour du Pic-du-Midi, le bras à la portière.

 

Longue vie à Freddy !

 

 

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