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Editorial ULMiste n°14

Article paru dans ULMiste n°14, mars 2013

 

N’attendez plus !

 

Animateur d’une école de pilotage pendant quelques années, que n’ai-je entendu, des dizaines des fois, de futurs élèves-pilotes : « j’arrive à la retraite, les enfants sont casés, la maison est payée, ma femme ne m’aime plus, il est donc temps que je vive mon rêve de gosse : voler ! »

Ceux-là, en général, suivaient assidûment leur formation puis achetaient une machine au top de ce qui existe, pour, enfin, boire de tout leur soûl leur rêve enfoui.

Invariablement, ces gens-là, qui bien souvent devinrent de francs camarades, m’inspiraient une certaine peine. Non pas seulement parce que j’avais fait un choix radicalement opposé en décidant de commencer par vivre mon rêve avant de me soucier d’un toit, d’un plan de carrière et de points retraite (et que je ne le regrette toujours pas), mais aussi parce qu’ils se rendraient compte bien vite qu’avoir attendu autant d’années sera aussi un frein à la pleine jouissance du vol : formation plus longue, réflexes moins aiguisés, automatismes plus longs à acquérir et plus difficiles à conserver, forme physique moins propice aux longues virées… mais aussi, des réflexes sociaux acquis au cours de décennies de batailles et de course à l’augmentation du pouvoir d’achat et du statut social qui fait que ceux-là seront les plus enclins à voler sur du matériel davantage destiné à flatter leur égo qu’à satisfaire leur idée du vol, donc pas forcément adapté à leur pratique. Enfin et non des moindres, d’avoir ainsi enfoui un rêve pendant aussi longtemps, avec le risque tout à fait humain d’avoir idéalisé l’objet de sa passion, peut également générer des déceptions, une fois l’objet touché de ses mains : on avait rêvé de faire l’oiseau et on se rend compte qu’en vérité, pour y parvenir, il faut aussi ouvrir un hangar, sortir trois machines avant d’accéder à la sienne, se barbouiller les mains au sans plomb, apprendre tout un tas de choses absconses et passablement inutiles, savoir lire la météo comme un ingénieur, zigzaguer entre les zones et espaces, de plus en plus nombreux, dont on nous interdit l’accès… bref, pour faire l’oiseau, il faut aussi un peu donner de soi, autour. Sans compter que, une fois en l’air et contrairement à l’oiseau, on ne sait pas toujours où aller, quoi faire, quel sens, finalement, donner à tout ceci. Autant de raisons qui poussent certains à abandonner la pratique, sujet que nous aborderons bientôt en proposant des remèdes.

 

Par ailleurs et dans le même temps, je vis bien d’autres candidats pilotes, fort heureusement majoritaires, qui n’attendraient pas la jeunesse de leur vieillesse pour s’amuser, à hauteur de leurs moyens : formation plus étalée dans le temps, achat d’une machine d’occasion aussi modeste que suffisante, recherche d’une solution alternative aux absurdes loyers de la région parisienne où nous étions alors… le tout sans s’interdire ni d’élever correctement leurs enfants ni d’oublier de leur fournir un toit.

En 2013, il est possible de pratiquer l’ULM, en France, pour un budget annuel inférieur à 2000 €, obsolescence de la machine incluse. Soit environ 150 € par mois, budget qui peut encore baisser si l’on opte pour le paramoteur, véritable aviation accessible et dont le domaine de vol satisferait une grande majorité de pilotes d’autres classes, qui se contentent (et tant mieux pour eux), de tourner en rond autour du clocher.

 

Ainsi, qui peut le plus aujourd’hui pouvait le moins il y a 10 ou 20 ans.

 

Et il est bien dommage de s’en être privé aussi longtemps ! Il est d’autant plus dommage de se priver aujourd’hui que nous sommes, dit-on, en « crise ». Un bientôt quarantenaire comme moi n’entend pas grand-chose à ce terme, tant il est présent dans les discours depuis que je suis né. Mais enfin, il semble que celle-ci soit une vraie. Or, la première et véritablement palpable conséquence de ce que nos media appellent « la crise » est que nos bas de laine, déjà bien fournis, ne font que gonfler : le problème n’est pas qu’il n’y a plus d’argent, mais que nous ne le dépensons plus. Ainsi, l’épargne des Français, parmi les plus importantes au monde, équivaut à plus de 10 fois la dette de la France ! Pour faire très simple, il suffirait que chaque Français dépense 10% de son épargne en biens de consommation pour que, déjà, on puisse moins causer de « crise »…

Ainsi, le prix des machines d’occasion, qui ne trouvent guère preneurs, ne fait-il que chuter ces derniers mois. C’est donc, plus que jamais, le moment d’acheter, donc de s’y mettre ! Et alors, si l’on croit ce qui nous est dit et que de toutes façons « c’est foutu », alors donnons-nous-en une dernière bonne tranche avant de finir à la rue ! Mettons-nous à l’ULM et volons de tout notre saoul, avant que, peut-être, il ne soit trop tard (ce qui n’est pas sûr !).

 

Toi qui lis les présentes lignes et te sens concerné. Toi qui rêve depuis des années de passer le cap et te contente, en attendant, de lire la bonne presse spécialisée. Toi qui n’oses avouer à ton entourage ce rêve enfoui… fais ton « coming-out » et viens voler avec nous !

 

Tiens, puisqu’on en est aux bonnes intentions, profites-en pour t’abonner, tu n’auras plus à te déplacer pour trouver ton mag et, en plus, tu feras des économies ! Encore une solution anti crise !

 

Pierre-Jean le Camus

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