Editorial ULMiste n°15
Article paru dans ULMiste n°15, mai 2013
GPS obligatoire !
L’organisation au Tour ULM, la FFPlUM depuis une bonne dizaine d’années, impose désormais le GPS parmi les équipements obligatoires.
Nos plus « vieux » lecteurs savent déjà la suite : « le Père Le Camus va encore nous pondre un prêche sur la navigation sans GPS, que c’était vachement mieux avant, gnagnagna ! ». Eh bien, soyez heureux, vous ne vous trompez pas ! Pas tout à fait.
« C’était mieux avant », n’a jamais été et ne sera jamais notre discours, pour la simple raison que, « avant », il n’y a pas si longtemps, l’homme ne pouvait voler. Il existe encore des ULMistes en âge de pratiquer dont les parents ont tout ignoré ou presque de l’aviation, ce qui à l’échelle de l’histoire de l’humanité, impose une certaine modestie. Ainsi que la satisfaction d’être né maintenant et ici.
Dans la même veine, le GPS n’est pas en lui-même et a priori à rejeter en bloc. Il offre des avantages indéniables, mais encore faut-il savoir les exploiter utilement. Ainsi, sur les vitesses des vents en fonction de l’altitude. Voilà un genre d’application utile de cet outil. Ou bien encore pour étalonner son ventimètre, vérifier son compas, bref, pour des opérations qui nécessiteraient de longues observations et calculs sans l’apport du progrès scientifique.
Quand la machine effectue immédiatement ce qui exige de l’homme seul du temps et des compétences, alors le progrès est au rendez-vous, car l’homme avance plus vite. Si elle ne fait que remplacer le vulgus pecum dans une tâche qu’il peut accomplir sans grand effort, alors il ne s’agit pas de progrès, mais de paresse. Or, un homme qui n’avance pas recule. La calculatrice, par exemple. Quand elle sert à effectuer en un instant des calculs trigonométriques complexes que le cerveau humain ne saurait effectuer qu’avec le temps et la formation requises, alors, oui, son apport est conséquent. Quand elle ne sert qu’à remplacer le « six-fois-sept-quarante-deux » mémorisé depuis l’enfance, alors elle n’est que paresse et dégénérescence cognitive.
Car, en effet, si le bon sens ou l’intuition feront imaginer que ce genre de formidable outil, mal utilisé, peut engendrer un ramollissement du cerveau, la science le démontre. Un chercheur en neuropsychiatrie, Miguel Bensayag, a mené une expérience avec des chauffeurs de taxi, dont la conclusion est qu’une utilisation intensive du GPS fait perdre, assez vite, toute capacité à se repérer sans l’outil. Les centres cérébraux dédiés à l’orientation sont physiquement diminués ! On tue le « six-fois-sept-quarante-deux » !
Ainsi, l’argument selon lequel on utilise le GPS mais on conserve la carte au cas où, ne tient plus guère, puisque ladite carte nous parlera autant que les tables de multiplication au dos des cahiers brouillons de nos écoles primaires.
Et, naviguer à la carte est aussi simple que d’apprendre les tables de multiplication, en plus du fait que l’exercice permet de maintenir le cerveau en action, ce qui n’est jamais gâché pour un conducteur d’engin volant. De plus, on regarde dehors, vu que c’est la base de la méthode, tandis que le GPS encourage à somnoler devant sa flèche… de plus, pour ma part, je m’ennuie au bout de deux heures de vol de navigation, en général. Au GPS, pour avoir tenté l’expérience à plusieurs reprises, je m’ennuie presque immédiatement, mais ce n’est sans doute pas général. Enfin, le BEA a produit une étude sur les travers du GPS et les risques avérés qu’il génère, en observant plusieurs accidents en quelques années. A ma connaissance, aucun organisme n’a jamais analysé les risques liés au fait que l’on se soit fait mal après s’être perdu pour avoir navigué à la « grand-papa » ! Oui, on se perd, puis on se retrouve, c’est aussi une des joies de la formule !
Nulle question, encore une fois, de jeter l’outil. Toutefois, attention aux travers !
Il est vrai, à notre décharge, que nos formations, en matière de navigation, sont bien faibles… un aller-retour d’une heure sur axe en guise de « nav » et hop, on passe à la suite. Par la force des choses, la tentation du GPS est grande quand on veut, très vite après son brevet, aller voir de l’autre côté du village. Du coup, un nombre grandissant d’instructeurs ne savent plus eux-mêmes naviguer sans GPS, quand ils l’ont jamais su un jour…
Il est donc logique que la FFPlUM, qui encadre les formations de nos pilotes ULM en fournissant les outils pédagogiques, en proposant des normes et en délivrant des labels de qualité, impose le GPS sur sa promenade, bien consciente qu’elle est de l’abyssale profondeur de l’ignorance des ULMistes en matière de navigation.
Et c’est alarmant. Le Tour pourrait être une formidable occasion d’imposer aux participants qu’ils se remettent en cause, voire qu’ils apprennent des choses. On peut imaginer que, moyennant un encadrement adéquat, on réapprenne aux pilotes, sur la base du volontariat, pourquoi pas, à assurer leur sécurité, car c’est de cela uniquement qu’il s’agit.
Audiard (le talentueux, pas l’héritier) disait du pigeon que « c’est plus con qu’un dauphin, d’accord, mais ça vole ! ». Nous autres qui avons besoin d’encombrantes prothèses pour voler beaucoup moins bien que ce rat volant, nous savons qu’en plus ce con-là navigue comme jamais nous ne saurons le faire ! Avec un cerveau plus petit que la pile de nos GPS…
L’ULMiste serait-il plus con que le pigeon ?
Tiens, allez, pour la prochaine fois, sur un cahier propre, un aller-retour de 20 km en cheminement sur l’autoroute qui borde le terrain, en laissant le GPS au hangar !
Amen