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Allons revoir Syracuse !

Article paru dans ULMiste n°15, mai 2013

 

IL EST TEMPS D’ALLER REVOIR SYRACUSE

 

Florence Léauté est une jeune femme charmante, mariée avec son fidèle et fringuant Nynja. Basée à La Possardière, à 10 kms de chez moi, elle a pour habitude d’organiser tous les ans, un rallye entre copains. J’avais loupé la Suède et l’Irlande et tenais, cette fois-ci, à être présent pour la Corse.

 

Henry de Lavenne

 

Vendredi 15 Juin 2012, le temps est parfaitement exécrable et ma Zaza déclare tout net que je suis cinglé et qu’elle ne décollera certainement pas. De fait, mes roues ont à peine quitté le sol que je me retrouve sur la tranche et me surprends à resserrer ma ceinture après avoir tressauté dans mon fauteuil à 3 roues. 30mn désagréables et c’est le beau temps qui ne nous lâchera plus. Florence et ses 6 poussins sous son aile (mal formés parce qu’en trois-axes) m’accueillent à Niort, arrivés depuis la veille, justement pour éviter le mauvais temps prévu. Deux Quik ont déclaré forfait à Morlaix, et, je me retrouve un peu seul dans le mien. Nous déjeunons à Saint-Junien, et Egletons nous bordera parfaitement pour la nuit.

Les Monts du Cantal, et, particulièrement, le Puy-Mary sont toujours aussi beaux. Comme à chaque fois, j’atterrirai le dernier, ne pouvant rivaliser avec mes 6 avions à réaction. Nous nous retrouvons égaux devant des assiettes bien fournies, attablés en surplomb de ce merveilleux aérodrome de Mende. Et, nous sommes déjà en Provence : Le pont du Gard, Tarascon con, les Alpilles et ses Baux de Provence, la montagne Sainte Victoire et terminons par Cuers, aérodrome militaro-civil. Stéphane Wickers atterrira peu de temps après nous. Il en a un peu bavé pour descendre de Persant-Beaumont. Il a l’âge de mon fils, a une amie gironde, Laurence. Elle et lui forment ce que l’on appelle un beau couple, mais surtout, ces deux-là sont collés sur un Voyageur DTA, un vrai ULM pendulaire. Ils seront, avec sa dulcinée intermittente du voyage, de gais compagnons parfaits.

Nous arrondissons Nice par les Alpes du sud et ne pouvons résister à un posé sur l’altisurface de Cipières. Toutes nos excuses à l’autochtone pour ne pas avoir pris le temps de  lui serrer la main, nous n’avions déjà plus les speeds à la radio. En contournant le Mont Agel, la principauté de Monaco nous saute littéralement aux yeux. Nous plongeons tranquillement vers la Méditerranée pour mieux voir Menton, Vintimille, San Remo, puis nous rentrons dans les contreforts Alpins Italiens pour un déjeuner à Boglietto. Si vous avez une grosse faim, venez sur ce Campo di Volo. Ce n’est pas moins de 9 plats délicieux que nous ne pouvons point refuser. La sous-ventrière prête à péter, nous nous trainons à l’abri de notre aile pour en écraser une. Après Gênes, nous reprenons cette côte fabuleuse en évitant scrupuleusement un nombre conséquent de zones interdites. Comme sur beaucoup de pistes Italiennes, nous  refioulons à la pompe de Pontedera, derrière Pise. Chacun enfile consciencieusement sa bouée canard et, en serrant discrètement les fesses, nous tutoyons l’île d’Elbe et piquons direct sur Moule et Dokar, les points d’entrée de la Corse. Chacun respecte les instructions du contrôleur de Bastia particulièrement sourcilleux. La vue d’un pendulaire sur l’eau, dans le coucher du soleil au large du Cap corse… ouah… j’vous dis pas. Les 2 pendules atterrissent pratiquement de nuit au milieu des montagnes de Corté après 6h45 de vol dans la journée.

Les penduleux changent de femme. Nous déposons Laurence à l’aéroport de Bastia qui va bosser et je récupère ma Za. Elle n’a pas le temps de dire ouf, qu’elle se retrouve au-dessus du Monte Cinto à 8877 pieds pour piquer aussitôt sur le golfe de la Girolata dans le golfe de Porto, la calanche rouge de Pienna, les Sanguinaires, la baie d’Ajaccio pour atterrir pour la deuxième fois de la journée, non point avec 4 réacteurs bruyants dans le dos mais avec un 912 écolo dans le cul ! Nos 8 machines passeront 3 nuits sur cet aérodrome, dont la 28 se termine dans la mer. Chacun effectue ses petits tours en privilégiant, bien sur, les bouches de Bonifacio et les îles Lavezzi et tous se retrouvent le soir pour l’apéro et le diner, pour se narrer les points forts du jour. Les Morlaisiens ne s’en laissent pas compter par un restaurateur qui les prend pour des touristes moyens et cossus. La rencontre de têtes de Bretons contre des têtes de Corses n’a pas été inintéressante !!! Nous nous calmons en allant visiter le nord de la Sardaigne jusqu’au Cap de Falcone. Le responsable de la piste, ne comportant ni hangar ni aucun service, nous taxe dès l’atterrissage d’un petit billet de 10€ par machine. La besace pleine, cet homme d’affaire, très occupé, qui n’était là que pour nous rendre service, partira illico et nous ne le reverrons plus de la journée. Pour autant, ceci ne nous a pas perturbés, et nous avons largement apprécié le survol de ces côtes et particulièrement Castelsardo.

Les Trois-axes font une directe Propriano-Salons Eyguières pendant que nous refilons vers l’Italie. Nous lâchons Ajacccio au-dessus des aiguilles de Bavella et passons, avec les militaires de Solenzara qui nous accompagnent jusqu’à la Frontière. Rome info ne répond pas et nous en sommes ravis. L’île de Montechristo de 645m d’altitude, gros caillou agressif, n’abrite aucun péquin, suivi de l’île de Giglio. Vous connaissez ? Mais si, réfléchissez ! La croisière qui ne s’amuse plus du tout. Ah ! Ça vous revient. Le p’tit bateau est toujours sur le côté. A l’heure où les GPS vous matérialisent tous les cailloux (même sous l’eau) au mètre près, ceci est pour le moins consternant. Tu vois Costa… casse-toi ! A peine posé à Alfina, au-dessus du lac de Bolsena, j’appelle Ajaccio qui clôture notre plan de vol illico sans problème. Nous traversons les Apennins, chaine de 1000 kms qui coupe l’Italie du nord au sud. Nous avons beau la traverser en fin d’après-midi, il faut s’accrocher à son trapèze. Après un bain à Termoli sur l’Adriatique, nous dégustons des petits calamars grillés à la plancha dans un micro restaurant. Le patron jovial, le tablier recouvrant son ventre conséquent, nous amène l’addition. Je lui tends ma carte tout en regardant du coin de l’œil le montant qui me semble exorbitant. Par 3 fois, il me demande : ça va ? Euh oui, dis-je. Ecroulé de rire, il me ressort une deuxième addition de 40€ pour trois. C’est l’Italie que l’on aime, joyeuse et qui ne se prend pas la tête, malgré ses problèmes. La vieille ville, port citadelle, est en fête. Sur la place de l’église, un orchestre déchainé, nous joue les Beach Boys et autres Beatles, ce qui excite la Za au plus haut point.

Nous descendons la botte et, quand le terrain le permet, nous nous gavons de rases mottes côtes à côtes. Après l’ergot de la patte, nous quittons le confort marin pour se faire secouer dans les terres, et,  éviter les zones de Bari et Brindisi. Le terrain de Lecce, capitale de la Pouille, est désert et à peine posés nous plongeons, à qui mieux-mieux, dans la piscine. Il faut savoir que pendant que vous étiez sous des trombes d’eau et que vous vous peliez en France, une seule chose nous a vraiment embêtés pendant toute l’Italie : la chaleur. 40° et +, c’est exténuant. Néanmoins, nous avons beaucoup aimé cette ville aux multiples monuments renaissance, rococo et baroques.

Le gestionnaire de la plateforme nous signifie que la piscine est privée et interdite. La main sur le cœur, nous certifions que nous ne nous serions pas permis une telle liberté. Le vent est très fort et rafaleux. Isabelle décrète qu’elle ne décollera pas. Je n’ai plus aucun crédit auprès de ma femme et j’envoie Stéphane en émissaire. A 1000 pieds, c’est laminaire et, diplomate, il convainc la Za. J’avais prévu d’aller virer le Cap Santa Maria de Luca, à l’extrême talon de la botte, mais pour abréger les souffrances de mon épouse, nous effectuons une directe sur le golfe de Tarant. Nous voyons un gigantesque feu de forêt qui vient lécher les immeubles bordant la plage. A Sibaï, nous piquons une tête. Nous pensions coucher au pied de l’Etna et nous avons bien failli nous faire avoir par le décalage horaire Sud-est. Nous changeons notre destination au dernier moment et nous posons à la tombée de la nuit à Albatros dans le bout du pied. Nous sommes pris en charge immédiatement par une famille qui nous loge dans la maison vide de la grand-mère ! L’ainée part nous acheter des pizze, le second s’occupe du pain et du vin, le troisième fait les lits et le quatrième, 15 ans, nous conduit hilare au volant de sa voiture. Une demi-heure après le posé, nous sommes attablés dans notre maison. Les petits gars nous ont vu venir et nous présentent une addition musclée.

Nous traversons le détroit de Messine et commençons à grimper en altitude en se faisant secouer. L’Etna, à 3 340 mètres, est toujours aussi impressionnant. Les coulées de lave noire tranchent sur les névés restants. Nous restons au vent, vers 3500/4000 pour admirer les différents cratères fumants. Nous redescendons tranquillement sur Syracuse et trouvons un B.and B. dans la presqu’île d’Ortigia. L’Italien doit avoir, lui aussi, un problème avec l’Anglais, car nous aurons un Bed sans Breakfast ! Stéphane passera sa journée à réparer une roue crevée et négocier une soudure sur le mât du tricycle criqué. Pendant ce temps, Isabelle et moi, arpentons la vielle ville en se remémorant notre voyage en Cosmos qui remonte à une dizaine d’année. J’avais écrit dans Vol Moteur n°214 « J’irai revoir Syracuse ». Eh bien, voilà qui est fait.

Nous traversons la Sicile vers le nord et admirons une multitude de petits villages perchés sur des pics incroyables. La piste de Campofelice a l’air abandonnée et nous nous posons à Caronia Minotaure au bord de la mer Tyrrhénienne. Le patron du restaurant n’en revient pas de voir les photos du Costa que nous avions prises, en  survolant l’île de Giglio ! Il a tellement cru sa dernière heure arrivée à bord de ce navire, qu’il tient à nous offrir une bouteille de blanc en échange de nos photos. Nous dégoulinons de toutes parts, en arpentant les rues d’Aquadolci, pour trouver une voiture de location. Nous cédons aux habitudes Italiennes et louons un parasol sur la plage pour nous protéger de la canicule insupportable. Nous logeons dans un mas, style provençal, dans les hauteurs, au milieu des vignes, figuiers, pruniers, orangers,  citronniers, oliviers et amandiers. La propriétaire, que nous avons l’impression de connaitre depuis toujours, nous sert au diner ses mets délicieux dans une pièce où les murs sont recouverts de peintures datant du XVIIème. Nous dévalons les ruelles médiévales de Cefalu, après avoir jeté un œil sur les pures merveilles mosaïques byzantines de la cathédrale. Nous sommes sous le charme de Palerme. Cette ville qui a connu la domination musulmane, qui fut occupée, entre autres, par les Autrichiens, les Bourbons et les Normands est une ville de contraste où les palais côtoient la misère.

Nous récupérons notre intermittente du voyage, à Punta Raisi et décollons pour un p’tit tour en mer. Je me suis refusé à calculer le nombre de kilomètres effectués au-dessus de la mer pendant ce voyage. J’avais peur d’avoir peur ! Nous quittons la Sicile par le Cap d’Orlando pour une verticale de Vulcano, première île des Eoliennes volcaniques. Petites fumerolles, mais cratère entouré de jaune criant sulfureux. Nous continuons par Lipari, la plus vaste, laissons Salina à main gauche, piquons sur Panarea et terminons par le Stromboli. Je suis en train de dire à Isabelle que je suis un peu déçu par ses fumées légères, quand il nous lâche un super prout, gros nuage noir qui sera dissous lorsque nous approchons du cratère. 70kms de mer plus loin, nous sommes contents de retrouver les côtes de la Calabre que nous remontons jusqu’à Scalea. Un nouvel aéroport immense, avec de gigantesques superstructures, mais n’abritant que 4 ULM, nous accueillera parfaitement. A l’hôtel proche, la Za se déchainera en dansant avec de nombreux Italiens auprès de la piscine.

Nous pensions avoir vu les sommets des beautés terrestres et nous n’avions rien vu. La côte Amalfitaine, au sud de Naples, dépasse l’entendement. Cet éperon rocheux d’une trentaine de kms qui culmine à 1500 m et se termine par Capri nous électrisent. Les 2 pendules, toujours côte à côte, évoluent entre 50 et 300 m mer. Des tours sarrasines en équilibre sur des pitons rocheux perforent la mer transparente. Des gorges profondes sont franchies par des ponts vertigineux. Nous voyons même avec stupeur, au fond d’une de ces gorges, un tennis au ras de l’eau, en se demandant comment on y accède! Des petites maisons de pêcheurs cubiques et blanches côtoient des palais mauresques. Nous hésitons à pénétrer les gigantesques grottes marines. Notre fréquence se sature de superlatifs et finit par s’éteindre. Nous sommes sans voix. Capri devient presque banale. Nous reprenons notre souffle à Castel Volturno au nord de Naples, et terminons la journée à Ladispoli, à une vingtaine de kms au nord de Rome. Ecrasés par la chaleur, nous laisserons « les enfants » visiter la ville éternelle. Laurence repart travailler et pour réduire notre budget conséquent, nous serons à nouveau trois dans notre chambrette. Nous retrouvons Pondera et sa pompe, et le coucher du soleil nous oblige à nous poser à Acqui-Terme. Nous dégustons une dernière fois les petits calamars grillés, que seuls les Italiens savent cuisiner et allons nous rincer les doigts dans la vasque d’eau brulante au milieu de la place principale.

Nous passons les Alpes par le col de Tende et nous nous retrouvons devant quelques nuages bas qui nous entrainent, malgré nous, dans un long et tortueux cheminement vers Nice. Tel le capitaine Haddock avec sa barbe, nous passons le stratus, une fois au-dessus, une fois en-dessous de la nôtre en ne sachant pas vraiment quel est le mieux pour nous.  C’est, heureusement, bien avant la CTR que nous pouvons remonter nord-ouest pour Carpentras. Une petite sieste, dorlotée par le son des cigales et, Stéphane, qui se refuse à dormir seul, et, casser le couple à trois qui va bien, nous accompagne jusqu’à Egletons.

Après nos adieux, il remontera sur Paris, se posera en campagne pour raccrocher un carénage qui souhaitait prendre son indépendance. Le GPS rendra l’âme mais son nez renifleur suffira à retrouver le nid. La Za et moi serons ravis de retrouver la pluie rafraichissante du côté de Limoges et Poitiers.

Comme vous pouvez le constater, je prends des risques insensés. C’est ainsi que le 2 Février, en sortant de mon appartement nantais, mon pied gauche prend contact avec une gigantesque plaque de glace grande comme ma main. Le tendon quadricipital, celui qui tient les 4 muscles principaux de la cuisse, est totalement déchiré. Le plus drôle était que je chargeais les skis de ma trapanelle dans mon coffre pour rouler le lendemain vers l’Alpe d’Huez où là, j’avais de biens meilleures chances de me ratatiner sur une alti-surface où autres glaciers. Le 19 août, encore mal remis, je soulève mon Quik et me re-déchire le même tendon. Retour à la case départ pour d’lavenne qu’à d’la veine. 

Vous vous demandez pourquoi je vous raconte cette histoire totalement dénué d’intérêt :

Eh bien, 1 : Nul ne sait où le risque va se nicher.

  2 : Un article a toujours besoin d’une bonne chute !

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