912 injection LAD'Aero
Article paru dans ULMiste n°15, mai 2013
Rotax 912 injection par LAD'Aero
Les plus anciens d’entre nous se souviennent que, dès 1996, Philippe Zen, champion du monde pendant dix ans d’affilée, qui ne fut vaincu que le jour où il cessa de concourir, avait monté une injection sur le 912 de son SkyRanger de compétition, moteur dont il équipa ensuite son Sinus. A l’époque, ce montage était unique et ne fut pas commercialisé. Depuis trois ans, LAD propose un kit qui permet de transformer le 912 à carburateurs en moteur à injection. Nous sommes allés voir.
Tout comme le montage de Zen, il s’agit d’une injection électronique indirecte qui se monte en lieu et place de l’alimentation d’origine. Ainsi, c’est un kit que l’on reçoit et que l’on monte soi-même, moyennant des connaissances en mécanique assez rudimentaires (le montage dans les ateliers LAD est également possible). Vendu au prix de 2 860 €TTC, le « vrai prix » serait même réduit de plus de 30%, si l’on tient compte du fait que l’on peut revendre les équipements d’origine (carbus, etc.). Autant dire que, vu les promesses du fabricant en termes de consommation, etc., il nous semble opportun d’y regarder de près.
Regardons donc
LAD (Louviers auto développement) est une entreprise spécialisée dans la préparation d’auto de courses automobiles depuis plus de 20 ans. Le chiffre d’affaires annuel avoisine le million d’euros et cette entité compte 5 salariés. Christian Dieux, son fondateur et dirigeant, est attiré par l’aviation depuis tout petit mais, faute de temps, ne pratique que lorsque, à l’occasion, il peut voler avec certains de la petite quarantaine d’utilisateurs que compte déjà son système d’injection pour Rotax 912 (et S). Il faut dire que son activité principale, la course auto, est très prenante en temps : on travaille sur les autos la semaine et les clients, auxquels il faut offrir l’assistance en course, jouent le week-end, de telle sorte que les temps libres sont très comptés !
Au départ, LAD avait, à la demande d’Alexandre Patte, développé un système d’injection pour Jabiru, qui a volé pendant deux ans. En 2009, LAD prit un stand à Blois, sans rien à vendre. L’idée fut de sonder les prospects en leur demandant ce qu’ils attendraient d’une injection pour 912 : quel prix, en kit ou tout monté, rendement, puissance, consommation, etc. ? Il en ressortit un cahier des charges qui permit le développement du système. Cinq mois de mise au point plus tard, en avril 2010, le premier système volait, d’abord sur un 912 S. Pour la petite histoire, le banc de mesure affichait bien les 100 cv avec l’injection, alors qu’il en montrait 5 de moins avec les carbus, ce qui ne signifie pas que Rotax se trompe ou ment, mais confirme simplement qu’une injection permet de tirer à coup sûr d’un moteur ce qu’il a dans le ventre, quand des carbus sont toujours et par nature déréglés.
Il est possible d’acquérir le système soit sous forme de kit, soit monté dans les ateliers LAD. Le kit est facturé 2 860 €TTC et le montage 800 € de plus, auxquels il faut ajouter le transport et le fait qu’il faudra démonter le moteur, etc.. Autant dire qu’il est valable de songer à le monter soi-même : LAD annonce trois jours de travail pour un mécanicien amateur ou même un pilote habitué à effectuer son entretien lui-même. A ce jour, la majorité des 37 kits vendus ont été montés par les clients. Une lecture attentive de la notice de montage semble confirmer, en théorie, la facilité du montage.
Parmi les utilisateurs dont nous avons eu des témoignages, une baisse de consommation de l’ordre de 10% à 15% a été constatée. Soit un bon litre par heure au régime de croisière économique moyen. Si l’on compte amortir le système en tablant uniquement sur la consommation, il faudra donc compter plus de 1000 heures. Pour un particulier, ça fait beaucoup, mais pour un professionnel, ça peut se compter en mois. C’est donc aussi sur d’autres éléments qu’il faut chercher les avantages du système et nous allons donc voir de quoi il en retourne en l’air.
A première vue, ce qui saute aux yeux est bien sûr l’absence des carburateurs et les durits blindées « aviation ». A part cela, rien de notable. La pompe reste unique contrairement aux usages en aviation, mais il n’y a pas de raison de considérer que cela puisse poser problème, cet élément connaissant très peu de pannes. Au niveau du tarif et du montage, nous y retrouvons avantages.
En vol
C’est sur la machine de Eric Groby que nous avons mené ces essais, quelques jours avant les championnats de France lors desquels Eric finit deuxième avec son complice de toujours, Laurent Rapiteau.
Sur le week-end des montgolfiades de Belleville-dur-Saône (voir par ailleurs dans ce même numéro), il me fut demandé de participer à la fête en remorquant un delta biplace. Il s’agit d’une machine qui décolle et se pose sur des roues, remorquée derrière l’ULM. A visée pédagogique, cet ensemble peut aussi servir, comme lors de ce week-end, à du simple « promène couillon », comme on dit ingratement. J’ai une assez solide expérience de la chose, ayant été, à la fin des années 1990 et des centaines de fois, remorqueur du premier delta biplace semblable utilisé en France. Un Cosmos Phase II 582 Chronos 16 nous donnait un taux de montée d’un petit 2 m/s, en air calme.
Je commence par un premier vol en solo, histoire de prendre la machine en main. Pour la circonstance, l’aile BioniX 15 d’origine est remplacée par une FUN 450. 18 m2 et 100 cv au cul, en solo, ça devrait donner ! La procédure de démarrage est un peu particulière sur ce moteur, qui ne correspond pas tout à fait à la série. En effet, un système de commande de la richesse (totalement exclu en série, il ne s’agit que d’un montage « compète »), impose un petit coup de gaz au moment de tourner la clé. Sur le système « grand public », il suffit bien entendu de tourner la clé, une fois que la pompe a œuvré. Pas de starter bien sûr, on tourne la clé, on entend le petit « dzzz » d’une seconde, puis on démarre. Immédiatement, je constate le faible niveau vibratoire, imputable à un ralenti assez bas et un fonctionnement optimal. Les températures montent vite en cette belle journée, je m’aligne et décolle, en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire. Je réduis aussitôt la puissance de moitié et me laisse prendre un peu de hauteur. Ce n’est pas le sujet du jour, mais cet ensemble, avec ses 18 m2, correspond bien à ce que j’apprécie dans l’ULM : vol lent, aile maniable, moteur peu glouton (moins de 2 500 tours en palier !). De quoi envisager de se poser n’importe où en redécollant du même endroit, contrairement à l’autogire, concurrent putatif du pendulaire, qui se pose certes n’importe où, mais n’en repart pas forcément.
Un petit tour de piste pour évaluer la finesse et pente de descente de l’ensemble, puis cap sur la campagne pour quelques impressions. Le moteur est très souple et répond immédiatement à la moindre sollicitation, sans aucun à-coup ou hésitation propres aux carburateurs. Gaz à fond avec une légère action à cabrer, l’horizon se rapproche de mes hanches et le vario affiche des valeurs que la morale réprouve… à faire juste le temps de rigoler, en air calme…
En remorqué, les 100 cv du moteur et l’hélice Duc Flash nous grimpent à 2,9 m/s intégrés, valeur que je n’avais jamais vue dans cette configuration ! Le remorqué consiste à monter plein pot en poussant la barre, jusqu’à environ 700 m QFE ; le delta largue la ligne, puis le remorqueur redescend tout à piquer et moteur tout réduit, largue la ligne sur le terrain puis revient se poser. Autant dire le moteur en prend « plein la gueule » et il n’est pas rare que, la descente terminée et après avoir enduré des chocs thermiques conséquents, il ratatouille un peu à la remise de puissance. Ici, non, rien de cela, il reprend ses tours à la moindre sollicitation, comme un moteur à injection qui fonctionne, en somme.
Les promesses
Voici ce que promet LAD’Aéro et ce que nous avons constaté sur ces quelques heures de fonctionnement :
« Réduction du régime de ralenti et par conséquence de vos distances d'atterrissage. » Le ralenti est en effet plus bas, donc la conséquence s’impose.
« Amélioration de la souplesse et de l'agrément d'utilisation du moteur. » Constaté.
« Disparition des risques de givrage. » C’est évident !
« Réduction de la consommation et des rejets de gaz polluants. » Noté par les utilisateurs, de l’ordre de 10% à 15%.
« Augmentation de l'autonomie. » De par le fait…
« Gestion automatique de la richesse dans toutes les conditions. » Oui, c’est même l’avantage premier de l’injection électronique par rapport au carburateur, qui, sur le papier, est une relative aberration mécanique.
« Système d'allumage à double magnéto conservé. » L’allumage reste d’origine, en effet, donc à avance non variable. Une certaine logique voudrait qu’une injection aboutie fasse varier l’allumage et bien sûr LAD serait en mesure de proposer cette option. Mais le prix et la complexité s’en ressentiraient !
« Aucune modification sur le moteur et retour au montage originel toujours possible. » C’est-à-dire aucune modification structurelle du moteur, en effet.
« Réduction possible du coût du kit par la revente de vos carburateurs. » Affirm.
Les inconvénients
Tout comme nous l’avions pointé lors de l’évaluation de l’injection G’Decouv’R sur le 582, le montage de ce système fait perdre de facto la garantie Rotax. Bien que cette dernière soit relativement limitée (18 mois ou 200 heures), il faut le savoir. Il sera donc judicieux de ne pas partir d’un moteur encore sous garantie.
Autre inconvénient souvent pointé par les peu convaincus ou ceux-qui-ont-toujours-un-avis-sur-tout mais ne font, souvent, pas grand-chose, les éventuelles réparations. Il est possible de bricoler son carbu, mais son injection, moins. Ça se tient. Toutefois, outre que les problèmes ne sont pas si courants (toutes nos autos sont désormais à injection et ce n’est pas ce qui pose le plus de problèmes), LAD est très réactif en SAV et autres assistance à distance. Ainsi aux championnats d’Europe en 2012, Groby et Rapiteau ont eu la surprise de voir débouler Christian Dieux lui-même, depuis sa Normandie, pour régler un petit souci du au fait que ce montage n’est pas de série ! Pas sûr que ce service soit disponible en toutes circonstances, mais c’est notable !
Alternatives et choix
Le système mis au point avec Sybele pour Philippe Zen n’a jamais été commercialisé, nous l’avons vu. Rotax vient de sortir le 912 iS, un 100 cv à injection directe qui n’a plus grand-chose à voir avec le précédent et dont le système n’est, en tout état de fait, pas rétrofitable sur un moteur existant. De plus, il ajoute près de 7 kilos au groupe moteur, tandis que le dispositif vu aujourd’hui ne change pas la masse de l’ensemble (tout en réduisant l’encombrement). Enfin, le surcoût est sans commune mesure avec ce dont nous parlons présentement.
Loravia propose depuis quelques années son propre système également, mais il n’est pas tout à fait comparable à celui de LAD. Ce dispositif propose deux pompes et une avance à l’allumage variable, il est donc virtuellement plus « complet », en tout cas plus complexe, de telle sorte que le montage sera de préférence confié à Loravia. Les soucis observés sur quelques systèmes viennent, selon Loravia, de mauvais montages par les clients. Ce « kit » est facturé 4 200 €TTC ou 3 350 €TTC si Loravia conserve les éléments devenus inutiles (carbus, allumages, etc.). Le montage, lui, est facturé 3 000 €, de telle sorte que le système complet peut coûter jusqu’à 7 200 € monté, contre 3 660 € monté pour le LAD.
Il n’y a donc pas photo et le public ne s’y trompe pas : seuls 5 injections Loravia circulent quand 37 machines volent avec le LAD.
Si nous devions équiper une machine d’un système qui garantisse les démarrages en toutes conditions, qui lisse le fonctionnement du 912, qui améliore l’autonomie et permette, in fine, des économies de carburant, nul doute que LAD retiendrait notre attention.
En attendant que Rotax nous propose, enfin, un moteur deux-temps à injection directe, tels que ceux que le groupe produit déjà à des dizaines de milliers d’exemplaires pour d’autres applications. Il paraît que ce n’est pas au programme. Le 912 à injection ne l’était pas non plus !
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