Editorial ULMiste n°18
Article paru dans ULMiste n°18, novembre 2014
On est où ?
Il y a quelques semaines, je me suis retrouvé à l’arrière du pendulaire d’un grand Monsieur de l’ULM. J’étais tout absorbé par l’observation de son pilotage, assoiffé de tout ce qu’un tel individu peut m’apporter par son expérience. Près de 5 heures de vol qui nous ont amenés au-dessus de paysages fantastiques de notre belle France.
Ce pilote navigue à la tablette GPS. Nos lecteurs savent combien, à titre personnel, je suis partisan de la bonne vieille méthode « à l’ancienne », carte sur le genou et yeux grands ouverts. Non pas que je dénigre le progrès, mais j’aime la carte pour son papier de bois d’arbre, son odeur d’encre chimique, les craquements qu’elle produit lorsqu’on la manipule, le travail fabuleux et mystérieux qu’ont donné ceux qui, depuis des siècles, œuvrent minutieusement à ce genre de choses. La magie des traits que l’on y trace et que l’on retrouve sur le sol survolé, comme si, sous condition de travail bien fait, cela relevait de l’évidence.
Naviguer à l’électronique m’ennuie. Suivre la flèche que m’indique une technologie faillible et militaire de surcroît m’endort. Tandis que chercher tel village, telle route, telle voie de chemin de fer ou relief, les nommer, les dompter, s’en faire les amis qui nous montrent le chemin et ne le sauront jamais, quelle satisfaction suprême ! En plus du fait que cela passe le temps et détourne l’attention du stress que procure, parfois, la turbulence.
En naviguant à la carte, lorsque je ne me perds pas, je sais en permanence où je suis, par la force des choses. Ce jour-là , je demandai par trois fois à mon pilote où nous étions. Il fut, à ma surprise désolée, incapable de me répondre. Du moins, sans un effort pour aller agrandir le champ de vision de son outil afin d’y lire le nom du bled.
Et voilà que le paradoxe de la technologie m’a sauté aux yeux : on sait où on va, mais on ne sait plus où on est…