Fuck the desert!
Article paru dans ULMiste n°18, novembre 2014
Anatomie d’un rêve
Je viens de raccrocher avec Jean-Luc, il a dit oui bien sur ! La question était simple, nous avions parlé de ce voyage, c’était pour 2013 ou 2014, nous sommes en 2014, il a dit oui bien sur !
Nous allons donc rallier Toulouse à Saint-Louis du Sénégal à deux en ULM sans assistance et en trois semaines. Plus ou moins 9000 Kms, 5 pays survolés, 4 frontières, 1 détroit et 1125 litres d’essence engloutis. Mais comment vient une idée pareille ? L’envie de vivre ce rêve, de rejouer la partition de l’aéropostale, partir sur les traces des pionniers, Daurat, Guillaumet, Mermoz et Tonio bien sûr. Mettre notre avion dans les remous de leurs hélices, survoler leurs sierras, leurs déserts, avoir le ciel partagé entre terre et mers ?
C’est d’ abord et avant tout un enfant de quatre ans sur le muret d’une plage espagnole face à la mer qui saute, bat des bras et a, l’espace d’un instant, l’illusion un peu folle qu’il a volé. C’est ensuite la lecture de St-Exupery, Terre des hommes, Courrier sud, Vol de nuit, comme autant de marches vers l’inaccessible étoile. C’est enfin des rencontres, des échanges, des passions partagées et la certitude que si l’aventure est d’abord humaine, elle n’est pas une question de moyen mais bien d’état d’esprit. Il manquera toujours à certain 20 chevaux sous le capot ou le dernier 4x4 pour oser traverser le désert, alors que la vraie barrière est dans nos têtes, nous sommes notre propre limite. Ce qui est excitant dans ce genre de projet, c’est la somme des inconnues. Toutes ces informations à glaner, sur les autorisations de survol, les réglementations, les différents points de chute …
Mais je réalise tout d’un coup que je ne vous ai pas présenté les différents protagonistes de cette opération « fuck le désert » (J’ai Honte… pour le F… bien sûr).
Il y a évidement Jean-Luc Verdilhan mon acolyte de toujours, ami d’enfance, compagnon d’infortune de toutes nos aventures, qu’elles aient consisté à se perdre de façon récurrente et perpétuelle dans le Luberon ou d’aller aux confins de l’hexagone ou de l’univers, car son vrai nom est Luke Skywalker, comme de bien entendu. C’est un véritable chevalier Jedai qui au prix d’un très long entrainement à su maitriser « la force », j’en veux pour preuve qu’il arrive à me tempérer, ce qui en soi nous démontre qu’il a bien suivi l’enseignement de nos regrettés Obi Wan Kenoby et maître Yoda. Enfin, Luc, s’il ne pilote plus de chasseur X comme à la grande époque, est passé commandant de bord sur ULM Kit Fox, mais il est aussi un navigateur hors pair, ce qui est une perspective rassurante dans l’optique de notre voyage…
Dans cette aventure nous serons épaulés, accompagnés et même transportés par celui que l’on surnomme le N’avion de Oui-Oui puisqu’à default de bonnet il a au moins un nez rouge. C’est un bon gros Savannah, ULM trois-axes en aluminium du genre pas beau mais efficace, qui du coup me fait penser au faucon millenium de la guerre des étoiles et puis allez, j’assume, je me verrai assez en Han Solo, sorte d’aventurier des étoiles un rien dilettante, un poil décalé et qui a du mal à prendre les choses au sérieux.
J’espère juste qu’on dépassera Barcelone sinon j’aurai l’air fin…
Une fois que l’on s’est dit oui, c’est comme dans n’importe quel projet à deux, il faut savoir trouver un second souffle pour aller au bout. Mais surtout il faut arriver à mélanger les attentes de chacun, les imaginaires et les rêves, pour en faire un projet unique et partagé que les deux doivent pouvoir s’approprier. Le projet doit devenir une évidence absolue, parce-que les obstacles sont nombreux, au premier rang desquels la raison qui devrait nous arrêter ou sérieusement nous ralentir. Coup de chance ou du sort, j’en suis complètement dépourvu, ce qui avec Jean-Luc fait une moyenne honorable… Non, sérieusement, la raison n’a pas sa place quand la passion et l’envie lui font face.
Des vrais obstacles, pourtant, il peut en surgir à tout moment comme une pension alimentaire dont la renégociation à la hausse certaine, généreusement accordée par la justice semble nous priver de notre Graal quelques secondes avant que ne s’impose comme une chose naturelle que quoi qu’il arrive ou presque un soir de fin septembre 2014, nous nous coucherons avec ce picotement dans la poitrine, ces étoiles dans les yeux et l’estomac. Peut-être n’arriverons nous, ni à manger ni à dormir, mais qu’importe, ce sera peu en comparaison de tous ces moments d’excitation et de rêves éveillés que cela nous aura fait vivre pendant toute une année. Et encore, cela n’est rien à coté de pouvoir enfin confronter nos visions à la réalité et qui sait découvrir une réalité encore plus forte que nos rêves les plus fous...
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