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ULMiste n°1 Forum

Article paru dans ULMiste n°1, mai 2010

 

Un peu de soleil dans l’eau froide

 

Hécatombe dans les aérodromes. Les pistes ferment, les chaussettes sont en berne. Déjà les vautours bétonneurs volent en rond au dessus des terrains. Des promoteurs ? Pas pro-moteurs d’avions en tous cas.

 

Des hélices, hélas.

 

Longuyon-Villette : une piste en herbe de 900 mètres, un aéroclub qui fête ses cinquante ans et surtout un espace aérien dégagé au dessus du site. Le rêve, quoi !

2008. Un vent de désolation souffle sur l’aérodrome. La menace se précise. Pour être dans l’air du temps, la municipalité a décidé d’installer des éoliennes.

Les plans circulent. Pas dans le cône de sécurité, les hélices munies-d-six-pales, non !

Dans l’axe de la piste, et même, quand on regarde bien, presque dessus.

Déjà frappé d’un NOTAM à cause de la proximité d’un bois, le terrain n’est plus autorisé qu’aux pilotes basés. Avec les pylônes, on pourra peut être encore faire de l’aéromodélisme. 50 ans, c’est trop jeune pour disparaître, même pour une piste en herbe.

 

La campagne des municipales. Elle se déroule sans bruit. Seuls les fous volants suivent avec inquiétude les rumeurs de pas de porte. Les zaviateurs et les zulmistes ont l’oreille basse. L’ombre des géants à trois bras est déjà sur la piste.

Dernier sursaut : un pilote du club, irréductible Gaulois, investit le club-house pour une grève de la fin et de la faim. La presse locale et régionale profite de l’événement pour remplir ses colonnes. Les élus se déplacent. Ca remue ménage un peu dans notre paisible campagne. Et, sans pouvoir dire que cette action ait modifié le cours des choses, mais quand même peut être un peu..... la commune change de majorité.

Le nouveau maire est moins enthousiaste pour les moulins à vent. Même que la nouvelle majorité enterre le projet. Le terrain est sauvé. Sauvé... sauvé... vite dit !

Boudiou d’boudiou ! Le NOTAM ! Ce foutu machin qui nous met en quarantaine. Un mot qui fait peur, la quarantaine, dans nos communes agricoles.

T’es pas cap. Quoi ? tu vas voir si je suis pas cap !

L’équipe communale, la direction de l’aviation civile, l’office national des forêts, le comité du club, enfin, un peu tout le monde, se tourne vers ce bois gênant. (N.B. ce n’est PAS celui de Gédéon). On regarde les cartes d’état major. On trace en rouge, en vert. Faudrait que... et si on... Pas simple. Quand une administration est contente, l’autre ronchonne.

 

Décision historique : tout le monde se met d’accord pour dégager une petite bande de forêt et revoir légèrement le tracé du terrain.

 

Quand ça fait plaisir de casser du bois sur une piste.

Noël 2009 : avec quelques jours d’avance, le bûcherons étaient là. La piste va être dans les clous (450 kgs, sans parachute, euuh non, c’est pas ces clous-là). Cette fois, c’est la météo qui n’est pas d’accord. Mais le bois tombe, les tronçonneuses ronronnent.

Aujourd’hui la forêt a reculé de quelques mètres. Les travaux sont arrêtés, pour la paix du gibier. L’automne verra la fin du chantier. Une petite société qui vend des pendulaires a installé un hangar. D’autres projets sont en préparation. L’optimisme est revenu et les machines volent sans soucis.

 

Jacky

 

 

Le plus lourd que l’air doit rester léger !

 

Nota, l’auteur de ces lignes lutte de longue date contre sa propre surcharge pondérale ; le présent article ne se prévaut donc pas d’une impartialité absolue !

Un “plus lourd que l’air” quittera le sol d’autant plus aisément qu’il est léger, doté d’une bonne surface alaire, et efficacement motorisé. Périodiquement, des concepteurs avisés nous font redécouvrir les vertus  de la sveltesse, en matière de conception aéronautique :

- Années 60, un Pouplume se contentait de 8 CV pour voler (110 kg à vide pour 16m²).

- Années 70, le Cricri de Colomban virevoltait avec ses deux moteurs 2 temps en “moustaches” (65 kg à vide pour un peu plus de 3m²).

- Années 80, le DC1 (pour Delemontez et Cauchy), extrapolé du Bébé Jodel étonnait pour son aisance avec ses 218 kg à vide pour un peu plus de 9 m² ; il évoluera en Jodel D18.

- Années 80, les pendulaires biplaces pesaient moins de 160 kg à vide pour 14 à 20 m² de surface alaire ; ils décollaient et se posaient court, et leur pente de montée était accentuée par leur faible vitesse.

- Années 90, avec moins de 250 kg à vide, les MCR biplaces économisent presque le poids du passager par rapport à certains autres avions composites rapides.

Tous, non carénés ou très fins, décollent plus court, montent plus vite, croisent avec moins de puissance que leurs homologues ventripotents… Leurs concepteurs ne jugent pas utile l’augmentation de la masse maximum des ULM biplaces revendiquées par certains confrères.

Leurs avions étudiés avec soin s’alourdissent cependant durant leur vie, à coups de pseudos améliorations. Pire, certains exemplaires “exécutés” par des constructeurs amateurs subissent une grosse surcharge pondérale ! Pour peu que le pilote-constructeur soit aussi bedonnant que votre serviteur, la gracieuse libellule devient alors un engin asthmatique à force de surpoids… Le génie créatif consiste-t-il, pour se mouvoir dans l’azur, à aller vers le toujours plus lourd ?

 

Pour voler avec grâce, volons donc léger ! Voler consiste à :

- Emmener en l’air un équipage plus ou moins volumineux, plus ou moins léger pour le plaisir (notre aviation légère n’est pas un moyen de transport !), et le ramener intact ; un surcroît de masse de l’équipage aggrave les contraintes structurelles, et la consommation énergétique… qui alourdiront encore la masse de l’ensemble.

- Utiliser un engin volant comprenant au minimum une aile et l’équipage, plus l’atterrisseur, et le groupe moto propulseur.

Les contraintes :

- Vol de plaisance, la surface de l’aile est plus importante que la puissance du moteur ; dans les années 80, le Rotax 447 et ses 41 cv tractaient correctement de nombreux pendulaires biplaces coiffés d’une aile de 18 m², emportant parfois, dans mon sancerrois natal,  de quintalesques vignerons !

- Décollage depuis un environnement hostile, le décollage court impose à la fois une puissance et une portance élevées ; toujours dans les années 80, les 50 cv du Rotax 503 étaient souverains dès lors qu’il s’agissait de décoller court et d’emmener des charges élevées.

- Vols locaux, l’autonomie est secondaire, et les instruments de navigation sophistiqués et lourds sont inutiles. Les 25 l d’essence des pendulaires biplaces des années 80 peuvent convenir (qui suffisaient alors au Rotax 503 !)

- Vols à partir d’un espace aérien contrôlé, le respect des règles de la circulation aérienne peut imposer au contraire des équipements lourds et coûteux !

 

Alors, sus aux gros ? Pitié ! Déjà, il y a 80 ans, ce maigrichon d’Henri Mignet, malgré son appellation de Saint Patron, tançait ainsi les grands et les gras : “Vous êtes trop grand ? Pliez-vous ! Trop gros ? Purgez-vous!”. Colomban, fluet de gabarit lui aussi, dessine ses machines autour des ses dimensions rikikis… Peut être est-ce pour eux un juste retour, de narguer ceux que la nature a doté de proportions généreuses !

 

Moralité, limitez votre masse corporelle, c’est mieux pour votre santé, et votre fier destrier n’en sera que plus performant… mais vous avez encore plus à gagner sur la masse dudit destrier, son équipement, et le carburant…

 

Parole d’enrobé !

 

Jean-Marie Balland

Cynique rarement, cynoque parfois, bouffon souvent, bouffi tout le temps.

 

 

Amnésie et gueule de bois

 

La mémoire collective est soluble dans le temps, on le sait bien, mais cela ne cesse d’être navrant. Les hommes réitèrent les erreurs du passé, ou ne tiennent pas compte des bonnes expériences, avec une velléité qui pourrait faire rire si l’on n’avait pas subi mille guerres ou détruit la moitié de l’écosystème terrestre, par amnésie ou bêtises successives, dans la joie et la bonne humeur…

Il en va de même dans nos activités communes, l’aviation populaire,  sportive ou Ultra légère. Dans certains cas nous refaisons les mêmes erreurs, dans d’autres nous stagnons, droits dans nos bottes et imbus de certitudes ou, pire encore, nous réinventons la poudre en moins bien... Tel Mr Perec, je me souviens que jeune pilote passionné d’aviation n’ayant pas les moyens de voler en Jodel, je m’étais acheté un ULM pendulaire que je trimballais fièrement dans les aéroclubs avion pour leur montrer le renouveau de leur activité, pensant que nous pratiquions la même... Ces seigneurs - pas tous mais un grand nombre - nous dénigraient allègrement, nous prenant pour des rigolos, alors que nous volions vraiment, de vols dans la baston en atterrissages hors terrain, et qu’ils ne faisaient qu’en discuter, bien au chaud, accoudés au bar des Aigles. Ils ont laissé passer leur chance de regonfler leurs effectifs qui n’ont cessé de diminuer depuis, passés, ironie du sort, à l’ULM… Je me souviens des pilotes planeurs qui ne voulaient pas non plus entendre parler de Moto planeurs ULM. Ils sont restés puristes, certes, entre eux, mais avec de moins en moins de membres…Je me souviens des Deltistes qui ne voulaient pas entendre parler des motorisations auxiliaires delta comme outil de formation et de découverte facile et accessible, beurk, ça pue, jamais ça… L’activité Delta est pratiquement morte aujourd’hui. Je me souviens que les parapentistes trouvaient que les Delta étaient trop lourds à porter gentiment de la voiture au décollage. Aujourd’hui, les Paramotoristes se massacrent les vertèbres en courant avec 35 kg sur les épaules, et les chariots Paramoteur peuvent peser 150 kg et nécessiter une remorque voiture…Ce n’est surement pas l’avenir, respectivement, des disques lombaires et des jeunes pilotes peu fortunés ...

Je constate enfin que les mouvements de vol des biplaces ULM en aéroclub sont effectués à 70 %, minimum, avec un seul pilote à bord, sur des machines capables de traverser l’Europe alors qu’elles ne volent qu’en local, en consommant 15 litres/h, et pour un prix d’achat correspondant, pour beaucoup d’entre elles, à 5 années de SMIC…Ce n’est pas avec ces machines que nous attirerons la jeunesse, ou si peu, ou en réalité virtuelle…

L’acte d’achat des avions est souvent vécu de manière irrationnelle par les pilotes, de par l’importante implication personnelle nécessaire au fait de voler. Mais quand même ! Si nous pouvions être insouciants pendant les trente glorieuses, il faut, en 2010, se rendre à l’évidence, nous aurons de moins en moins d’espaces, sol et air, ainsi que de pétrole dans les années à venir. Si nous continuons notre course effrénée à l’armement en termes de puissance moteur, de vitesse de vol et d’équipements de tableau de bord, il y a fortes chances qu’elle ne fasse pas long feu. Nous parlons d’aviation populaire et sportive, pour le plaisir, pas d’aviation de guerre, commerciale ou de plaisance ! Ne suivons pas l’exemple de la Marine, avec ses marinas sans marins.

C’est pourquoi, frères de vol ULMistes, il est temps de nous remettre en question quant à l’aviation dont nous avons vraiment besoin dans les années à venir et, si nous posons objectivement notre cahier des charges, nous rendre compte qu’elle passe par le renouveau des machines vraiment ultra légères, forcément Monoplace, au moins dans leur grande majorité. C’est vous qui influencerez le marché, c’est plus difficilement l’inverse, et il ne se construira que ce qui se vendra… Il s’agit donc de demander aux constructeurs de créer des machines pertinentes et valorisantes, qui répondent à ces nouvelles demandes. Je n’ose rappeler que nous travaillons depuis 10 ans sur ce sujet, et que nos machines revendiquent ces nouveaux comportements. Un plaisir disponible, donc, dès aujourd’hui.

Ensuite, il s’agira de redécouvrir le vol partage, à plusieurs monoplaces, pour des vols plaisir dont on oublie aujourd’hui l’intensité sous nos monstres ultra lourds pilotés en solitaire. Reliés en radio, nous volons en bi, quadri, penta, déca «places»…Nous posons en campagne (170 kg atterrissant à 50 km/h n’ayant rien à voir avec 250 kg à 70 km/h, c’est 3.5 fois moins d’énergie à dissiper à l’impact), nous savourons le paysage, retrouvons un pilotage sensitif, consommons peu, replions facilement si nécessaire et, tout compte fait, vivons des vols bien plus intenses, dans une économie de moyens à faire pâlir les marchands du temple et les émirs du Koweït, une fois n’est pas coutume. Le Paramoteur a montré la voie de cette philosophie (ancienne !), il s’agit juste de l’appliquer, de nouveau, à un domaine de vol plus performant, celui du pendulaire et du 3 axes.

Bien sûr, on ne vole pas par des vents de 50 km/h rafaleux et on ne traverse pas la France d’une traite comme une balle, mais qui le fait vraiment ? Il existe d’autres machines, plus lourdes, faites pour cela, et elles sont bien à leur place pour ce type de vols, au demeurant formidables à vivre avec une bonne machine. On peut aussi louer les appareils du club ou en posséder un à plusieurs pour voler vraiment loin en biplace, on pourra compter les jours exacts d’utilisation…

Ainsi, revenu à une aviation à taille humaine, pérenne car en phase avec son époque, nous éviterons la gueule de bois qui nous guette, lorsque les brumes des mirages de la croissance exponentielle, infinie et éternelle, se seront prochainement totalement dissipées.

 

Bons vols à tous.

 

Gérard Lesieux

 

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