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Deux-temps à injection directe

Article paru dans ULMiste n°2, août 2010

 

Oxydoréduction verte... nos moteurs de demain !

 

 

Dans ULMiste n°1, nous avons expliqué en quoi la propulsion électrique n’était certainement pas, selon nous, la meilleure voie à suivre dans l’état actuel de la science. Ni en matière d’écologie, ni, au moins aussi peu, sur le plan pratique, pour des aéronefs ayant besoin d’un moteur en permanence. Pas tant que nous n’en sommes qu’au stade de la recherche, qui dure tout de même depuis 150 ans. Dans la logique de la limitation des nuisances, contre laquelle personne ne peut s’élever parce qu’il en va avant tout du portefeuille et comme annoncé, ULMiste présente ici des solutions d’autant plus viables qu’elles existent et font leurs preuves !

 

Pierre-Jean le Camus

 

Moteur à combustion !

 

Oui, l’avenir, selon nous, passe par nos “bêtes” moteurs à combustion, que d’aucuns nomment improprement à “explosion”. Mais pas n’importe lesquels, les deux-temps à injection directe ! Avant de quitter promptement la salle en haussant les épaules, lis donc la suite. Tu verras que ce n’est pas si absurde qu’il n’y paraît au premier abord.

Le principe est connu dès les années 1940, mais il fallut attendre le début des années 90 et l’optimisation de l’électronique pour rendre le système totalement viable. La société australienne Orbital a ouvert la voie, depuis suivie par un grand nombre de motoristes de renom (tu vas voir). Le principe est fort simple. Prenons un deux-temps classique, à carburateurs et même à injection indirecte tels les Hirth. L’alimentation en carburant arrive au cycle de la détente via des transferts situés en bas du cylindre, afin de lubrifier le bas moteur. Le mélange air-essence-huile remonte, est compressé, la bougie s’active, brûle, produit l’action motrice. Il en résulte qu’une part non négligeable du mélange est imbrûlée : une partie fout le camp directement à l’échappement, un bout s’en va nécessairement dans le bas moteur pour lubrifier les roulements et ce qui reste brûle enfin, huile comprise… il y a donc déperdition de ressources, pollution atmosphérique, consommation accrue par rapport à un quatre-temps de même rendement, encrassement, vieillissement prématuré des pièces en mouvement, bref toutes sortes d’inconvénients que les détracteurs du deux-temps conventionnel se feront un plaisir de te lister.

 

Avec l’injection directe, plus rien de tout cela. Le moteur, dans son principe, reste le même, avec son cycle à deux-temps. Sauf, que l’huile est directement injectée dans le bas moteur dont les flux d’air sont gérés par un mini compresseur. L’air est ensuite renvoyé vers la chambre de combustion et l’essence, elle, est directement injectée à haute pression par la culasse, à la compression, juste avant l’étincelle ! Le tout étant géré par l’électronique, seules les quantités exactement nécessaires et suffisantes de mélange air-essence et d’huile sont consommées à la source… comme à la sortie, puisqu’il n’y a aucun imbrûlé, si tu as bien suivi ! On obtient donc un moteur qui tourne en permanence à l’optimum, qui ne s’encrasse plus, qui pollue beaucoup moins et consomme… à peu près autant qu’un quatre-temps de même rendement !

 

Ah ben voilà, alors pourquoi pas le quatre-temps ?

 

Le quatre-temps, en effet, a fait ses preuves en matière de fiabilité, consommation, potentiel, etc. Toutefois, selon que l’on se place pragmatiquement du côté du portefeuille ou, pour être à la mode, du “respect des environs”, le calcul est vite fait : d’abord, le quatre-temps, comme son nom l’indique, ne produit qu’un temps moteur pour trois temps improductifs. Le deux-temps, lui, tu vois bien, offre un temps moteur sur deux. Ensuite, avec ses arbres à cames, soupapes et autres ressorts, le quatre-temps consomme beaucoup plus de sa propre énergie pour fonctionner et, par ailleurs, ces supplémentaires pièces en mouvement, il faut bien les fabriquer, les acheter, les entretenir, les changer… pas moins de 195 pièces en moins qu’un 4 temps de rendement équivalent selon Evinrude. Le deux-temps est des plus simples. Des carters, un cylindre, un piston, un vilebrequin, l’échappement et autres moyens d’alimentation et d’allumage étant communs aux deux. Ainsi, en plus d’être plus efficace et moins cher à produire (donc à acheter), le deux-temps est également plus léger, à puissance égale ! En aviation et plus encore en ULM, ce n’est pas négligeable.

 

Avec cette solution du deux-temps à injection directe, nous obtenons l’impossible mariage des deux : la fiabilité et la faible consommation du quatre-temps, mais en plus léger, plus économique à produire, moins polluant quoi qu’il en soit (si si, tu vas voir), moins cher à l’achat et à l’entretient.

 

Les détracteurs du deux-temps, qui ne manquent pas d’arguments théoriquement fondés et qui reposent essentiellement sur la fiabilité, se trouvent ainsi devant un fait accompli : le deux-temps aussi fiable et économique, sinon plus, que le quatre-temps ! Parce que, comme annoncé, nous ne sommes pas en train d’élucubrer sur une table à dessin comme par exemple le fait l’électrique. Nous causons de quelque chose qui existe et répond à nos besoins ! Depuis une grosse dizaine d’années, un grand nombre de scooters de 50 cm3 à moteur deux-temps qui circulent dans le monde utilisent cette technologie, pour le plus grand bonheur de leurs boutonneux utilisateurs : Piaggio, Peugeot, Aprilia, Kymco, etc. “Oui, mais - dis-tu avec raison - rien à voir entre un 50 cm3 et nos moteurs de 500 cm3 !” Certes, mais si on te dit que les motoneiges et autres scooters des mers, notamment du groupe BRP (mais pas seulement), tournent de plus en plus avec ces deux-temps à injection directe, blocs de 800 cm3 donnant plus de 150 cv pour une masse de 60 kg, es-tu toujours sceptique ? Pour rappel, BRP, c’est le groupe auquel appartient Rotax. C’est donc bien de nos moteurs qu’on cause, gamme E-TEC ! Mais aussi Yamaha, Mercury Marine, et d’autres motoristes de BRP : Evinrude et Jonhson. La cartographie est confiée à Ducati et le système est développé par Synerject, association entre Orbital et Continental (Siemens VDO) implantée à Toulouse ! Si on ajoute que Peugeot a imaginé équiper ses automobiles (les vraies !) de ces moteurs, mais a dû renoncer sous la pression des services marketing qui sont convaincus de ne pas pouvoir vendre du “deux-temps”, ça t’interpelle, ou bien ? Parce que oui, les millions de kilomètres parcourus par ces moteurs depuis des années attestent du fait que ce sont probablement à l’heure actuelle, les moteurs à combustion les plus fiables qui n’aient jamais existé ! Ne reste plus qu’à convaincre… petite précision, ULMiste n’a aucune action chez BRP ni ailleurs et attend plutôt que d’autres s’y mettent, tel Hirth, qui réserve pour l’instant l’injection directe aux drones.

 

Mais c’est de l’électronique !

 

En effet. Et l’électronique tombe en panne, c’est bien connu : cela nous empêche-t-il de l’utiliser ? Certes pas, sans quoi, dans notre époque moderne, nous serions condamnés à vivre en marginaux. Tiens, ton GPS, ne serait-il pas un peu électronique, des fois ? Et l’allumage de ton moteur actuel ? Et ton tableau de bord ? Et ton auto, etc. ?

Cet argument, fondé sur le fond, semble ne pas tenir face à la réalité. D’une intense fréquentation par clavier d’utilisateurs canadiens de ces moteurs, soumis à rude épreuve tout l’hiver (qui dure là-bas toute l’année sauf un jour, comme dit la blague), il ressort que ceux qui ont opté pour ces moteurs ne veulent plus entendre parler d’autre chose, tabernac, même pas du quatre-temps !

 

Et sur nos avions, c’est pour quand ?

 

Nous avons bien évidemment, par souci de t’offrir une information complète, posé la question ! Réponse en français, on est dans la Belle Province : “en ce qui a trait à votre question, vous comprendrez qu’on ne peut dévoiler les projets sur lesquels nous travaillons. Ce qui signifie que je ne peux répondre à vos questions”, nous dit Johanne Denault, du service communication de l’entreprise BRP. Faut-il être tordu pour comprendre que la réponse est qu’en effet c’est pour un jour, voire bientôt ? Peut-on croire que Rotax cesse la production des deux-temps à carburateurs (447 en 2008, 503 en 2009 et peut-être 582 prochainement), sans réfléchir à une solution de remplacement ? Certes, avec nos quelques dizaines de milliers de moteurs ULM vendus en 25 ans (par exemple 30 000 R 912 en comptant ceux destinés aux drones), nous ne pesons pas lourd face aux 120 000 propulseurs que Rotax produit chaque année. Mais il faut savoir que les moteurs “aéronautiques” constituent pour cette honorable maison une vitrine “technologique” qu’elle ne laissera pas tomber de si tôt. Pour vendre des moteurs à BMW (deux roues), rappeler qu’on fait aussi des moteurs d’avions est un argument de poids en matière de crédibilité. A juste titre ou pas, car l’argument inverse tient aussi, confier la propulsion de nos ULM à un motoriste qui équipe 120 000 véhicules terrestres et aquatiques par an est, pour nous, un gage de sérieux. Il est vrai que la demande des constructeurs d’ULM, donc de leurs clients, quasi exclusivement tournée vers le 912 (S !), n’encourage pas forcément à explorer une nouvelle voie. Mais, finalement, quelle est-elle, cette demande ? Un quatre-temps à plat de 100 cv, ou un moteur fiable de 100 cv ? C’est la réponse à cette question qui détermine tout.

 

Pour aller encore plus loin, nous avons cherché, puis trouvé une piste. Le 7 avril 2005, Bombardier Produits Récréatifs (BRP) reçoit le Clean Air Excellence Award de la Environmental Protection Agency des États-Unis (si si, ça existe…), pour son moteur hors-bord Evinrude E-TEC, qui remporte cette compétition face à des quatre-temps à injection. A cette occasion, José Boisjoli, du directoire de BRP, a déclaré : “en tant que fabricant de produits récréatifs, BRP s’engage à développer les meilleures technologies écologiques de l’industrie qui pourront servir dans d’autres secteurs d’activités. Moto, auto, aviation légère, etc.” C’est dit !

 

Ah, ce serait écolo, en plus ?

 

Bon, entendons-nous, en attendant qu’une définition claire et définitive vienne nous éclairer. Si on réfléchit un peu, le vrai écolo, c’est l’homme des cavernes avant la découverte du feu et de l’agriculture, qui ne vit que de chasse à mains nues et de cueillette, et même, délirons, ne respire plus et retient ses pets (compliqué, vu qu’il bouffe cru)… En attendant d’être éventuellement contraints d’en arriver là, on peut tomber d’accord sur le fait que la limitation des nuisances, à défaut d’être vraiment écolo, est au moins une bonne chose pour le portefeuille et participe malgré tout à “la préservation des environs”. En tout état de fait, selon l’idéologie écologiste aux dogmes obscurs, il est établi, puisqu’elle l’admet et décerne son label, que le deux-temps à injection directe présente une “facture écologique” inférieure à toute alternative : moins de matière première à extraire et moins d’énergie dépensée pour le produire, très faibles rejets de CO2, fiabilité virtuellement illimitée à part quelques pièces d’usure tels que segments et roulements puisque le moteur ne s’encrasse plus et ne se dérègle pas, pas d’huile de vidange ni de filtre qui se baladent dans la nature… recyclage très aisé : uniquement des métaux connus et un chouilla de circuits imprimés.

Oui, mais il faut bien mettre de l’essence dedans, non ?

 

À voir… un carburant, en tous les cas, oui. En cette matière, l’énergie fossile n’est pas la seule solution. Nous n’aborderons pas la question de la raréfaction des ressources de pétrole, sujet tant controversé qu’il est difficile de se faire une opinion arrêtée, à moins de décider de croire les uns ou les autres sans discernement. En tout état de fait, le Brésil démontre depuis 30 ans que les énergies d’origine végétale fonctionnent fort bien, moyennant des plastiques et autres caoutchoucs adaptés : l’éthanol est sa principale source d’énergie motrice pour les moteurs à combustion. Et ça fonctionne même sur les avions. Neiva, filiale de Embraer, donc pas tout à fait des nains, propulsent leurs avions épandeurs Ipanema, dont plus de 1100 exemplaires volent, à l’éthanol depuis des années, au plus grand bonheur de leurs pilotes. Le Lycoming IO-540 de 320 cv gagne 7% de puissance ! Certes, ça consomme 20 à 30 % de plus qu’en essence d’origine pétrolière, mais vu que l’éthanol coûte trois fois moins cher, le calcul est très vite fait ! Et, pour le coup, ça pollue beaucoup moins, oui ! Ce truc-là, sur un deux-temps à injection directe, ne rejetterait que du CO2 et un tout petit peu de l’huile qui remonte dans la chambre de combustion… lequel CO2 retourne à l’envoyeur ! La plante de laquelle est tiré cet éthanol a capté le CO2 de l’atmosphère, le moteur l’y rejette. L’année suivante, la plante reprend ce carbone, le moteur joue au ping-pong… on est en circuit fermé, comme avec nos poumons. Tandis qu’avec l’essence de pétrole, on rejette dans l’air du carbone qui était enfermé depuis des millions d’années sous terre et dont on peut imaginer qu’il savait ce qu’il y faisait… on est donc plus “écolo”. Certes, il faut les faire pousser, ces végétaux, au détriment, paraît-il, des ressources alimentaires. Soit. L’Europe surproduit et, à ce qu’on sache, n’envoie pas les surplus chez ceux qui ont faim. Hélas. On oblige même nos agriculteurs à entretenir des jachères, après qu’on se soit aperçu que si on les laissait à l’état sauvage elles redéposaient dans les sous-sols les polluants pesticides et autres engrais y déposés depuis des années. Il faut donc y mettre des plantes pour capter ces saletés. Aussi…

 

…prenons-nous à rêver !

 

L’éthanol peut être tiré de diverses plantes : blé, betterave sucrière, canne à sucre… hormis la canne à sucre qui ne pousse pas chez nous, le meilleur rendement est obtenu de la betterave, entre 6700 litres et 7500 litres par hectare. Le procédé est relativement simple et maîtrisé depuis des siècles. Très schématiquement et toujours en mode second degré (quoique), on fait fermenter et on passe à l’alambic, comme pour la gnôle. Sauf qu’ici, on jette dans le réservoir de nos jouets.

Imaginons que chaque terrain ULM s’arrange avec ses agricoles voisins pour entretenir les jachères à la betterave… De la même façon que le club s’organise pour, à tour de rôle, tondre la piste, laver les flûtes à champagne ou balayer le hangar, les ULMistes se convertiraient à tour de rôle en agriculteurs. Cette betterave se plante en avril et se récolte à l’automne. Un alambic au fond du hangar et vu qu’on est mauvais, disons que le rendement est au plus bas, 6700 litres pour un hectare. En consommant 15 l/h, on fait voler 9 machines 50 heures dans l’année, avec un hectare ! En prime, on produit du sucre pour le café des lendemains difficiles (bah oui, quand t’as un alambic à disposition, mon œil, tu vas bien y jeter de la prune de temps en temps l’air de rien, ou pas ?)… Cerise dans la goutte, l’alambic est chauffé par la combustion des déchets végétaux de la betterave ! Voilà qui fait rêver, ou pas ? Bon, on est en plein délire, les lois ne sont pas prêtes de s’adapter à cela, mais il paraît que la démocratie, c’est quand le peuple décide…

En tous les cas, les brésiliens, eux, ont “choisi”. Entre guillemets, car en réalité c’est la dictature militaire qui a imposé ce système. Et chez eux, les exploitations agricoles brûlent les déchets pour chauffer les alambics, le surplus d’énergie électrique étant revendu à l’Etat, en prime ! Alors bon, on détruit une infime partie de l’Amazonie… mais remplacer de la végétation par de la végétation n’est-il pas un moindre mal ? La France, pendant des milliers d’années, était aussi recouverte de forêts, à tel point que Jules César la nommait “Gallia comata”, Gaule chevelue. Avons-nous crevé de la déforestation ? Pas moi en tous cas, ça va bien, merci et comme nous tous, mon espérance de vie ne fait qu’augmenter.

 

Bon, on n’est toujours pas 100 % écolo, car pour obtenir de tels rendements il faut beaucoup d’eau et de la chimie en pagaille, mais au moins, comme dit J-C (celui de ULMiste), on règle les problèmes globaux au niveau local. Tandis que la tendance actuelle est exactement inverse : régler les problèmes locaux au niveau global. Ainsi en est-il de l’électrique, auquel, décidemment, ULMiste ne croit pas encore, sauf sur les ULM planeurs. C’est bien beau de faire moins de bruit et de ne pas rejeter de CO2 dans sa petite vallée à soi, mais à quel prix pour les autres ? (Voir ULMiste n°1).

 

Soyons sérieux

 

Les deux-temps et, bientôt, les quatre temps à carburateurs sont appelés à disparaître, comme ils l’ont d’ores et déjà fait dans d’autres domaines tels le motonautisme et progressivement le deux-roues (norme Euro 3, la 6 arrive). Il faut donc une alternative. Puisque l’électrique n’en est pas une, en tous cas pas viable à moyen voire à long terme, optons pour le deux-temps à injection directe ! 30% plus léger, au moins 30% moins cher que le quatre-temps à puissance égale, pas de vidange, possibilité de faire tourner cela avec d’autres carburants que l’essence de pétrole (Orbital l’affirme). Moteurs qui ont fait leurs preuves, une fiabilité avérée par des années d’expérience et surtout, une courbe de puissance autrement plus amusante que les patauds quatre-temps. Tous les utilisateurs de deux-temps le savent : quand tu mets la poignée au tableau de bord, le “coup de pied au cul”, c’est là tout de suite qu’il vient, pas au bout de la piste !

 

ULMiste fait le pari que c’est vers là que nous allons. Et très vite ! Bon, pour le côté “on va jouer de l’alambic au fond du hangar”, on est bien d’accord que c’était en mode déconnade (dommage) !

Quoi qu’il en soit et comme pour l’électrique, nous nous inclinerons devant les faits, s’ils nous démentent…

 

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