top of page

Les troubles de la visibilité...

Article paru dans ULMiste n°3, octobre 2010

 

Les troubles de la visibilité 

Arnaud Campredon                                                

 

Je n’écris pas ces lignes pour vous dissuader de la pratique de l’ULM, bien au contraire (d’ailleurs, le Rédac en Chef ne serait pas d’accord). Je souhaite juste vous expliquer les pièges de l’atmosphère. C’est surtout pour vous éviter de vous retrouver dans des situations délicates. En plus, je ne voudrais pas voir votre nom ou la photo de votre aéronef accidenté dans les pages « faits divers » du canard local. Rassurez vous cependant, on va faire simple aujourd’hui. Effectivement, toute la philosophie de l’article se résume à la phrase suivante : la météo, c’est ce que le pilote voit devant lui. Si l’horizon est bouché, il ne part pas ou fait demi-tour. Tout simplement.

 

Dans les basses couches, c’est-à-dire au voisinage du sol, les brumes, brouillards et bancs de stratus représentent les causes principales des troubles de la visibilité. On peut les considérer comme des nuages au contact du sol. Donc, rien à voir avec la buée sur les lunettes ou dans le pare-brise.

 

La brume est un aérosol, ou encore ue suspension dans l’atmosphère de gouttelettes d’eau microscopiques. La visibilité horizontale est comprise entre 1 et 5km. Le symbole de la brume sur les cartes de prévision est de deux traits horizontaux. Pour le brouillard, la visibilité devient inférieure à 1km.  Le symbole du brouillard sur les cartes de prévision est de trois traits horizontaux. Ces hydrométéores peuvent se former par un refroidissement de l’air au contact du sol, par un accroissement de son humidité ou encore par les deux à la fois.

 

Les brumes, brouillards et nuages bas persistent surtout en automne et en hiver, quand l’air froid et humide se charge d’humidité aux abords des cours d’eau, principalement dans le fond des plaines et vallées. La plaine de Saône, par exemple, est un secteur favorable à la stagnation des formations brumeuses hivernales. Par contre, au printemps et en été, ces grisailles se dissipent beaucoup plus rapidement. Grâce à la chaleur issue du sol, les gouttelettes d’eau en suspension peuvent s’évaporer plus vite.

 

Les causes et formation :

 

Le rayonnement : pendant la nuit, le ciel étoilé favorise le rayonnement dans l’infrarouge. La Terre se refroidit, car en l’absence de couverture nuageuse, toutes les calories peuvent s’échapper vers l’espace (figure 1). Si le refroidissement est suffisant, c’est-à-dire quand la température de l’air ambiant s’abaisse jusqu’à la température du point de rosée, l’humidité relative atteint 100 % et  la vapeur d’eau se condense en fines gouttelettes. En l’absence de vent, la condensation se dépose au niveau du sol, sous forme de rosée ou de gelée blanche. Un vent faible, entre 5 et 10 km/h, engendre une petite agitation dans les basses couches. Le mélange qui s’opère favorise la condensation sur toute l’épaisseur de la couche brassée. Et c’est ainsi que se forment les brumes ou  brouillards au contact du sol (figure 2). L’air froid qui s’écoule par gravité le long des pentes est à l’origine des brises de pentes descendantes. En hiver ou en automne, par temps froid et calme, ces brouillards peuvent persister toute la journée. Si l’augmentation de la température est suffisante, le brouillard se lève un peu et se transforme en stratus bas (figure 3). Si l’épaisseur de la couche nuageuse est supérieure à 300 mètres (1000 pieds) on peut estimer que celle-ci n’évoluera pas au fil de la journée. Avec plus de chance et surtout une température plus élevée le stratus se désagrège, laissant place à un ciel bleu immaculé (figure 4). Dans tous les cas, il faudra éviter de décoller juste après la dissipation du brouillard, au risque que celui-ci se reforme derrière le pilote. Les situations favorables à la persistance de ces grisailles sont des conditions anticycloniques, avec peu de vent. Le flux de nord à nord-est ramène alors sur la France de l’air froid et chargé d’humidité (figure 5).

Figure 1 : En début de nuit, le ciel étoilé favorise le rayonnement dans le canal infra-rouge et la baisse de la température sol.

Figure 2 : Quand la baisse de température est suffisante et que l’humidité relative atteint 100%, le brouillard se forme.

Figure 3 : En journée, en hiver principalement, si l’augmentation de température sol n’est pas suffisante, le brouillard évolue en stratus. Si son épaisseur dépasse 300 m, il persiste en général  toute la journée.

Figure 4 : par contre, si l’augmentation de température sol est suffisante, le brouillard se désagrège.

Figure 5 : Situation météorologique favorable à la persistance des brouillards et nuages bas.

En montagne, par contre, au-dessus de ces grisailles, on profite de conditions agréables, plus douces et bien ensoleillées (figure6). Ces situations de mer de nuages sont bien connues et appréciées des alpinistes.

Figure 6 : mer de nuage, gris en plaine, beaux vols en montagne.

Les brouillards d’humidification : les brouillards peuvent aussi se former  par l’humification  des basses couches de l’atmosphère, suite à des pluies abondantes notamment. Au début du printemps, le scénario classique se résume à un décollage en fin d’après-midi, suite à de bonnes giboulées (figure 7). Ces pluies vont accroître l’humidité dans les basses couches. Une petite baisse de température par rayonnement associée à cette humidification, favorise les formations brumeuses (figure 8). Avec la pénombre qui grandit, la baisse de visibilité peut compromettre sérieusement l’atterrissage (1) (figure 9).

Figure 7 : Averse en fin d’après-midi, humidification des basses couches.

Figure 8 : refroidissement par rayonnement.

Figure 9 : formation de brouillard à la tombée de la nuit.

L’évaporation permet aussi l’humidification des basses couches de l’atmosphère. Lorsque de l’air froid stagne sur une surface plus chaude et humide (rivière, lac, marrais, mer) l’eau qui s’évapore vient humidifier la masse d’air. C’est pour cette raison que les brouillards sont toujours plus tenaces dans les fonds de vallées, près des cours d’eau (Val de Saône notamment). Sur une échelle plus grande, on observe le même phénomène. Quand de l’air froid passe sur la mer plus chaude, il se charge d’humidité. Si les conditions anticycloniques persistent, elles agissent comme un couvercle et limitent l’humidification aux basses couches de l’atmosphère. Au-dessus, ça reste tout bleu. Ensuite, quand la couche de stratus se propage sur la terre, l’humidification cesse. Avec l’apport des calories issues du sol, les nuages se désagrègent. La dissipation sera d’autant plus rapide que la chaleur au sol est importante, en été notamment. A titre d’exemple, ces situations de rentrées maritimes sont fréquentes en flux de sud sur la côte du Roussillon. D’une manière générale, les stratus on tendance à se désagréger en rentrant dans les terres. Mais dans le pire des cas, ils peuvent pénétrer jusqu’aux contreforts des Cévennes ou de la Montagne Noire. Dans ces conditions, la météo, c’est toujours ce qui se passe devant le pilote. Lorsqu’on voit que le plafond baisse progressivement et que la visibilité se dégrade, on fait demi-tour. Les conditions seront  toujours meilleures derrière.

Figure 10 : Les aérodromes en bord de mer sont souvent concernés par des rentrées maritimes.

Les brouillards d’advection : le vent faible déplace toujours lentement mais sûrement les brouillards et nuages bas. L’arrivée d’une masse d’air chaude et humide sur un sol continental plus froid provoque un refroidissement de la couche au contact du sol. C’est ainsi que se forment les brouillards d’advection. Contrairement au cas précédent, ils peuvent pénétrer profondément à l’intérieur des terres en automne et en hiver. Car ils sont en permanence poussés par le vent et les sols froids entretiennent leurs stagnations. Quoi qu’il en soit,  pour le pilote, c’est le toujours le même principe qui s’applique : la météo, c’est ce que l’on voit devant soi. Si le plafond baisse et que la visibilité se dégrade, on fait demi-tour. Les conditions seront toujours meilleures derrière.

Figure 11 : formation du brouillard d’advection, par exemple quand de l’air chaud et humide, ici maritime, survole une surface continentale froide.

1 Si le décollage est facultatif, l’atterrissage par contre est obligatoire

bottom of page