Assurances, un trop bon gâteau ?
Article paru dans ULMiste n°4, mars 2011
Assurances, un trop bon gâteau ?
En cette année qui débute, nous avions prévu un petit comparatif des principales assurances disponibles sur le marché pour les pilotes ULM. L’actualité nous pousse à revoir l’angle d’attaque, puisqu’un épisode juridique vint quelque peu bousculer la donne.
Le contexte
Les fédérations sportives ont entre autres pour mission de négocier des contrats d’assurances pour leurs adhérents. Leur parfaite connaissance de nos contraintes et réalités économiques font qu’ils sont les mieux placés pour approcher les divers courtiers ou assureurs du marché et obtenir d’eux les meilleurs compromis. La FFPlUM, après avoir travaillé pendant des années avec deux courtiers, Castany et Verspieren, a offert l’exclusivité à AIR Courtage au début des années 2000. A noter que ce même courtier s’était auparavant fait connaître et vertement critiquer par la fédé en proposant des garanties couvrant explicitement les machines trop lourdes.
Souscrire un contrat auprès de ce courtier impose de prendre la licence fédérale, qui elle n’a rien à voir avec l’assurance et permet de couvrir partiellement les frais de fonctionnement. A l’inverse, il est tout à fait possible de payer sa licence et de s’assurer où l’on veut. Il existe ainsi quelques courtiers ou agents généraux qui proposent des assurances spécifiques ULM. Nous les avions sollicités pour notre projet de comparatif. Seuls AIR Courtage et Aiscale nous ont répondu, alors qu’il en existe d’autres, qui font publicité de leurs services mais semblent assez peu impliqués dans leur développement. Voilà qui tombe bien, puisqu’ils sont nos deux protagonistes du jour.
AIR Courtage est animée par les sœurs Cognet et se spécialise dans l’aérien, étant aujourd’hui l’interlocuteur des principales fédérations aéro. Ce courtier négocie ses contrats auprès de La Réunion Aérienne, qui souscrit ses contrats auprès de divers assureurs.
Aiscale est une marque commerciale d’un agent général AXA, Sébastien Cursolle. Le père de Sébastien, Jean-Pierre, a œuvré en sous-main au développement des produits ULM. Il n’est pas tout à fait un inconnu, puisqu’il fut pendant de nombreuses années responsable de la commission accidentologie de la FFPlUM, amenant cette dernière à un niveau d’excellence reconnu. Il fut, dans une autre vie, instructeur sur Mirage 2000 et anime une école de pilotage ULM dans le Médoc. Il est par ailleurs le seul expert judiciaire spécialisé dans l’ULM. Depuis trois ans, Aiscale propose des contrats d’assurance dédiés à l’ULM.
L’affaire
La FFPlUM, pour des raisons sur lesquelles elle ne souhaite pas s’exprimer, offre l’exclusivité à AIR Courtage, ce qui est absolument légal. C’est ainsi que l’on ne trouve que des publicités AIR Courtage dans ULM Info et sur le site ffplum.com, que le standard téléphonique fédéral propose le “1” pour l’assurance, le “2” pour la fédé, que AIR Courtage est partenaire du Tour ULM, etc.
Aiscale et tous les autres concurrents, doivent donc développer leur communication et gagner des parts de marché par d’autres moyens, les publicités commerciales payantes dans ULM Info leur étant inaccessibles.
C’est ainsi que, le 1e décembre dernier, Aiscale a fait parvenir une circulaire à 560 clubs ULM référencés sur le site FFPlUM dont le contenu est “Aiscale Assurances, un temps d’avance pour les ULM. Tarifs RC 2011 : Tarifs fédéraux – 10%. Plafond 4 600 000 € et avantages Clubs identiques.” Cette missive est accompagnée du détail des tarifs et du formulaire de souscription. Dans le même mois de décembre, des publicités commerciales paraissent dans Vol Moteur et Air Contact.
Immédiatement, la FFPlUM et Air Courtage assignent Aiscale en référé, qui sera enregistré le 12 décembre et notifié le lendemain. L’affaire sera jugée le 24 décembre, mais il est demandé que des mesures soient prises immédiatement sous astreinte de 10 000 € par infraction constatée.
Ce que la FFPlUM et AIR Courtage reprochent à Aiscale : publicité trompeuse, concurrence déloyale, publicité comparative illégale. Il est également reproché la mention “pas d’obligation de licence fédérale” sur le site internet Aiscale. Puis encore le fait que la tournure “tarifs fédéraux” laisse penser que la FFPlUM serait impliquée dans le négoce des contrats d’assurance. Enfin, il est indiqué que l’offre Aiscale, qui ne précise pas les conditions d’exclusion ou les durées, est illégale. A ce titre et pour finir, la FFPlUM et AIR Courtage demandent que Aiscale ne puisse plus vendre la moindre assurance liée à l’ULM. Le tout assorti, en toute logique, d’interdictions de publier toute publicité sous quelque forme que ce soit.
De son côté, Sébastien Cursolle demandait des indemnités et une interdiction pour la FFPlUM de proposer des offres collectives au motif qu’elles ne font l’objet d’aucun appel à la concurrence.
Le jugement rendu le 6 janvier
La FFPlUM est déboutée de ses demandes, ainsi que Sébastien Cursolle. Aiscale est condamnée à ne plus publier la mention “tarif fédéral -10% avantages clubs identiques”, sous réserve d’une astreinte de 2000€ par infraction constatée, pour la seule raison qu’il n’est pas démontré qu’à tarif égal ou inférieur, les prestations soient les mêmes, bien que l’inverse ne soit pas prouvé non plus.
Il paraît qu’il n’est pas opportun de commenter une décision de justice et par ailleurs cela n’est pas notre rôle premier. Nous nous abstiendrons donc. En revanche, concernant la FFPlUM, qui voit toutes ses demandes rejetées, il ne nous semble pas certain que la meilleure façon de montrer qu’elle n’est pas concernée par les questions d’assurances était d’initier cette procédure, ni, encore moins, de réclamer qu’Aiscale ne puisse plus vendre des assurances ULM.
Si elle n’est pas concernée comme elle l’affirme, l’organisation du marché ne la regarde pas et elle n’avait pas à se mêler de cette affaire qui ne concerne que AIR Courtage et Aiscale.
La suite
Aiscale continue de vendre des assurances mais n’est plus agent général AXA, à son initiative, vue l’absence totale de soutien de la maison mère dans cette affaire. Ils deviennent donc courtiers et continuent de se spécialiser dans l’ULM. La FFPlUM et AIR Courtage n’ont pas commenté la décision de justice, mais, dans leur communication informelle auprès des clubs et comités régionaux, ils annoncent avoir gagné et invitent les clients Aiscale à résilier leurs contrats.
Ah mais, au fait ?
Difficile de conclure sans répondre à la seule question qui vaille, finalement : “tarif fédéral – 10%” a été jugé illicite car déloyal, certes. Mais la question à laquelle la justice ne répond pas, puisqu’elle n’a pas été posée, est : “cette affirmation est-elle fausse ?”
Voyons voir. La Responsabilité Civile aérienne est la seule assurance obligatoire et c’est sur ce point précis que portait la communication litigieuse de Aiscale. Ces derniers la proposaient alors au prix de 48€ pour le monoplace et 276 € pour le biplace, avec 5% de remise parachute. Chez AIR Courtage : 55€ pour le monoplace et 305 € pour le biplace.
Il n’était nulle part fait mention des conditions et couvertures dans la communication de Aiscale et c’est bien ce qui a été jugé déloyal. Cependant, d’un strict point de vue sémantique, nous sommes bien au tarif AIR Courtage, exclusif assureur fédéral, moins à peu près 10%. 10% auxquels peuvent s’ajouter l’économie de la licence FFPlUM qui s’élève cette année à 60,28 €, déduction faite de l’assistance juridique (3,50 €) et de l’abonnement à ULM Info (10,50 €).
ULMiste recommande vivemement l’adhésion à la FFPlUM, sans laquelle l’ULM français ne pèse rien, ni en France, ni, encore moins, à l’étranger d’où nous sommes désormais gouvernés. Même si, parfois, elle se mèle de ce qui ne la regarde pas en donnant une image assez éloignée de celle qu’elle voudrait montrer.
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