Article paru dans ULMiste n°5, juillet 2011
Friedrichshafen 2011 vu par un ULMiste
L’AERO cette année, c’était un peu différent. Je ne parle pas du nombre d’exposants (550), ni de l’ampleur (11 halls géants), ni des visiteurs, (33400), tout cela, c’était dans les paramètres normaux. Ce qui a changé, c’est l’approche en général. Jusqu’à l’année dernière, le visiteur moyen pouvait plus ou moins prétendre qu’il était concerné, qu’une partie des biens de consommation exposés pouvaient être à sa portée. L’arrivée massive des motorisations électriques et des voilures tournantes dans l’univers ULM a changé la donne. Les constructeurs n’ont plus besoin de faire languir une clientèle qui était considérée comme potentielle avant la crise. Le prix et la complexité des objets à vendre ont évolué vers le haut, le pouvoir d’achat de ladite clientèle a déglingué. Point. Du coup, l’hypocrisie n’a plus trop de sens. Le pilote ULM “standard” y va en touriste, juste pour se rincer les yeux. Est-ce qu’il y a des acheteurs ? Des vrais ? Moi, j’en ai pas vu. Certes, mes yeux ne sont plus trop bons, ou comme chantait Bob Dylan: “I got new eyes, everything looks far away…”
En tout cas, le fait que le salon fermait le samedi, a donné une chance aux baladeurs ULMistes de se rattraper auprès de bobonne dimanche en goûtant aux joies du tourisme familial dans les environs. Moi-même, j’ai fait une superbe balade à vélo le long du lac, tout en admirant les aéronefs partants vers les quatre coins du monde. J’ai même cru apercevoir le Lockheed Electra de Bernard Chabbert entre les bleus printaniers du lac et du ciel pareillement étincelants. Les deux Wasp ont été battus en terme de bruit par quelques bizjets et autres chasseurs civils. Curieusement, les promeneurs aborigènes, qui n’ont pourtant pas une réputation de gens hyper-cool, n’ont pas eu l’air d’être dérangés par les passages incessants. J’ai meme eu l’impression que les quelques ULM discrètement motorisés Rotax étaient davantage dérangeants, comme étrangers dans ce décor. Comme si le vol sans vacarme était réservé aux aérostats, dans la ville natale du baron Zeppelin.
Coté matos et camelote, il y en avait pour tous les goûts, mais surtout pour les plus sophistiqués. Une chose est sûre, les constructeurs et les marchands aimeront croire et faire croire que la crise n’est qu’un mauvais souvenir et qu’en fait, cette vilaine avait marqué la fin de l’adolescence d’un mouvement de liberté, qui est ainsi arrivé à la maturité de la consommation. Je n’ose même pas essayer de faire l’inventaire des jouets présentés, même pas de ceux que j’ai vus pour la première fois (ça fait plus de douze ans maintenant que j’y vais). Je me concentre uniquement (et subjectivement) sur ce qui m’a sauté aux yeux.
Paramoteurs
Il y avait peu de nouveautés, même peu de chose tout court pour les paramotoristes, surtout à deux pattes. C’est normal, ils dépensent pas assez, ces bougres. L’électrique cherche toujours ses marques, ce n’est pas fastoche, tiens, les pionniers de chez Yuneec, je ne les ai pas vus, j’espérais pourtant échanger la batterie chinoise (naze) de mon E-pack (pris ici même il y a un an et qui m’a gratifié de vols de plus en plus courts avant de rendre l’âme trop rapidement) pour du Kokam. Pas vu, pas pris. La tendance est plus parapente (vol libre) assisté par un GMP électrique intégré à la sellette, comme chez Skywalk avec le E-WALK ou chez Charly qui sort un produit similaire, le Scott-E. Moi, je préfère le paramoteur vrai, qui décolle en plaine et sans vent, mais visiblement, le courant électrique n’est pas encore assez fort ou résistant pour cela.
Au-delà des Flykes, Bullix et Xcitor habituels, il y avait deux grandes nouveautés, le chariot avec siège pilote pivotant et le monoplace à structure en bois et moteur en étoile.
On aura vraiment tout vu !
Pendulaires
Il y avait encore moins de pendulaires que d’habitude, surtout des fonctionnels et non pas de démonstrateurs de ce que l’on va faire quand il n’y aura plus de super a la pompe. Le Joker slovaque est l’une de ces rares machines, avec un style original pour une fois. L’aile sans mât vient de chez Aeros, coté GMP ça va du 582 au 912S. Le Delta Jet exposé sur le stand Apollo avait une finition remarquable, ce qui pourrait être déjà une nouveauté, mais l’info c’est qu’ils sont quand même venus, ayant perdu cet hiver leur chef pilote, le bras droit et la tète pensante. The show must go on, quoi…
Il y avait également Air Création et La Mouette.
Trois-axes
Dans le monde des trois-axes, ou plutôt des p’tiz navionz il y a une tendance inexorable à ouvrir vers le haut. Assisterons-nous à la renaissance de l’aviation générale sur les cendres du mouvement ULM ? J’ai presque la vision d’un vieux vampire cynique suçant le sang, prenant l’âme d’une candide adolescente, qui semble encore être heureuse de passer à un état qu’elle croit supérieur. Bien triste métamorphose. Mais quelle possibilité commerciale !
Chez Comco, ils ont vendu plus de 1200 Ikarus C42 depuis sa sortie. Là, ils viennent de sortir le C52, avec train cantilever et queue en carbone. Paraît-il qu’il est plus rapide. Il faut au moins ca, pour éviter le fléchissement des ventes.
L’équipe de Otto Funk a trouvé une formule rétro pour épater. La version à cockpit ouvert et à roulette de queue du FK 14 Polaris appelé “Le Mans” a été considérée par beaucoup comme le plus bel aéronef du salon. Chez Flight Design, Tecnam ou encore C2P, comme chez d’autres, on est passé à l’avion. La grande surprise de la journée de vendredi fut quand la foule venue pour la présentation du futur quadriplace de Pipistrel, le Panthera, a pu assister au pot d’anniversaire des 55 ans de Ivo Boscarol, le boss. Il n’y avait pas que ça à fêter, le Taurus Electro venait de recevoir le prix Lindbergh décerné au meilleur avion électrique de l’année. C’est Eric Lindbergh, le petit fils de Lindy qui a remis le prix.
Des projets aussi futuristiques que le Panthera, il y en avait. Plein. Le plus ludique, c’était le FlyNano, le monoplace hydro imaginé par le finlandais Aki Soukas. Le joujou “full carbone” de 70 kgs à sec, de 1,3 m de haut, 3,5 m de long et d’une envergure de 4,8 m volerait a 140 km/, même avec un moteur électrique. Beau rêve. Autre rêve ou plutôt cauchemar : le Stealth, l’ULM furtif fabriqué par Aero&Tech, nommé Nexth. Heureusement que Obama (pardon, j’ai voulu écrire, Oussama) n’a pas pu le voir, ça aurait pu lui donner des idées… Des rêves beaucoup plus sains étaient presque palpables sur le stand de TL Ultralight, c’est de la tradition chez eux désormais.
Autogyres
C’est au rayon des voilures tournantes ultralégères que cela foisonne le plus fort. On ne compte plus les nouveautés et les projets les plus variés et pour le moins débridés. Chez les Bulgares, par exemple, j’ai l’impression que l’on préfère le look à l’efficacité aérodynamique, voire à la stabilité longitudinale. Sur le proto “2009” (déjà en retard), la queue supportant l’empennage passerait dans l’axe de l’hélice propulsive. Certes, c’est élégant et techniquement spectaculaire, mais je me demande a quoi servent la profondeur et surtout le stabilisateur placés dans le flux turbulent de l’hélice, bien dans l’axe longitudinal, masqué par la cabine, sans aucun effet de bras de levier ?
Au vu de l’empennage en T du gyro G 4-2 de Trixy Aviation je me pose la même question, mais j’avoue, à voir sa bouille de fourmilier géant, que je me sens nettement moins concerné. Encore moins par le Kiss de Cellier Aviation, malgré le prix ô combien compétitif. Mais là, c’est déjà la problématique des goûts et des couleurs. Le Arrow Copter est certes d’un goût incontestablement plus raffiné, le carbone déborde de partout, son prix dépasse tout de suite les 100 K€. La beauté, ça se paye ! Les solutions de Rotortec sont originales, mais plus spectaculaires d’un point de vue purement technique que validées en pratique. Je ne vois pas trop l’intérêt du rotor quatre pales, par exemple. Le scoop, c’était que les allemands de chez Autogyro Europe ont fini par craquer et ils lancent également un biplace fermé côte-à-côte. C’est la réponse à la certification allemande obtenue pour le M24 Orion par Magni Gyro. Le Cavalon pèserait 20 kgs de moins que la référence italienne, certes avec un rotor en alu, moitié moins lourd que le rotor composite. Qui dit moins lourd, dit moins d’inertie. L’intérieur est digne d’une berline allemande haut de gamme. La visibilité est moins masquée par les imposants montants qu’on ne le penserait de l’extérieur. Les solutions techniques sont complexes, comme sur le Calidus. C’est la différence essentielle entre les gyros de Hildesheim et de Besnate. Qui a raison, qui a tort ? Qui va de l’avant ? Qui fait plus ou moins de macchabés ? A suivre. En tout cas, chez Magni, ils ont fait dans le discret. Le M24 dispose maintenant d’un frein de parc et d’un cache-mât en plastique. Ca doit bien faire gagner un ou deux km/h en pointe.
Les autogires devenant banals, les marchands estiment que le consommateur est mûr pour l’acquisition d’hélicos ULM. Pour ce qui est de la pratique, c’est moins sûr. En tout cas, Fama n’est pas venu. Il parait qu’ils sont débordés de commandes, il y aurait 18 mois d’attente en cas de commande ferme. J’ai pu discuter avec plusieurs pilotes hélico expérimentés qui ont pu tester, ils n’ont pas été sincèrement convaincus. Certes, ils viennent tous de l’aviation générale, c’est compréhensible. Alpi a bien exposé son Sython 130. C’est beau. Et efficace. Je l’ai vu évoluer à Caposile entre les mains de Erich Kustatscher, qui a fait plus de 700 heures de formation avec l’année dernière, sans le moindre souci, paraît-il. Faudrait essayer quoi. A 300 € l’heure d’entraînement, ca en vaut le coup.
Voilà en bref. Tous ceux que je n’ai pas mentionnés (en bien), pardon, je m’excuse. Vous, ca sera pour la prochaine fois.
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