top of page

Air Création Skypper 582 NuviX 15

Article paru dans ULMiste n°5, juillet 2011

 

Skypper 582 NuviX, le passe partout !

 

Pour mener cet essai, nous avons pris la machine durant quatre jours et parcouru environ 1000 kilomètres en 11 heures en posant sur tous types de terrains, en biplace bien sûr. Nous avons également pu faire essayer ce pendulaire et même donner une leçon à un élève débutant. Les conditions idéales d’un essai, que nous ne pouvons hélas pas toujours réunir pour tout un tas de raisons, la disponibilité des machines étant la première. Depuis Pizay chez Samir Elari, nous sommes allés rendre visite à Olivier Marty près de Montauban, en posant à Brioude, Douzalbats, Aurillac, Cahors, puis au retour Villefranche-de-Rouergue et à nouveau Brioude. Le passage du Massif Central, le contournement de divers orages et autres ZaIT et de bonnes turbulences nous permettent de livrer un avis assez complet sur ce nouvel ensemble de chez Air Création.

 

Pierre-Jean le Camus

Photos ULMiste et Serge Porte

 

Le chariot

 

Destiné à remplacer la gamme GTE-Trek, ce tricycle biplace léger n’a aucun point commun avec son ancêtre, à part le 582 et la largeur du train principal, qui est identique au GTE (le train arrière du Trek étant celui du Tanarg, plus large). La longueur est augmentée, afin d’améliorer le confort des occupants. Même les roues, désormais, diffèrent. Alroc, historique fournisseur de l’ULM, ne souhaite plus prendre de responsabilités “aéronautiques”. Par conséquent Air Création fait mouler ses propres jantes, prévues d’origine pour recevoir des freins à disques périphériques. La structure du chariot est en inox mécano-soudé, dont nous avions aperçu le prototype en février 2010 à l’usine, puis des machines de présérie à Blois et St Hilaire. Comme nous en avons pris le parti, nous avons attendu l’ensemble définitif et quelques exemplaires en circulation avant d’aller voir, afin de vous épargner le commentaire : “les défauts seront corrigés sur la série”. Comme sur le Tanarg, le centre de gravité est abaissé, les deux sièges bien séparés et le réservoir roto moulé intégré au treillis, sous l’assise passager, avec ouverture à tribord dimensionnée pour les pistolets de 100LL. D’origine, il contient 53 litres, mais devrait, avec le temps, arriver aux 55 annoncés en tenant compte du volume qui augmente par dilatation. Il nous semble dommage de mettre à jour un segment de gamme en reniant l’un quelconque de ses acquis. Or, les utilisateurs de GTE, habitués à plus de 60 litres, devront ici tenir compte de la moindre autonomie de ce nouveau chariot, qui est réduite de 30 minutes au minimum, avec le 582 qui nous concerne aujourd’hui. Avec les moteurs du futur, auxquels ce chariot se destine, la question ne se posera plus. La sellerie, habillée d’alcantara, repose sur des sangles, ce qui donne une certaine souplesse qui améliore le confort par rapport à des assises rigides sur tubes. La structure inférieure avant, qui reprend les efforts de la fourche, est en tôle pliée et ajourée, ce qui lui donne un petit air de “Ducat” assez sympathique, au prix, certainement, d’un plus grand entretien au nettoyage. La fourche, réglable en deux positions (ainsi que les repose-pieds passager), propose les freins hydrauliques à bâbord et l’accélérateur à tribord, très classiquement. Frein sur la roue avant de série, sur les trois roues en option. Nous avons à l’essai la monte de série. Les harnais sont de type trois points, avec enrouleur d’automobile.

 

La console à instruments n’est pas optionnelle. Par rapport à la présérie, sa largeur a été diminuée pour faciliter le montage de l’aile. Elle permet d’équiper le Skypper de tous les instruments que l’on désire et contient la batterie. Elle reprend également la commande de gaz manuelle, qui n’est plus sur le flanc droit de la machine, ce qui, malgré un manuel d’utilisation très clair, générait trop d’accidents à l’installation à bord sur les GTE-Trek. La commande de starter, elle, se trouve sur le flanc droit du chariot. Le haut saute-vent, teinté, est échancré sur les côtés de manière à permettre d’accrocher l’aile et se démonte par quarts de tours. On peut soulever la machine au sol en empoignant l’avant (la “langue”) du carénage, sans effort notable.

 

Les flancs de la machine sont habillés de tissu néoprène, ce qui affine la ligne. Le parachute est repris sous le siège arrière et la poignée de déclenchement est doublée, de telle sorte que pilote et passager peuvent l’opérer. La poutre verticale arrière est cassée et sa jonction est abaissée, comme sur les DTA, Chapelet et autres Aquilair, il est donc possible de monter et baisser l’aile seul, nous allons le voir.

Le bâti-moteur reprend les solutions du Tanarg, avec amortissement par ressorts et silentblocs et le radiateur se trouve quasiment à la verticale, sous le moteur, l’écoulement étant optimisé par des écopes à dépression.

 

Côté rangements, déception : tandis que le site internet du constructeur indique une machine destinée “aussi bien aux pilotes voyageurs qu’aux centres de formation”, nous découvrons que le voyageur devra soit voler seul et monter l’énorme coffre sur le siège arrière, soit, s’ils sont deux, être sales ou se contenter de voyages organisés avec une intendance qui transporte tout son petit merdier. Sous le siège avant, il y a bien un petit coffre de trois petits litres, mais une fois qu’on y a entreposé les chargeurs de téléphones, la housse du matériel photo, deux brosses à dents, deux calbuts et trois chaussettes, il est plein. Le manuel d’utilisation prévient qu’il ne faut pas y ranger plus de 10 kg de matériel, mais il faudrait que l’on nous explique comment cela pourrait être possible. Si l’on juge que le parachute n’est pas indispensable, ce qui est un droit, un coffre de 20 litres prend sa place, qui rend alors la machine exploitable en voyage à deux. Une pochette à document est également disponible derrière le siège arrière. En attendant, il est possible de glisser deux bidons d’un litre d’huile entre le siège passager et le parachute, avantage dont nous ne nous priverons pas !

En tous cas ce qui est certain, ce qu’il faudra mettre beaucoup de bonne volonté pour emboutir la masse maximale avec cet ensemble Skypper NuviX 582 : dans la configuration essayée, avec le parachute et le plein de carburant, nous arrivons à 251,5 kg. L’aile supportant une charge maximale de 462 kg (avec parachute, 450 kg sans), nous avons donc une capacité d’emport de plus de 100 kg par occupant, viande, vêtements et bagages compris. En l’occurrence, nous serons à 165 embarqués, soit une masse au décollage de 416,5 kg et une marge de 45,5 kg qu’il serait impossible d’emporter, sauf à poser des sacs de sable sur nos genoux. Au moins, il n’y a pas à réfléchir, à moins de souffrir d’un embonpoint par essence difficilement compatible avec l’ULM.

Le tout est dessiné sur des outils modernes et fabriqué selon des procédés industriels. Les tubes sont livrés à l’usine gueules de loups découpées à la machine numérique, prêts à être soudés. Cette technique permet, malgré l’apparente plus grande complexité, d’économiser sur la main d’œuvre et la matière première nécessaires au montage d’un Skypper par rapport au GTE, constitué de tubes d’alu droits découpés, percés et boulonnés à la main. Ce qui fait qu’au final et à options égales, le Skypper est facturé moins cher que le TREK ! Mais sans possibilité (pour l’instant ?), de faire baisser la facture, puisque ce qui était optionnel sur le GTE est en série sur le Skypper : console à instruments (impossible à retirer puisqu’elle contient notamment les gaz à main et la batterie, qui participe donc au bon équilibre du chariot), carénages de roues à dérives et démarreur électrique. Finie l’époque du pendulaire qui n’a pas besoin de pendules et se pilote nez au vent après avoir démarré en pilote responsable qui sait lire un manuel. Désormais, on emporte avec soi les kilos inutiles du démarreur électrique et on est tout content d’avoir devant soi tout un tas d’instruments. Les temps changent… qu’un constructeur s’adapte l’honore, mais qu’il impose le changement nous questionne, nous qui sommes minimalistes tout en respectant les goûts de chacun. Lesquels goûts plébisciteraient la version toutes options si d’aventure il était proposé une version nue... donc tout le monde est content ! 

Un carénage démontable sera proposé en option, dont le dessin n’est pas encore figé et qui viendra par-dessus la console. Il permettra alors d’augmenter la capacité de chargement, ainsi que des sacoches latérales actuellement à l’étude. Nous notons au passage que la qualité des composites s’est améliorée.

 

L’aile

 

Le nom de NuviX est emprunté à la ville de Nuvik au nord du Canada, le X rappelant la parenté avec la BioniX, qui réside dans la structure tubulaire, identique, ainsi, bien entendu, que le corset, que nous avons largement détaillé dans notre numéro 1. Il y a toujours un mât, “à l’ancienne”, point sur lequel Air Création se justifie sur son site et question sur laquelle nous avons fait le point dans le numéro 3. Si la surface alaire, 15,2m2 est légèrement plus importante que sur la grande sœur (15,1 m2), le profil et les découpes de voile en font une aile très différente.

 

L’objectif était de proposer une aile qui conserve une bonne plage de vitesses, décalée vers le bas par rapport à la BioniX, tout en offrant une plus grande maniabilité. Mais surtout, qu’elle soit exploitable avec un HKS ou un 582, tandis que la BioniX exige le 912 pour s’exprimer pleinement. C’est pourquoi nous avons pris le parti d’essayer la version à moteur 582, puisque c’est la raison d’être de cette aile !

Double surface à 90%, angle de nez de 130°, envergure de 9,55 m et un allongement de 6 sont quelques-unes des caractéristiques de base de cette aile, qui supporte 462 kg au maximum. Autres éléments qui diffèrent de la BioniX : les winglets disparaissent et l’aile reste ouverte à ses extrémités, le bord d’attaque, fermé, revient en dacron, il n’y a donc plus les turbulateurs. Enfin, le mât et les montants de trapèze ne sont pas carénés.

Elle est destinée au Skypper ou Tanarg, dans toutes les motorisations existantes, 582, 912 et HKS, ce dernier limitant la masse à 450 kg, parachute ou non. Mais elle peut également être montée sur gamme GTE-Trek. Concernant les GtBi, les dossiers n’ont pas été déposés et il faudra donc passer en amateur, sachant que l’idéal sera d’en profiter pour renouveler le tricycle.

Enfin, la VNE est à 165 km/h, ce qui est considérable pour une aile de cette gamme. Et comme nous l’avons vu, la masse maximale est limitée à 462 kg, chiffre qui pourrait paraître curieux, mais qui s’explique par le fait que la charge utile de cette machine est la même avec ou sans parachute, ce dernier pesant 12 kg. Enfin, bien entendu cette aile est équipée du corset qui fait ses preuves depuis près de deux ans sur la BioniX.

 

Allons voir

 

Comme nous le disions, nous avons pu mener cet essai en conditions idéales, en longue durée. Et même mieux : le vent étant fort en arrivant à Aubenas, il nous fut proposé de tout mettre sur remorque pour aller chercher le beau temps !

Nous avons donc démarré par le montage de la machine. Aucune surprise, rien que de très classique, le corset prend sa place tout seul. Les embouts de lattes, comme sur la BioniX, sont formés de pièces de plastique qui se clipsent et dont les efforts sont repris par de petites sangles afin de maintenir la tension du bord de fuite. Descendre le chariot de la remorque est une formalité et le montage de tout l’ensemble est tout à fait conventionnel. Bonne surprise par rapport au GTE-Trek, on monte bien l’aile tout seul, sans que le chariot ne tende à vouloir basculer sur l’arrière. En revanche il faut bien serrer le frein et se positionner sur le sec, sans quoi la machine recule. A deux, en mode pédagogique entrecoupé des prises de vues et de discussions diverses avec des qui passent par là “ah, c’est vous ULMiste, bien votre mag !”, nous aurons mis 55 minutes entre la dépose de la première sangle de la remorque et le moteur en route, prévol soigneuse effectuée. Avec l’habitude de cet ensemble et sans distraction, une petite demi-heure nous semble possible. Ce pendulaire peut donc se passer de hangar et être ramené à la maison entre chaque vol, pour peu que l’on dispose d’un garage. En revanche, comme sur de nombreuses autres machines, attention aux rondelles, écrous papillons et autres anneaux brisés, qui ne demandent qu’à tomber dans l’herbe et y disparaître !

 

Tour du “proprio”

 

Sur notre ensemble, le moteur tourne une hélice tripale Arplast Ecoprop via une réduction 1/3,47. En option, on peut avoir la quadripale et une réduction ¼. Le réducteur E reprend le démarreur (comme son nom l’indique), de telle sorte que le lanceur à main reste en place à l’avant du moteur, en secours. Le circuit de refroidissement et les commandes de gaz et starters sont optimisés, ainsi l’installation moteur paraît très dépouillée, sobre. La commande de gaz et de conduite au pied sont doublées à l’arrière (optionnel), ce qui nous permettra un peu d’instruction, les doubles commandes d’ailes n’étant pas indispensables, vue la relative compacité du chariot. Le tableau de bord offre l’intercom Alphatec, la radio Filser ATR500, le badin en 80, un compas encastrable, un altimètre en pieds en 80, le compte-tours, les températures moteur, la clé de contact et, heureuse surprise, une jauge à carburant, comme sur l’auto de maman ! Jauge doublée par le classique tuyau translucide au bord du réservoir roto moulé noir.

 

Un petit vol en solo histoire de s’assurer que tout est en ordre. Dans cette configuration, le décollage intervient en environ 75 mètres, le taux de montée se stabilise vers 4,5 m/s. Le basculement du chariot vers l’avant et sur le côté est extrêmement modéré. Un léger flou dans la barre se ressent en tangage, entre la rotation et la prise de vitesse. L’aile est très douce aux commandes, pour une ardéchoise. Quelques allers-retours histoire de vérifier l’étalonnage du badin, dont je constate qu’il est légèrement déficient, quelques enchaînements de virages et décrochages. Sans surprise, ce dernier intervient avec la barre à 5 cm du tube avant en position lente. En roulis, la stabilité est standard pour une aile de ce type. Corset tout tendu, la machine a encore de la réserve à monter à plein régime, donc une possibilité de tirer. Nous prendrons des mesures complètes en biplace. Le lacet inverse est à peine perceptible, mais présent. A l’atterrissage, sans tirer vu les conditions, je retrouve ce même léger flottement en tangage sur quelques centimètres, au moment de l’arrondi.

Le temps d’un second vol local à deux (décollage en une centaine de mètres) pour prendre la machine en mains avant le voyage, et nous voilà au chargement pour demain matin, après avoir observé que le taux de montée se situe alors à peine au-dessus des 3 m/s tandis que le taux de chute, lui, s’observe à près de 3,5 m/s dans la configuration corset tendu au premier tiers. Les données constructeur indiquent le meilleur taux de chute à 2,6 m/s pour 70 km/h, corset tout détendu. L’atterrissage s’effectue sans tirer la barre en conditions calmes, en une petite centaine de mètres à deux, le frein ne montrant pas encore sa pleine efficacité (rodage nécessaire).

Dans le petit coffre avant, on charge comme on a dit. Nos poches de combinaisons peuvent encore contenir quelques effets, puis appareil photo en bandoulière du vaillant copilote, cotesteur et néanmoins élève à l’expérience pendulaire déjà fort riche et variée, porte carte sur la cuisse gauche, l’alti-vario-GPS Flymaster, qui ne sert qu’aux mesures et non à la navigation, sur la droite. Quelques exemplaires de ULMiste sont glissés sous l’assise avant, afin d’être distribués au long du parcours. Le temps de faire le plein (très classique), nous voilà prêts au décollage, après une courte et fraîche nuit sur le terrain.

 

La première étape devait nous conduire à Douzalbats, au pied du Plomb-du-Cantal. Décollant aux aurores dans un air parfaitement calme, nous prévoyons deux bonnes heures et demi pour y parvenir, ce qui nous laissera une bonne vingtaine de litres de carburant à l’arrivée, à la moyenne réputée à 14 litres par heure, selon quelques utilisateurs de cet ensemble. A la première prise de repère, nous constatons que le compas n’est pas compensé et que, sur le cap que nous devrons suivre en ligne plus ou moins droite toute la journée, il montre plus de 10° d’erreur. Pas grave, nous naviguerons à la carte et, ce qui compte avec un compas, ce n’est pas tant qu’il indique le bon cap, mais qu’on suive ce qu’il indique une fois qu’on est d’accord avec lui, comme tout instrument du reste. Nous trouvons le vent arrière prévu sur tout le parcours et attaquons les Monts-du-Beaujolais avec une fraîche sérénité. Verticale Ambert, nous hésitons à nous poser, mais en arrivant à Brioude à 8 heures à peine passées, plus d’hésitation : nous sommes frigorifiés, la jauge à carburant semble déconner sévère, qui descend à vue d’œil, nous sommes largement dans les temps. Bref, on se pose pour faire un premier point.

Le vent de cul nous a gratifié d’un bon 95 km/h au GPS, tandis que le badin affichait 85, corset tendu au premier quart. Vu les conditions, il semble que la vitesse propre devait se situer aux alentours de 90 km/h, ce que des mesures ultérieures confirmeront. A cette allure, nous avons consommé environ 18 litres à l’heure, de telle sorte que nous sommes à moins de la moitié du réservoir puisque, vérifications faites, la jauge à aiguille est redoutablement juste ! En à peine une heure trente de vol, nous avons bouffé plus de la moitié de notre autonomie, réserves de sécurité comprises ! Toutefois, cette consommation, que nous observerons sur une grande partie de la promenade, est à pondérer sérieusement par le fait que nous avons du afficher plus de 5000 tours/minute durant une grande partie du trajet, pour passer les reliefs et survoler des zones qui n’ont rien de commun avec la Beauce en matière de possibilités de vaches. De plus, un moteur moins jeune, avec des réglages optimisés, rendra la consommation plus proche des chiffres indiqués par nos “indics”. En attendant, pour rejoindre Douzalbats, ça monte encore, va pas trop falloir folâtrer !

Au rayon des premiers constats, l’installation à bord ne pose pas de probème, le confort est irréprochable en place avant et arrière et le saute-vent est efficace, bien que sa texture teintée masque la visibilité sous certains angles et oblige à pencher la tête pour voir devant. La commande de gaz au tableau de bord se révèle agréable, bien que la douceur de la pédale droite permette assez facilement de se passer de ce “cruise control”.

 

Pendant que je prends quelques notes, Ben découvre que le bar-restaurant de ce bel aérodrome est ouvert et que le café y coule à flots (voir nos pages “actus”). Catherine, la patronne de ce recommandable établissement nous en sert deux grands, spontanément accompagnés de tartines et confitures, pour le prix auquel les parisiens que nous sommes avons l’habitude de payer un espresso au comptoir ! Légèrement réchauffés, nous voilà prêts à repartir, les premiers rayons du soleil et le départ de la convection devraient nous permettre de moins geler sur les prochaines étapes.

Après un vol splendide aux turbulences modérées au-dessus de la Planèze, nous voici à Douzalbats, dans un décor superbe et un vent soutenu. Une fois posés, nous constatons qu’il nous reste environ 8 litres dans le réservoir. Par ailleurs, pour attacher l’aile dans ce vent, nous observons qu’en butée, les câbles latéraux viennent au contact du pare-brise. Contrairement à ce que nous prêchons dans ce même numéro, nous n’avions pas prévenu de notre arrivée, Douzalbats faisant partie de ces terrains qui sont ouverts à tous sur décision du gestionnaire. Mais un mardi matin à 11 heures, il n’y a personne. Aurillac, ouvert à la CAP et servi par un AFIS, est à une vingtaine de kilomètres à l’est, il y aura bien, là, au moins de la 100 LL. Avec 8 litres pour 15 minutes de vol, sans connaissance de la quantité inutilisable du réservoir, va falloir que toutes les bulles soient au vert (voir ULMiste n°1), on gère donc au plus serré, les yeux rivés au sol pour savoir sur quelle altisurface improvisée on se pose quand le jeu s’arrête. Mise en route de la radio, affichage de la fréquence, écoute : aucun trafic. J’appuie sur le bouton pour dire qu’on arrive dans la langue qu’il faut et là, un strident couinement retentit, qui nous perce les oreilles. Deuxième essai, même résultat. La radio ne fonctionne pas en émission… ne sachant pas si on reçoit, nous ouvrons grand les yeux et nous posons en visuel, en circuit court pour dégager la piste au plus vite. Cet atterrissage sur piste en dur, avec un ensoleillement marqué et un vent toujours prononcé, ne pose pas de problème particulier, après une prise de vitesse marquée : l’aile a de la défense et conserve une bonne précision, jusque dans les basses vitesses.

Nous montons à la tour nous dénoncer, où les choses se passent bien. Après avoir mis 40 litres et l’huile correspondante dans le réservoir et payé la lourde note, nous voilà repartis. Aurillac Cahors à midi en plein mois de mai, avec des conditions de vélivole, voilà qui va nous permettre de savoir comment cette aile se comporte en turbulences ! Heureuse surprise, pendant que nous survolons les paysages magnifiquement inquiétants du Quercy et la vallée du Célé, nous constatons que l’aile se comporte remarquablement bien en conditions mouvementées, l’amortissement se combinant avec bonheur à une stabilité de route plus qu’acceptable. Tout juste quelques oscillations en lacet en sortie de grosses tabasses. Très bon point, car s’il est un domaine sur lequel le pendulaire doit progresser pour conserver ses adeptes, c’est bien celui-là plutôt que la vitesse pure, par exemple.

A Cahors, l’AFIS est fermé entre midi et deux, nous posons donc encore à vue. Les copains de l’école “Parapente Max” de Douelle nous attendent au restaurant, comme prévu. De Cahors à Montauban, après avoir convenu d’une procédure de départ avec le coopérant AFIS, rien à signaler, nous voici posés chez ULM Midi-Pyrénées, base de l’excellentissime Olivier Marty.

Le débriefing place arrière avec Ben confirme que le confort de l’assise est propice aux grosses journées de vol (plus de cinq heures), que la protection au vent relatif est suffisante (sauf aux pieds bien entendu), mais que le maintien latéral pêche un peu en conditions turbulentes.

Un mardi soir hors périodes de congés payés, la plupart des bases ULM ne montrent guère d’activité. Sauf ici. Quatre élèves en école paramoteur, deux en pendulaire, des cours théoriques et même des visiteurs aériens des bases alentour. L’occasion de faire essayer “notre” machine à un pilote qui vient de se poser en visiteur impromptu avec son GTE 503 Mild sans aucun équipement superflu. Après un vol complet, il me demande : “mais en quoi le pendulaire a-t-il évolué au cours de ces quinze années ?” N’y percevant aucune ironie, je trouve la question intéressante et fais un parallèle avec l’auto, qui depuis ses débuts est équipé d’un volant, de quatre roues, de sièges, d’un moteur à combustion… et qui n’évolue pas que dans les “détails”. Ainsi prend-il conscience de la différence de confort, de la stable rigidité du tricycle, de la souple précision des commandes, des capacités à voler vite sans effort. Il y a longtemps qu’un pendulaire équipé d’un 582 est capable de voler à 120 kilomètres à l’heure. Mais sans que le chariot ne bascule outrageusement sur le côté, sans effort et sans modification notable de la maniabilité en roulis, il n’y a, à notre connaissance, que le corset qui montre ce résultat.

Vient ensuite une session de tours de piste avec Ben. Le pilotage de la place arrière ne pose aucun problème particulier, seule la commande de gaz aux pieds est indispensable, puisqu’il est impossible d’atteindre la commande manuelle au tableau de bord du siège arrière. Le tableau de bord reste bien visible, l’étagement vertical entre les deux sièges étant correctement étalonné.

 

Sur le chemin du retour, nous faisons étape à Villefranche-de-Rouergue pour serrer la paluche à Jean-Daniel Roman (constructeur de la série des Guépard), terrain absolument recommandable ! Puis nous refaisons à nouveau étape à Brioude pour tester le restaurant, remettre “un peu” de coco et nous gratifier d’une petite sieste, avant de reprendre la route pour Pizay. En fait, avec cet ensemble, il faut prévoir de remettre du carburant à chaque étape, ce sera le meilleur moyen de ne pas avoir de mauvaise surprise, mais un bon moyen de faire d’heureuses rencontres !

Au décollage de Brioude, la piste étant immense et dégagée, j’opte pour la position tout tendu. La seule chose qui varie sont les efforts en tangage, le même petit flou se rencontre en tangage, aux alentours de la position “neutre”.

Sur le dernier tronçon, nous n’avons plus le vent arrière (incroyable, sur deux jours en aller-retour, du vent de cul quasiment tout le long !), mais au travers droit. Par ailleurs, quelques orages dont nous avions longuement observé l’évolution avant de décoller nous obligent à quelques contournements et petites émotions… en conditions de luminosité réduite, avec quelques gouttes de pluie, le pare-brise teinté oblige à pencher la tête pour la prise de repères. A l’arrivée, il nous reste moins de 10 litres de réserve…

Repliage de tout le bazar pour repartir, dès demain matin, à Aubenas, puis retour à Paris dans la foulée.

Classiquement, le repliage est plus rapide que le dépliage et toutes les protections adaptées sont à leur place dans la housse d’aile. En tous cas, 1000 bornes en deux jours sur une machine agréable et bien née qui passe bien en turbulences, quel pied !

 

Conclusion

 

Lorsque nous avions proposé à Air Création cet essai longue durée, ils nous avaient plutôt conseillé de prendre la version 912. Mais, dans la mesure où leur site nous informe que cet ensemble est prévu pour les “pilotes voyageurs”, d’une part, que tout le monde n’a pas les moyens ni l’intérêt d’être équipé d’un 912 d’autre part, nous avons pris le parti de tester la version deux temps de 65 cv. Par ailleurs, il nous semble plus cohérent et logique de voler sur le plus petit en imaginant ce que peut donner le plus gros que l’inverse. Nous causerons donc du 912 quand nous l’aurons essayé, sachant qu’a priori il résout le principal inconvénient que nous avons noté : l’autonomie, moyennant un amortissement financier qui ne sera que difficilement obtenu par un particulier. Car s’il y a un gros bémol à poser sur cet ensemble, c’est bien celui-là, ainsi que sur la capacité d’emport de bagages en biplace. Des réglages de richesse adaptés, une fois que le moteur dépasse les 20 heures, les sacoches latérales et le carénage, résoudront au moins en partie ces inconvénients, qui ne s’observent qu’en biplace (et en montagne !)

Là où d’autres machines, y compris pendulaires, sont limitées en emport à cause de leur masse à vide, ici la charge utile ne peut que difficilement être emboutie.

Sur les deux jours, nous avons moyenné la consommation à 18 litres à l’heure, corset tendu au premier quart. Les tronçons sur lesquels nous avons pu nous mettre en croisière et non pas en lente montée pour passer les reliefs nous montrent que la consommation descend alors à environ 15,5 litres par heure en biplace en croisière à plat, ce qui donne trois heures d’autonomie dans la configuration d’origine. En 912 et en solo (configuration qui sera probablement la plus achetée et utilisée), on devrait pouvoir doubler cette allonge sans souci. Certes, en pendulaire on ne reste que très rarement plus de trois heures sans s’arrêter, comme à moto. La différence étant que le deux roues terrestre bénéficie de pompes en nombre le long des routes, ce qui n’est pas le cas pour nos engins volants, qui apprécient donc de pouvoir se poser, certes, mais pour un simple café-pipi-clope, sans avoir à obligatoirement dépendre de quelqu’un pour un plein.

Les performances que nous avons notées sont les suivantes : vitesse de décrochage indiquée 55 km/h (badin pessimiste), les 61 km/h annoncés par le constructeur nous semblent réalistes, avec une manœuvrabilité intègre aux basses vitesses. Vitesses de croisière de 76 km/h à 118 km/h selon la position du corset. Taux de montée 3,1 m/s et taux de chute à 3,2 m/s corset au premier quart. Tout détendu, l’usine mesure le meilleur taux de chute à 2,6 m/s à 70 km/h.

Le confort s’avère excellent aux deux sièges, point sur lequel Air Création avait vraiment besoin de se mettre à jour sur ce segment de la “machine de tous les jours”, bien que le maintient latéral en place arrière montre quelques insuffisances en conditions (très) turbulentes. La grosse console, avec sa “langue” façon scooter, permet l’équipement de tous les instruments dont on peut rêver et offre une bonne protection au vent relatif, à toutes les vitesses. Les utilisateurs avertis feront comme ils en avaient parfois l’habitude, ils remplaceront le Lexan teinté par du translucide, afin de conserver une parfaite visibilité en toutes circonstances. Mais il semble que ce sera bientôt en série, le plastique teinté n’étant plus disponible.

Cet appareil, qui ravira tous les pilotes quel que soit leur niveau, remplace avantageusement les chariots biplaces légers des années 90 en apportant le résultat d’années de savoir faire et de recherche. Si ses capacités en voyage en biplace sont limitées dans sa version et ses réglages actuels, on se console en se disant que, finalement, il s’adapte à la réelle pratique de la majorité des pilotes de loisir : du vol local, voire régional, une grosse balade tous les trois ans, la plupart du temps en solo, le plus important étant de prendre du plaisir, mission que remplit aisément cet ensemble absolument “idiot-proof” et suffisamment performant. Quant à l’aile, il se confirme que le corset résout une bonne part des difficultés rencontrées par les concepteurs : une plage de vitesse sans effort étendue, sans altération de la maniabilité d’un bout à l’autre, avancées que la plupart des concurrents admettent.

On pourra regretter qu’un squelette plus léger engendre au final un ensemble plus lourd que le GTE-Trek qu’il remplace, mais il faut également tenir compte de la masse maximale embarquée des ailes actuelles, qui évolue dans le même sens et préserve, voire augmente, la charge utile. Enfin, le prix… 20 272 €TTC quand le Trek, à “options” égales, se facture 20 980 €TTC, soit 708 € de moins pour le Skypper ! Trek qui est encore produit pour certains pays en attendant les certifications du Skypper. L’aile, en revanche, coûte plus cher qu’une sans corset, mais ce dernier la rend difficile à comparer avec les ailes précédentes de Air Création. Au final, l’ensemble ici présenté coûte 28 524,60 €TTC.

 

Enfin, correctement mené et sans talent de champion du monde, il est possible, avec les trois roues freinées, de le poser en mois de 50 m, ce qui, pour un pendulaire capable de voler à 120 km/h sans effort, en fait un véritable passe-partout !

 

Air Création, qui c’est ceux-là ?

 

Ce fabricant de jouets pour “adultes” est installé en Ardèche depuis 1982. Employant 25 personnes à temps plein, Air Création a produit à ce jour près de 7000 ULM. Les fondateurs, Jean-Yves Le Bihan (gérant) et Gilles Bru, viennent du vol libre. Antoine Cardon dirigeait le bureau d’études jusqu’au mois de juin 2011. Jean-Luc Tilloy, le directeur commercial, forme le réseau de revendeurs, qui bénéficie régulièrement tout au long de l’année de sessions de mises à jour sur les nouveaux produits, les révisions, etc.

Avec ses nombreux revendeurs sur le territoire français et ses distributeurs dans la plupart des pays où l’ULM existe, le client a la garantie d’un service après-vente de qualité et rapide.

Par ailleurs, Air Création est importateur France du sympathique moteur HKS et comporte depuis trois ans un département marine qui conçoit et fabrique des bateaux aéropropulsés pour les pompiers.

En 2009, le chiffre d’affaires de Air Création d’élève à 2 287 000 €. 2010 fut une belle année grâce aux excellentes ventes de la BioniX et 2011 se présente plutôt bien.

Un constructeur fiable ! 

 

Sans bla bla

 

Modèle essayé :

Air Création Skypper 582 NuviX

 

Données techniques

 

• Puissance à l’hélice : 64 cv

• Réservoir : 53 litres

• Sièges : semi rigides

• Carénage : en option (bientôt)

• Palonnier réglable : oui

• Freins : à disque sur les trois roues en option, roue avant de série

• Frein de parc : oui

• Parachute : en option

• Surface alaire : 15,20 m2

• Masse à vide : 214,4 kg

 

Observations au sol

 

• Déplacement au sol : sans souci

• Accessibilité (prévol) : excellente

• Niveau de pression des roues : RAS

• Installation à bord : RAS

• Démontage et pliage : RAS

• Remplissage du réservoir : RAS

• Confort : excellent à l’arrière comme à l’avant

• Qualité de construction :

irréprochable

• Finition : RAS

 

Observations en vol

 

• Visibilité vers l’avant : correcte, sauf face au soleil bas

• Visibilité vers l’arrière : selon souplesse du pilote

• Visibilité inférieure : pas de carénage, donc parfaite • Visibilité supérieure : quasi nulle, comme tous les pendulaires

• Vitesse de décrochage : 55 km/h indiqués

• Vitesse max en croisière : 118 km/h

• Vitesse de compensation mini au corset : 76 km/h

• Stabilité virage : standard

• Dureté des commandes : douces et harmonieuses sur toute la plage de vitesse

• Précision commandes : acceptable

Où acheter ce jouet ?

 

• Constructeur :

Air Création SARL

Aérodrome de Lanas

07200 Aubenas

Tél : +33 (0)4 75 93 66 66

Email: info@aircreation.fr 

Site internet : aircreation.fr

 

• Belgique : Christophe & Didier Coddens.

Tél. : +(32) 2-653 08 32

Site internet : ulm.be

Ah oui, et le prix ?

28 524,60 €TTC

 

bottom of page