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Daniel Dalby

Article paru dans ULMiste n°6, octobre 2011

 

Daniel Dalby

 

60 ans, ingénieur aéronautique. Son rêve ?

Faire voler les jeunes, au moindre coût !

 

ULMiste : quel est ton parcours aéronautique ?

 

Daniel Dalby : mon parcours aéronautique remonte à assez loin puisque j’ai commencé à voler en 1968 (j’avais 17 ans), en avion. Je trouvais que l’apprentissage, dans le club dans lequel j’étais, n’allait pas bien vite, aussi en 1969 j’ai participé à mon premier camp aéronautique national, qui m’a permis d’être lâché planeur et avion. L’année suivante, ce même camp m’a permis d’être breveté planeur et de bien avancer sur l’avion. J’ai rapidement passé mon TT, suis devenu pilote remorqueur et instructeur vol à voile.

Ayant toujours été attiré par la construction, j’ai refait un bébé Jodel que j’avais acheté, en 1972. Pendant que j’étais en école d’ingénieur et étant un adepte de Pierre Vaysse dont la devise était « construire pour voler », j’ai construit un planeur TCV 03… Puis quelques années ont passé ; j’ai créé une entreprise de sous-traitance aéronautique qui travaillait pour l’Aérospatiale et accessoirement pour Aviasud sur les fuselages du Sirocco.

Concernant le Pouchel, j’ai toujours été préoccupé par la construction, à moindre coût et vite réalisé. En 1992, j’ai cessé mon entreprise et suis devenu conseiller en développement technologique pour les entreprises. Je me suis alors aperçu que le monde de l’entreprise était trop cloisonné. Une solution qui fonctionne parfaitement en agriculture est considérée non opérationnelle en aéronautique, par exemple. Je me suis ouvert l’esprit et j’ai admis que l’aéronautique a des pratiques qui n’ont pas lieu d’être, c’est globalement beaucoup trop compliqué. Un jour, dans un supermarché, j’ai vu des échelles à 129 F pièce, ça a fait « tilt ». Tel Archimède dans sa baignoire, je me suis dit qu’avec ça on peut faire un avion. J’ai commencé par imaginer un biplan, mais ça faisait beaucoup d’échelles. Puis, en retombant sur “Le sport de l’air” de Mignet, je me suis dit « mais voilà, avec trois échelles, ça ne va pas coûter bien cher et ça va être vite fait ». Le « Pou Echelle » était né, rebaptisé « Pouchel » par l’un de mes fils. C’était fin 1996. En 1998 vint la réalisation physique du Pouchel. Cette machine a déclenché autant d’enthousiasme que de railleries, voire de méchanceté.

 

ULMiste : où en était alors ta pratique aéronautique ?

 

Daniel Dalby : j’ai doucement réduit ma pratique jusqu’à ne plus voler, de 1986 à 1998, essentiellement pour des questions de disponibilités : mon travail, aéroclub éloigné, etc.

 

ULMiste : revenons-en au Pouchel, quelle en est l’ambition ?

 

Daniel Dalby : très simple : construire une machine la plus simple possible, la moins chère possible et le plus vite possible. Cette ambition a été largement atteinte. Il y a eu la période des fameuses échelles. Autant certains détestaient, autant d’autres étaient vraiment d’un grand enthousiasme et c’est ainsi qu’on a créé en 2000 l’APEV (Association pour la promotion des échelles volantes).

 

ULMiste : combien de membres aujourd’hui ?

 

Daniel Dalby : si je joue les malhonnêtes, je pourrais dire plus de 300, mais tenant compte de ceux qui sont à jour de leur cotisation, on en est une soixantaine de membre actifs.

Pour obtenir les plans d’une de nos machines il faut être membre une année, sans forcément  renouveler son adhésion par la suite. Nos membres sont à 80% en France, le reste dans une trentaine de pays à travers le monde.

 

ULMiste : combien de machines qui volent ?

 

Daniel Dalby : Entre celles qui ont volé, celles qui ont été accidentées (heureusement sans gravité), il y en a une vingtaine en France.

 

ULMiste : à combien revient la construction d’un Pouchel et en combien de temps peut-on le construire ?

 

Daniel Dalby : avec un moteur (d’occasion, bien évidemment) et une instrumentation minimale, ça revient à 2500 € en construisant à partir des plans.

L’association propose également un « kit », plutôt un lot matière, disponible notamment chez ULM Technologie pour moins de 5000 €. C’est sur cette base que nous avons monté une machine en trois jours au salon de l’Aviation Verte 2008. Certains ont construit en trois mois, d’autres deux ans, c’est variable, selon les disponibilités de chacun. Mais l’idée d’une construction accessible reste grandement concurrencée par le marché de l’occasion. Il ne faut pas non plus aller trop vite. Nous avons ainsi eu un lycée technique qui a construit en deux mois, mais le prof m’a fait venir car il était inquiet : c’était dramatique, il y avait une flèche de 5 cm au bord de fuite, le fuselage était vrillé… je lui ai fait tout mettre à la benne.

 

ULMiste : la gamme, aujourd’hui ?

 

Daniel Dalby : à cette heure, deux plans diffusés : le Pouchel Léger et la Demoichelle. Lorsque les échelles ont disparu on est passé au Pouchel II en profilés d’alu, puis il a été allégé notamment en ne laissant plus qu’un seul profilé par aile.

Nous avions abandonné les échelles parce que le fabricant m’a fait savoir qu’il ne voulait plus qu’on fasse voler ses productions.

Finalement, ce n’est pas si mal, puisque nous avons ainsi pu, en oubliant les échelles, gagner près de 40 kg entre le Pouchel d’origine et l’actuel, qui pèse 110 kg. Puis est venue la Demoichelle, qui est une interprétation, je dirais, de la Demoiselle de Santos-Dumont. D’assez loin car si j’avais regardé de près la Demoiselle avant de me lancer dans la Demoichelle, je pense que je ne l’aurais jamais faite parce que c’est une usine à gaz. C’est donc fait à ma façon, vue de loin. Elle connaît un véritable succès puisqu’aujourd’hui une quarantaine de plans ont été diffusés. C’est une machine qui plaît beaucoup.

 

ULMiste : quelle est la proportion de jeunes parmi les constructeurs ?

 

Daniel Dalby : il y a eu beaucoup de constructions avec des jeunes, c’était l’option dès le départ. En lycée, en IUT, etc. Le prototype du Pouchel II a été calculé dans une école d’ingénieurs à Toulouse.

En individuel, on en a très peu, mais on a la chance d’en avoir eu un avec lequel on continue l’aventure puisqu’il est désormais président de l’APEV, en l’occurrence Charles Donnefort. Il a construit son Pouchel à l’âge de quinze ans alors qu’à l’époque il avait juste volé en planeur.

Le souci concernant les jeunes se situe au niveau de l’attractivité de l’aviation en général, qui ne les intéresse pas forcément, alors pourtant qu’une fois qu’ils sont dedans ils peuvent y trouver de l’intérêt. Ainsi par exemple à l’IUT de Chartres où une Demoichellec est en construction, douze jeunes ont construit la cellule en trois mois, venant même pendant leurs vacances pour terminer. Mais là où on est déçus, c’est sur le pilotage : on a mis en place un camp aéronautique à Viabon, juste à côté. Sur les douze, pas un seul ne veut piloter. On avait prévu une sélection draconienne de cinq candidats, on n’en a eu qu’un ! Le camp a donc été annulé. Mais ce souci dépasse de beaucoup Dalby et l’APEV.

 

ULMiste : pour quelles raisons les jeunes ne s’intéressent-ils pas à l’aviation et quelles solutions vois-tu ?

 

Daniel Dalby : le seul candidat que nous avons eu nous a indiqué que ses collègues de BIA lui disaient que ça ne les intéresse pas parce que l’ULM c’est trop dangereux. Ensuite, à mon époque, savoir piloter un avion ou un planeur ça représentait quelque chose, tandis que de nos jours ça me semble assez banal. Les journées ne font que vingt-quatre heures et il y a bien plus de distractions qu’à mon époque. Mais aussi, il faut admettre que l’aviation est une activité exigeante. En vol à voile par exemple, si tu n’es pas là à huit heures, il ne faut pas espérer voler à dix-neuf. Et un jeune ne l’accepte plus. Je vois avec mes enfants : faire un tour d’ULM les amuse, mais ce qu’ils aimeraient bien, c’est apprendre à piloter de quatorze à quinze heures, pour s’en aller avec la machine à seize heures ! J’avoue que c’est un vrai problème, quand on regarde la pyramide d’âges de l’ULM, c’est assez catastrophique. Alors on essaie de s’adapter. Ils passent leurs journées devant leur ordi ? Proposons la simulation. Les expériences qui ont été faites montrent que ceux qui ont déjà piloté virtuellement voient leurs formations raccourcies. C’est donc une piste à explorer, à petites doses toutefois, la réalité n’étant pas la fiction.

Ensuite, je pense qu’il faut pouvoir proposer des formations les plus rapides possibles. Donc, avec des machines qui soient simples et sûres, ce qui n’est pas forcément la tendance actuelle.

 

ULMiste : alors, justement, cette tendance actuelle ?

 

Daniel Dalby : ce que je pense de la tendance actuelle ? Pour moi, elle est dramatique ! A force de vouloir ressembler aux avions, on oublie ce qu’on était au départ mais à la rigueur, peu importe, le fond du problème n’est pas là. Le vrai gros souci est qu’un ULM haut de gamme est beaucoup plus dangereux que par exemple un DR400. Ces ULM vont aussi vite, voire plus. Compte tenu des limitations de masses, qui même si elles ne sont pas respectées parfaitement le sont tout de même plus ou moins, un ULM a beaucoup moins d’inertie, donc beaucoup moins de défense dans une aérologie mouvementée. Ce qui signifie que l’utilisation ne peut être la même. On se retrouve donc avec des ULM qui ressemblent à des avions, mais qu’on ne peut pas utiliser comme des avions! Ainsi par exemple, quand je vois le Tour ULM qui vole dans des conditions marginales je dis attention ! Ce n’est pas parce que l’avion vole que les ULM peuvent voler aussi. On ne peut pas faire la même chose avec un ULM qu’avec un avion.

 

ULMiste : donc on n’insiste pas suffisamment sur les différences ?

 

Daniel Dalby : oui, le discours des vendeurs, par exemple : “vous avez tous les avantages de l’avion sans en avoir les inconvénients”. Ils ne vont pas dire “ça ressemble à un avion mais ce n’est pas quand-même tout à fait pareil.”

 

ULMiste : que penses-tu de la politique fédérale ?

 

Daniel Dalby : en ce qui concerne la classe 6 ? (rires)

 

ULMiste : non pas en particulier, mais de façon générale.

 

ULMiste : Les dirigeants se dévouent pour le mouvement ULM. Je ne vais pas m’en plaindre, le Scoutchel qu’on vient de réaliser a été en partie subventionné par la fédé. Celle-ci nous a dit que la Demoichelle n’est pas mal, mais qu’il faut une machine tricycle. On nous a donc donné deux mille euros pour faire le Scoutchel.

Mais pour élargir, je pense qu’il est plus qu’urgent de faire une super fédération aéronautique qui regrouperait toutes les activités, pour par exemple prendre la défense des aérodromes. Un maire qui constate qu’un club de quinze membres occupe 125 hectares a vite fait son calcul. Alors que si on lui répond qu’il y a cent mille pratiquants derrière, ça change tout.

 

ULMiste : ça existe via le CNFAS, non ?

 

Daniel Dalby : oui, mais seuls les initiés comme nous le savent. Il faut communiquer plus autour et plus d’actions de long terme et suivies. On est dans un monde de l’instant. On fait des annonces mais on ne suit pas derrière. On est trop dans l’information immédiate et pas assez dans le constructif à long terme.

 

ULMiste : que penses-tu de la presse, a-t-elle un rôle à jouer dans l’évolution de l’aviation légère ?

 

Daniel Dalby : (grands rires) là aussi, je suis pour le regroupement des genres. Quand je vois un magazine paramoteur, par exemple, je trouve que c’est encore une division là où il faudrait au contraire regrouper. Ainsi, je n’ai rien contre un magazine qui ne parle que d’ULM, mais je pense qu’il faut essayer de montrer qu’on est dans la même famille, sans classes, compartiments, etc. C’est mon état d’esprit.

 

ULMiste : l’un n’empêche pas l’autre ! On habite tous dans un village, mais chacun dans sa propre maison.

 

Daniel Dalby : oui, mais il faut montrer très fort que tout le monde habite le même village. Je pense que le souci est là aujourd’hui. Sans être pour un système unique, (on n’est pas en Union Soviétique), mais défendre le village me semble être l’urgence du moment. Autre chose qui me semble être une belle connerie : il n’y a aucune passerelle entre l’ULM et l’avion. Deux cent heures de vol en ULM ne valent rien en avion, alors qu’une telle expérience pourrait permettre par exemple d’obtenir le brevet de base après un simple test en vol. Piloter un DR400 n’est pas plus difficile que la plupart des ULM.

 

ULMiste : que penses-tu de la formation, de la sécurité, des accidents ?

 

Daniel Dalby : n’étant pas instructeur ULM, je n’ai pas d’avis sur la formation. Mais la sécurité me préoccupe. Il me semble que l’autoévaluation montre ses limites. On constate que sauf exception les jeunes brevetés ne se tuent pas, tandis que beaucoup d’accidents surviennent à des pilotes expérimentés, voire des instructeurs. Ce qui ne veut pas forcément dire grand-chose, il y a tellement d’instructeurs qui ne forment pas d’élèves et ne volent pas beaucoup. Nous manquons de remise en cause, même si les causes des accidents sont multiples et très différentes selon les cas. Il y a aussi un défaut de communication. La presse régionale parle systématiquement d’ULM dès qu’il y a un accident d’avion léger et personne ne répond. On comprend mieux nos jeunes qui trouvent que l’ULM est trop dangereux.

 

ULMiste : comment vois-tu l’avenir et comment souhaiterais-tu le voir ?

 

Daniel Dalby : l’idée du Pouchel était de montrer que l’aviation peut être accessible, contrairement à l’idée qu’on s’en fait. Le but était de montrer que pour le prix d’un Booster on peut faire un Pouchel. Dans la société de consommation dans laquelle on vit, c’est la première question qui est posée par les jeunes « m’sieur, combien ça coûte ? » Quand on leur dit qu’il faut construire, l’idée n’existe même pas. Je ne peux donc pas dire que je suis d’un optimisme forcené, mais je crois toujours à mes idées et je continuerai.

 

ULMiste : peut-être que l’aviation n’est tout simplement pas une activité pour les jeunes ?

 

Daniel Dalby : j’avais été invité à participer à une commission destinée à relancer l’intérêt pour l’aviation auprès des jeunes, dont la conclusion fut qu’il fallait construire des DR400. J’avais fait remarquer que lors de sa sortie, en 1970, la voiture de l’année était la Fiat 128 et que, selon moi, ce sont plutôt les machines en carbone italiennes qui font rêver, comme leurs autos. Mais le souci est que ce genre de machine demande un apprentissage long et rigoureux, tandis qu’une auto puissante peut être utilisée calmement. On en revient donc à la question de l’accessibilité et on se mord la queue. Les jeunes veulent tout, tout de suite. Mais je pense aussi qu’en allant les chercher le plus tôt possible on obtient de meilleurs résultats. Ainsi par exemple, le proto du Pouchel II Classic (avec fuselage en bois) a été construit en moins de 6 mois à Albi avec les jeunes de 12-13 ans de la maison de quartier de Cantepau (34 nationalités). Même s’ils ne finiront pas tous pilotes, il en restera quelque chose.

 

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