Les Balkans
Article paru dans ULMiste n°6 et n°7, octobre et décembre 2011
Les Balkans
Le 21 Avril 2010, ma femme et moi décollons de la Possardière, dans le sud Nantais où Claude Ber a gentiment hébergé notre pendule. Ma piste, à 10kms de là, déformée par l’âge (comme nous) se fait faire un lifting (non, pas comme nous).
La Za est rassurée par ce superbe QuikR acheté 8 jours plus tôt et par le ronronnement régulier du 912 et de ses 70 heures.
Nous voguons vers Meaux et son club Véliplane qui compte parmi ses membres un Serbe, Boban, surnommé Bob l’éponge. Ses dirigeants, Serge et Geneviève Bouchet, ont eu l’idée d’envoyer une tête de pont vers le club ULM de Belgrade où Bob gare son pendulaire. Ils confient la logistique à Jérôme Prompsy, mon délicieux compagnon de voyage africain qui, pour une fois, effectuera ce voyage en autogire. Hervé Catry, Véliplane également, ne me tiendra pas rigueur en nous accompagnant avec son Quik GT450 que j’étais à deux doigts d’acheter quelques jours auparavant. Stéphane Wickers sera son passager. Nous récupérons à Epinal notre quatrième ULM, un Super Guépard piloté par Louis Bidault.
Suisse
Les toitures colorées de la petite Venise de Colmar nous caressent les yeux. Nous résistons à l’appel de l’aérodrome accueillant de Konstanz, mais succombons à celui du lac et de son côté sud…en Suisse. Nos ULM hybrides enclenchent automatiquement, sur le trait de frontière, nos moteurs électriques pour respecter la furieuse tendance écolo de nos discrets voisins (on peut rêver, non ?). Nous traversons le lac en son milieu, entre la CTR de Saint Gallen en Suisse et celle de Friedrichsafen en Allemagne. Nous sommes attendus et parfaitement bien accueillis à Kempten-Durach. La 98 à la pompe, les hangars s’ouvrent et l’hôtel à 200 mètres. Le rêve.
Allemagne
La Bavière est resplendissante ce matin. Les collines doucement arrondies et vert cru, quelquefois recouvertes d’une légère brume dans les creux, nous laissent une sensation de sérénité apaisante. Nous approchons des montagnes. Au pied du Tegelberg, nous découvrons le château du roi fou, Louis II de Bavière. « Arrête, arrête, nous allons nous exploser sur la montagne » me crie Isabelle, tellement Neuschwanstein y est collé. Nous frôlons les drôles de tours rococo.
Autriche
Pratiquement sur la frontière autrichienne, nous sommes impressionnés par le château médiéval de Burghausen construit sur une crête de montagnes de plus de 1000 mètres de long, particulièrement étroite. Restaurant très classe, sur l’aérodrome de Ried où 8 trois axes allemands s’abreuvent avant de passer en Italie.
Depuis Nantes, sous un ciel bleu, nous avons du 20 à 30 km/h dans le nez, ce qui ne ralentit que très raisonnablement notre Quik. Mais le ciel se couvre dans l’après midi, la visibilité devient franchement très mauvaise et le vent grimpe à 45 km/h, toujours dans le pif. Un ULM ou avion me passe sous le nez. Route par le travers, je le découvre en plein dans l’axe et à quelques dizaines de mètres devant moi. Je suis rarement la tête dans le guidon, et pourtant je n’ai rien vu venir. Je pense que lui-même ne m’a pas vu ! J’en tremble encore. Nous hésitons à nous poser plusieurs fois, mais réussissons à contourner Vienne par le nord et atteindre Spitzerberg à la frontière Hongroise. Ce petit aérodrome, très accueillant, est parfait. Hôtel, resto, hangar, essence, douanier. Tout cela avec le sourire. Nous nous reposerons le lendemain en visitant le fief de Sisi.
Hongrie
Comme Jérôme nous a tous inscrits comme membres du Qtai Flyt Club, Helmut Stern nous ouvre grand les bras sur la plate-forme ULM de Tokorcs et c’est attablés qu’il nous remettra à chacun un sac de noix et un guide de sa création sur toutes les pistes de Hongrie. Curieusement, le hangar a été vidé pour recevoir un concours de beauté de bouledogues américains. Nous déjeunons donc au milieu des chiens, tenus en laisse par leurs mémés. Nous dévalons la Hongrie et effectuons quelques piqués et rase-mottes sur de très nombreux chevreuils. Nous traversons le lac Balaton pour atterrir sur le terrain privé du château d’Hertelendy. Deux larbins nickel propres nous servent sur la terrasse un petit goûter fort sucré. Nous en profitons pour nous laver dans la piscine à débordement et au moment de régler, nous sortons, un tantinet gênés, nos bons de soupe, trouvés dans le bouquin d’Helmut.
Nous remontons sur Balaton-Keresztur. Dans les pays de l’est, ce n’est pas grâce à la manche à air que vous repérez les terrains, mais à l’inévitable Antonov présent sur chaque base, en ruine ou en état de vol. Celui-ci est superbe. Louis m’emmène survoler le lac dans son Super Guépard. Mouais…ça manque d’air là-dedans. Nous avons un peu de mal à ingurgiter les nombreux verres d’alcool qui défilent : sur la base, au restaurant sur le lac et même avant de nous coucher dans la belle villa de Josef.
Szabó Gyorgy, dit Georges, que j’avais connu pendant le tour de Roumanie, se met en quatre pour notre plus grand plaisir. Il nous prend en charge à Budaors, aérodrome pratiquement dans Budapest, et nous trimballe pour admirer les plus beaux sites de sa capitale : du château de Buda pour admirer Pest et son parlement, etc. Il nous emmène chez Peter Besenyei, l’un des 10 premiers pilotes voltiges mondiaux et le concepteur de la Red Bull Air Race. Il est passé entre le Danube et le pont de Chaîne en plein centre de la ville, la tête en bas. Il nous arrose très largement au milieu de ses centaines de trophées. Un ami de Louis nous invite gracieusement au restaurant. Le GPS est totalement insuffisant pour retrouver notre chambrette.
Serbie
Nous déjeunons à Szeged, aérodrome douanier, juste à la frontière de la Roumanie et de la Serbie. Nous déposons notre plan de vol à la tour pour Belgrade et les douaniers nous font payer leurs services une fortune. Après le passage vertical de la plate-forme ULM, 6,5 kms plus loin, nous nous intégrons en vent arrière sur l’aéroport international. Bigre, nous avons perdu Louis, notre poisson pilote transpondeur. S’en suivent quelques 360 et phraséologies plus que moyennes. Pendant ce temps, un petit Airbus attend sagement au point d’arrêt. Après le monceau de paperasses habituelles, nous redécollons pratiquement de nuit, et 3mn plus tard sommes accueillis par Bosko, pilote de Mig 21. Les pilotes du club de Letenje nous soignent aux petits oignons. Nous poussons leurs pendulaires, Pionner, CT, Jabiru pour être sous le même toit.
En visitant Belgrade, nous voyons quelques immeubles en partie détruits. Nous rentrons discrètement la tête dans les épaules. C’est quand même nous qui leur avons balancé des bombes sur la tronche il n’y a pas si longtemps. Le soir, grande fête au club. Echange de cadeaux et discours très émouvants et chaleureux. Le sympathique Bob et son fiston d’une dizaine d’années sont en face de moi. Il épongera très raisonnablement.
Le lendemain, manip inverse, 6,5 km, plan de vol, je tourne la clef de contact… et rien ne se passe. Jérôme appuie sur une cosse de batterie et… gaz : « Ne t’inquiète pas, une fois démarré, le Rotax ne s’arrête plus. Rien à voir avec ton BMW ». En fait, j’ai cassé un plot en donnant un magistral coup de pompe dans la batterie en m’installant dans mon appareil. Elle est située sur la poutre juste derrière le tableau de bord. Nous effectuons une directe via Dubrovnik en survolant les 200 kms de montagnes du Monténégro à plus de 10 000 pieds. Nous sommes au-dessus de la couche et découvrons ces gigantesques chaînes enneigées entre les petits cumulus en formation. Nous sommes à cheval sur la frontière tortueuse et passons de Serbie en Bosnie Herzégovine et Monténégro et vice versa. Subitement, nous quittons ces sommets, plongeons littéralement dans cette fabuleuse Adriatique et découvrons Dubrovnik comme nous en rêvions. Nous récupérons Louis qui est passé par Sarajevo et nous nous intégrons très pro en longue finale, verticale la vieille ville.
Croatie
Aussitôt atterri, je démonte ma batterie et un technicien de l’aéroport me soude gracieusement le plot déficient. Jérôme nous négocie une voiture pour 40 € et nous descendons illico dans une petite crique, la radio à donf ! Nous sommes tellement heureux que nous dansons un rock endiablé au milieu de la route et allons tous faire trampinette dans les eaux transparentes et délicieuses de l’Adriatique. Pour un 30 avril, nous la trouvons particulièrement agréable. Rafraîchis, nous arpentons la citadelle, l’ancienne Raguse, concurrente de Venise au Xe siècle. 68% de la vielle ville a été détruite par des obus de l’armée Yougoslave en 1991 puis deux ans plus tard par l’armée Serbo-monténégrine. Tout a été refait à l’identique. Nous l’arpentons tranquillement, les touristes ne l’ayant pas encore prise d’assaut. Plan de vol pour Split. Nous sommes en mer, et transitons d’île en île, quand j’entends Zaza me dire : “Henry, nous n’avons jamais fait de vol aussi beau”. Ouaah ! Je bois du petit lait. De fait, dans une météo exceptionnelle, nous admirons les dégradés de bleu, les îles sauvages, les petits ports tous plus beaux les uns que les autres… et de plus avec une femme particulièrement heureuse. Même pas peur la Za. Je n’en reviens pas! D’ailleurs je ne cherche même plus à comprendre. On me l’a changée. Que ce soit à plus de 3000 mètres au-dessus des montagnes enneigées du Montenegro, non vachables, ou, continuellement au-dessus de l’eau, parfois très loin des îles… Je me demande si elle sait ce qu’un cône de sécurité veut dire. Finalement, tant mieux, car le cône, il est sous l’eau, actuellement.
En final, nous découvrons la ville médiévale de Trogir. Petite auto, petit bain, fruits de mer à Split… bref, le train-train quotidien quoi ! Louis nous achète des sardines fraîches que nous dégustons crues entre deux bains.
Nous continuons à remonter la côte Dalmate. Je vous dispense des noms des îles survolées totalement imprononçables, à part Losinj qui m’accueille pour la troisième fois. L’aérodrome nous facturera une grosse poignée de Kunas pour l’avoir (soit disant) ouvert uniquement pour nous. Nous contournons Pula pour nous poser à Vrsar. Son responsable nous facilite grandement notre départ de la Croatie qui arrange bien notre entrée en Italie toujours compliquée.
Italie
A Caposile, nous tombons en plein déjeuner de club avec leurs pilotes handicapés. Ils nous y convient joyeusement. Par manque de place nous repartons pour Caorle, à quelques kilomètres à l’est. Nouvelles structures, immense hangar, parfait. La météo commence à changer. Nous laissons Venise à bâbord, déjeunons fort bien à Spessa-Pô et poursuivons sur Boglietto, au pied des Alpes. Nous nous installons dans un super agro-turismo et disputons, Za, Stéphane, le fiston de la maison et moi, une partie de foux-furieux au baby-foot.
La France
Nous nous enquillons dans la vallée de Susa, particulièrement chargée et constatons que tout est bouché au bout du lac du Mont-Cenis. Nos compagnons passent au-dessus. Nous ne les reverrons plus. Ils seront chez eux le soir sans problème. Isabelle ayant un très mauvais souvenir d’un vol “on top”, nous effectuons un 180 et passons la frontière plus aisément par le col de Montgenèvre, puis le col du Lautaret. Nous comptions nous poser à l’Alpe d’huez, mais la piste est encore recouverte de neige. Nous serrons un peu les fesses dans les gorges très étroites de la Romanche, le plafond baissant de plus en plus. Enfin Grenoble le Versoud et Bénédicte, l’adorable instructrice pendulaire, nous réchaufferont, nous abreuveront et nous sustenteront. Nous passons au ras du massif de la Chartreuse pour éviter de survoler le ciclotron. La météo se dégrade de plus en plus et je retrouve enfin ma Za qui pète les plombs et m’enjoint de me poser fissa. Elle réussit à me convaincre de jeter l’éponge, soutenue très largement par le charmant responsable de l’aérodrome de Roanne. Après tout, nous sommes chez nous, et nous terminons cette très belle aventure en rentrant en train !
10 jours plus tard
1 mariage bien arrosé + couché tard + 6 heures de route + décollage dans mauvaise météo + approche sur piste inconnue, pas tondue et humide + altitude à 1100 mètres + vent très très fort, rafaleux et plein travers + premier atterro sur terrain court avec un appareil speed = Patatras = tout pété !
A 10 bornes de là, le chirurgien de l’hôpital du Mont-Dore, lieu de ma cure de 3 semaines pour mes sinus et mon asthme (je ne pouvais donc pas me passer de mon jouet), me couture un mollet et se déclare totalement incompétent pour suturer mon ego totalement déchiré, disloqué, détruit. (mais que leur apprend-t-on en faculté ?).
J’ai déjà écrit que je me trouvais nul…. eh bien, c’est confirmé !
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