top of page

J'irai dormir chez vous... en paramoteur !

Jour 4. « Un mal pour un bien »

 

Comme convenu c'est Jean-Yves notre hôte qui nous réveille vers 06h00. Il fait encore nuit ...et incroyablement doux. Nous conditionnons nos "sacs - bivouacs" et répondons très favorablement à l'invitation au petit-déjeuner. Confortablement installés dans un douillet salon agrémenté d'une cheminée en pierres de taille, nous avalons une grande tasse de café et un cake maison digne d'un chef pâtissier. Nous convenons de la suite des évènements. Laurent va vérifier et préparer les machines pendant que je pars en ville chercher de l'essence avec Jean-Yves qui accompagne sa fille au lycée en voiture.

Visite express d’Angoulême qui me permet d'en découvrir un peu plus sur le patrimoine local grâce à mon chauffeur intarissable en matière d'histoire de l'art. Le trajet du retour est humide. Des gouttes frappent le pare-brise. Le ciel s'assombrit. Au loin des rideaux de pluie sont bien visibles. Nous arrivons dans le pré qui fera office de piste. Laurent a tout préparé mais les ailes sont cachées sous notre bâche en raison des averses. Nous retardons notre départ et Jean-Yves nous convie à un deuxième café chez lui. Nous vérifions la météo sur Internet : pas terrible. Nous jetons un oeil dans le ciel entre chaque gorgée de café. Jean-Yves semble s'être pris au jeu. C'est amusant de constater, une fois la surprise et les inquiétudes dissipées, combien les personnes que nous rencontrons s'impliquent dans notre tentative de traversée. On sent qu'il veut nous aider et reste entièrement disponible pour favoriser notre envol. A la faveur d'une éclaircie nous rejoignons les machines que nous installons en tachant de profiter de la pente. Le vent a totalement disparu. Le stress du décollage réapparait : « déco raté : galère assurée! ». Lolo part en premier : voile de travers au gonflage...la tentative de récupération échoue...il se dessangle et amorce une nouvelle installation alors que je suis à l'essai de poussée moteur. Je décolle....et me place en attente au dessus du terrain en saluant Jean-Yves ainsi que son épouse sortie dans le jardin en robe de chambre pour assister à notre départ. En un rien de temps, Lolo est à nouveau prêt...et décolle sans encombre. Ce moment illustre bien l'écart d'expérience qui me sépare de mon coéquipier. Le temps de préparation de Laurent me fait penser à une écurie de formule 1 : sauf que là, il est seul ! Les gestes sont pesés, rapides, précis et uniques. Le résultat bluffant ! Enfin en l'air, nous ajustons le cap direction Chalais où nous avons imaginé faire escale pour refueler avant de rejoindre par un second saut de puce Saint-Emilion. Quitte à traverser la France, autant le faire par les bonnes adresses ! La première partie du vol est parfaite, conditions laminaires, beau paysage, ciel couvert mais correct. Au bout de 20 minutes l'ambiance change radicalement. Nous passons un, puis deux, puis trois rideaux de pluie. Le troisième n'est plus vraiment un rideau...plutôt "un volet" ou "une volée", tellement les gouttes se font cinglantes sur le visage. Je suis obligé de voler avec la tête tournée à 90 ° par rapport au vent relatif sinon mes yeux me brûlent. S'ajoutent à cela des nuages soudés des deux côtés qui provoquent des rafales. Celles-ci nous pénalisent sérieusement dans le maintien du cap. Nous volons à présent avec une dérive significative qu'il faut en permanence compenser. Cette action est rendue fatigante du fait de nos sacs qui ont une prise au vent importante sur le côté. Au sol les reliefs ne facilitent pas les écoulements. Les vitesses/sol sont très variables : de 18 à 50 km/h ! Tout cela entame mon capital confiance et j'envisage de poser après qu'une dégueulante ait réussie à me tordre le moral, n'arrivant que difficilement à m'en extraire malgré les chevaux de mon Moster. Laurent reprend la main par radio et me pousse à continuer. Mon mentor gagne la manche contre mon petit diable qui me disait : "Marc va te poser et te réchauffer dans un petit bistrot de campagne bien confortable plutôt que de prendre la flotte sur le museau". Je reprends de l'altitude et repart cap 175. Environ 15 km plus loin, nouvelle pluie fine, nouvelles turbulences...et nouveau "psychotage" qui rajoute à mon anxiété : vais-je avoir assez d'essence pour atteindre l'objectif ? Il ne reste pourtant que 12 km à parcourir. Cette fois c'est décidé : je pose ! J'annonce cela à Laurent mais la radio fonctionne à nouveau mal. Je passe en basse couche et y suis accueilli par des turbulences encore plus présentes. Je scan les environs. Tiens un beau château ! Je m'approche pour voir si c'est posable dans les tournesols coupés : pas terrible ....Mais qu'est ce que c'est cette ligne percée dans le champ de maïs à côté ? Et qu'est ce que c'est que ce tube de tissu rouge et blanc qui flotte au vent ? Incroyable : J'ai une piste d’avion privée sous mes pieds ! La providence ! Deux trois six plus tard et me voici posé...Laurent est là dans la minute. Nous rangeons notre matériel sous le petit hangar qui sert d'abri à un tracteur mais qui semble dimensionné pour un avion. Nous réalisons combien il risque d'être difficile de repartir. La piste est longue de 800 m  ..mais elle fait 25 m de large uniquement....et le vent est travers ! Qu'importe. La priorité est de trouver de l'essence et de faire une pause. Nous partons en reconnaissance côté Château. Le site est féérique, le jardin qui nous sépare de la demeure d'époque 18ème présente en son centre des cèdres qui doivent dater d'avant la construction. Des saules pleureurs gigantesques font office de clôture entre cet environnement très soigné et les champs alentours. Au détour du bâtiment nous découvrons Daniel. La soixantaine bien portée, le contact est franc, direct, authentique. Nous sommes tombés chez un passionné d'aéronautique. Il nous accueille comme des pilotes. Nous prenons un café et faisons connaissance de sa compagne Lyne, très avenante et toujours souriante. Nous apprenons que ces "jeune tourtereaux" ne vivent ensemble que depuis quelques mois et nous sommes touchés par l’enthousiasme, la liberté et la joie qui semble caractériser leur relation. Daniel nous prend dans sa voiture pour aller chercher notre dose quotidienne de Sans Plomb 98. Le temps du trajet nous sympathisons et c'est tout naturellement qu'il nous propose de déjeuner chez lui. La perspective de passer un peu de temps dans le cadre extraordinaire du château et d'en savoir plus sur les lieux et leurs propriétaires nous enchante. Pendant que je fais le plein d'essence Laurent part au supermarché et trouve une bouteille de Châteaux-Margaux et un gâteau au chocolat, histoire de ne pas arriver les mains vides. Le repas est incroyable. Apéro au Ricard doublé d'un porto, tomates au persil fraichement récoltées au jardin, bavettes accompagnées de frites maison et d'une sauce à l’échalote préparée en direct par Daniel qui nous avoue alors être restaurateur à la retraite. La bouteille de rouge choisie avec soin par Laurent ne verra pas la couleur du dessert. Nous découvrons un nouveau digestif : la" Sève de feux de joie". Nous comprenons rapidement son étymologie ! Mais au delà de l'aspect gastronomique, c'est l'humour de nos hôtes que nous retiendrons. Chaque phrase est prétexte à rire. Daniel est un disque dur à histoires drôles et à expressions déjantées.

Vers 15h00, nous sortons de table et tout le monde part faire la sieste. Laurent et moi nous jetons dans les canapés situés dans les grandes pièces du rez-de chaussée. Sieste obligatoire ! Ce n'est que vers 17h00 que nous retrouvons nos esprits. Daniel et Lyne ont quitté les lieux. Daniel prend aujourd’hui possession d'un avion qu'il vient d’acheter. Il est donc parti en voiture sur l'aérodrome le plus proche car il a planifié de faire des approches sur son propre terrain voir même de s'y poser. Signe de la confiance établie, la maison est ouverte et nous y sommes seuls. Les neurones se reconnectent doucement au fur et à mesures que les vapeurs d'alcool et les calories ingurgitées se dissipent ...

Il est temps de revenir aux choses sérieuses et de se mettre en l'air. Les inquiétudes concernant le décollage au regard de la configuration de la piste et du vent traversier se matérialisent. C'est au pied du mur qu'on voit mieux le mur ! Je retourne à l'école avec mon instituteur :

Enoncé du problème : Je suis paramotoriste, j'ai à disposition une piste de 800 m de long et 25 m de large avec des murs de 2.5 m de haut en maïs de chaque côté. Le vent est à 90°. La convection est encore active. Je suis chargé avec le plein et un sac ventral de plus de 12 kg. Je suis fatigué...et objectivement j'ai trop mangé à midi ! Travail demandé : décoller coute que coute et prendre le cap 170 pour rejoindre avant la nuit la ville de

Sainte Foy La Grande finalement la mieux orientée dans le lit du vent au regard du dernier bulletin météo consulté. Réponse : Je me concentre, je fais une prière, je gonfle travers piste, réoriente l'aile sur la piste, cours à fond, mets les gaz progressivement et avale la piste jusqu'à m'envoler ! Ok c'est juste ! Annonce mon instructeur. Passons aux travaux pratiques ! Installation minutieuse. Laurent par en premier ! Démo parfaite...Il est en l'air en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. La pression monte pour moi. Je m'élance. La voile se gonfle...elle est sur ma tête... je rétabli à 90 °, je mets les gaz, trop fort, le couple m'emporte. Je lâche les gaz, récupère mon cap et pousse le Moster plus progressivement, mes jambes accompagnent, je mets du frein sur la fusion ....et ça marche ! Récompense de ce décollage difficile : Daniel arrive en avion sur sa piste et nous envoi un message amical en donnant du roulis à sa machine. Nous battons des bras pour dire au revoir et merci ! Nous sommes vent arrière. La vitesse oscille entre 50 et 60 km/h. Le paysage est splendide. Nous circulons plus haut que d'habitude en raison de grandes forêts. Je construis un itinéraire en fonction des "vaches" (terrains de secours) par mesure de précaution. Arrivés à Sainte Foy nous tombons directement sur le terrain d'aviation. Nous posons. Accueil froid au restaurant de l'aérodrome et de l'instructeur avion local. Qu'importe. Nous trouvons une serre qui protège les remorques des planeurs. Parfait pour un bivouac ! Nous rangeons le matériel à l'abri et filons vers la ville, à pieds, à travers la foret tant qu'il fait jour pour chercher de l’essence et notre repas du soir. Nous nous attablons chez " Mac Donald" en compagnie d'un pilote d’avion d'origine américaine. Il nous ramènera sur l'aérodrome en voiture nous évitant ainsi de porter notre jerrican de 15 litres de super. Avant de dormir, Lolo répare son lanceur et vérifie les machines. Je fais les pleins, regarde la nav du lendemain et prépare le bivouac. Chacun son job ! Nous nous couchons sur nos voiles avec une température clémente. Pas de doute, maintenant nous sommes dans le sud !

Jour 5. « Objectif Montauban – Course contre la montre. »

La nuit dans la serre s’est bien passée. Nos paupières se soulèvent au rythme du soleil qui sort de l’horizon. Calme plat sur la plateforme. Pas âme qui vive, pas de vent, pas un bruit … Nos têtes sortent des duvets. Nous sommes souriants mais les traits marqués de nos visages trahissent la fatigue accumulée depuis 5 jours. Deux barres de céréales chacun et quelques gorgées d’eau feront office de petit déjeuner frugal. Nous levons le camp sans stress. Inutile de se jeter sur la piste avion pour un décollage sans vent.

Transfert du matériel sur la piste. Je ne suis pas pressé d’installer la voile. Pendant ce séjour j’ai appris à le faire au dernier moment pour être certain de l’orientation du vent.

Un pilote pendulaire arrive sur place et sort sa machine du hangar. Nous allons le saluer. Ses yeux brillent lorsque nous lui expliquons d’où nous venons et où nous allons. Très intéressé par nos aéronefs de poche il propose de prendre des photos. Il restera avec nous jusqu’au décollage. Toujours pas de vent au sol. Pourtant en altitude les alto-cumulus filent plein Est …conformément aux prévisions météo de la veille. Finalement, nous profitons de la légère pente travers piste. Comme d’habitude Laurent est prêt avant moi. Il gonfle la voile. Celle-ci est un peu paresseuse. Il force sur les avants, s’aide un peu du moteur, la récupère dans l’axe de la piste et s’envole. A mon tour. La voile est au dessus de la tête. Je mets les gaz à fond et me fais à nouveau surprendre par le couple …comme hier. Je décélère et reprends de façon plus progressive… me voici en l’air. Nous survolons Sainte Foy et arrivons sur les coteaux qui présentent des reliefs assez  rononcés. Les turbulences de basses couches disparaissent lorsque nous pénétrons dans le lit du vent à 600 m. Vitesse moyenne de l’ordre de 50 km/h, air calme, paysage varié qui traduit la richesse de la région. Les demeures ont énormément de caractère, absolument rien ne vient gâcher la beauté du paysage. J’ai cette pensée en l’air : cet endroit est magnifique et propice à la vie. Météo clémente, eau, forêts, champs fertiles. On comprend pourquoi on retrouve ici de nombreuses traces des berceaux de l’humanité.

 

Après 20 mn de vol nous rattrapons une couche de cumulus humilis qui plafonnent à 500 m. Entre temps le soleil a largement dépassé l’horizon et la lumière irradie le ciel. La suite du vol est simplement magique : nous croisons à 60 km/h en rasant les nuages inoffensifs. Moutonneux et fragmentés, ils permettent de ne pas quitter le sol des yeux. Inactifs, ils nous offrent la possibilité de slalomer entre eux. C’est féérique ! Que rajouter ? Rien ne peut être plus beau. C’est notre meilleur vol. Les images de la voile de Laurent se frayant un chemin en souplesse entre les amas blancs, au dessus de la mosaïque de champs, forêts et hameaux de Dordogne resteront un souvenir inoubliable…Il y a quelque chose de divin. Cette demi-heure parfaite est la récompense des efforts consentis depuis cinq jours. Nous arrivons sur la vallée du Lot. Changement de décor brutal. Face à nous, des stratus très sombres bloquent notre route. Les habitations au sol se sont densifiées et il faut à nouveau cheminer en vérifiant les terrains propices à une éventuelle urgence.

Nous survolons à présent Villeneuve sur Lot. Il est prévu que nous nous y posions pour refueler. Je laisse descendre en réduisant les gaz…J’arrive dans les turbulences et décide de trimer l’aile pour faciliter la recherche d’un terrain propice. J’aperçois l’aérodrome de l’autre côté de la ville. Un planeur est au point fixe. J’avance vers lui. A environ 1000 m de la plateforme, je constate que le planeur est en fait une grosse croix blanche sur la piste. L’aérodrome est fermé. En bordure de piste il y a des dizaines de véhicules garés et les abords sont aménagés en circuit équestre. Le site est utilisé pour une compétition d’équitation ! Retour sur la ville. Il faut trouver une station essence avec un champ posable à proximité. Un champ carré de plus de 200 m de côté est présent en bordure de Lot. Nous posons. Pendant que Lolo sort le jerrican pour l’essence je contrôle ma machine : surprise : mot pot d’échappement est fendu en deux ! Je suis vraiment étonné car je n’ai perçu aucun changement significatif de son ni aucune vibration particulière lors du vol. Impossible de le réparer seul. Deux options : ou nous trouvons un soudeur à proximité , ou bien nous appelons la base de Montauban pour nous faire livrer un Pot. Nous imaginons le faire larguer par un ulm pendulaire. Nous activons les téléphones …

Le facteur météo tranche pour nous : nous sommes en limite de dépression. Nous n’avons que quelques heures devant nous. Si nous ne décollons pas avant 16 ou 17h nous serons coincés à Villeneuve pour plusieurs jours. Le chrono s’enclenche. Il faut faire vite. Pas le temps de trouver un soudeur… et nous apprenons que le pendulaire ne peut pas décoller avec le plafond bas sur Montauban. Nous sommes sauvés par David, l’instructeur pendulaire de Montauban et Eric, élève paramoteur de la base. Ils prennent le pot, montent dans leur voiture et foncent sur Villeneuve ...à 1h30 de route ! Leur disponibilité et leur générosité sauvera notre journée ! Nous patientons dans une brasserie. Ils sont là vers 13h00. Nous les invitons à déjeuner rapidement puis nous filons vers le champ en faisant étape à la station essence. Changement du pot d’échappement par « lolo chrono service express ». Je commence à penser que lolo devrait monter une franchise « Speedy Paramoteur » ! Tout fonctionne. Nous installons nos machines sous les yeux de nos sauveurs. Décollage rapide en portant une attention particulière à une ligne téléphonique en bord de champ. Prise d’altitude avant de traverser la rivière Lot. Le ciel est couvert. Le vent bien présent. Lolo monte vers 700 m. Je le suis. Rapidement nous apercevons les panaches de la centrale nucléaire de Golfech. Carte, boussole et GPS deviennent inutiles avec un tel repère. Nous filons au plus vite.

Notre objectif est de rallier Montauban avant de se faire coincer par la Météo. Nous sommes un peu secoués par les variations de vent. Les stratus foncés se gonflent parfois un peu …nous sentons quelques turbulences en passant sous leur plancher. Parfois la voile passe devant… J’ai un peu de mal à interpréter le phénomène … mais cela ne semble pas dangereux. Castelsarrasin, La Garonne et le Tarn apparaissent. Puis au loin, Montauban ! Soudain nous distinguons face à nous deux voiles de paramoteur. Elles se rapprochent à grande vitesse. Elles volent à notre rencontre ! Olivier Marty, propriétaire de la base ulm de Montauban et Sébastien Morufet, pilote paramoteur Montalbanais ont décidé de nous accueillir en vol. Belle surprise de la part des copains et moment d’émotion intense pour Laurent qui travaille sur cette base depuis plusieurs mois. Nous posons tous ensemble et faisons quelques photos pour immortaliser ce moment de partage. D’autres pilotes et amis sont venus pour l’occasion à la base…La soirée rassemblera tout le monde pour une petite fête avec grillade. Nous nous coucherons très tard. Laurent retrouve sa caravane (le « FLY HOME ») et je squatte le petit chalet qui sert normalement de salle de cours.

 

Jours 6 et 7 « L’attente »

 

Une base ULM sous la pluie c’est comme une mer sans soleil, une voiture sans roue, une crêpe sans nutella, un apéro sans olive…On sent bien qu’il manque quelque chose. Le moral reste bon malgré que nous soyons verrouillés au sol. Aux bulletins météorologiques défaitistes se succèdent, film au cinéma, petit resto en centre ville, sieste et remise en conditions. Les corps sont fatigués et se sentir au chaud, en terrain connus permet de recharger les batteries. La situation nécessite d’établir une stratégie pour la suite de la semaine ; il apparaît clairement que le ciel ne nous autorisera pas à voler localement avant notre date butoir : mercredi. En revanche l’arc méditerranéen semble être une zone protégée pour les prochains jours. Deux options se dessinent :

Rester sur place et attendre l’accalmie, au risque de ne pas atteindre Collioure.

S’avancer sur la mer et finir nos vols en posant à Collioure. Cette situation, qui nous désole au premier abord, nous amène à réfléchir et à nous poser les bonnes questions. Qu’est ce qui est important ? Quelles sont nos véritables motivations ? Nous tombons d’accord sur le fait qu’il ne faut pas subir la situation et qu’une échappatoire existe. Prendre le train ne constitue pas vraiment une entorse à nos propres règles. Cette épreuve est intéressante pour envisager notre activité sans subir les frustrations météo.

Actifs, conservant notre cap et notre but, nous acceptons mieux la contrainte météo. C’est décidé nous allons avancer…mais pas dans le ciel.

 

C’est donc par le train que nous rejoignons la côte. L’Aude nous accueille encore avec un vent fort qui dépasse les 70 km/h en rafales. Ce vent doit baisser ce soir. Nous jouons les touristes avec un café en bord de mer, nous mêlant aux estivants de fin de saison. Nous faisons un passage dans une grande surface pour assurer les pleins du dernier vol. Nous achetons de quoi faire un repas amélioré pour ce dernier bivouac. Nous trouvons un coin de plage magnifique bien à l’écart des habitations. D’énormes bois flottés feront obstacle à la tramontane en attendant qu’elle baisse. La nuit tombe et c’est avec le bruit des vagues uniquement que nous préparons un foyer de pierres et récoltons le bois nécessaire. Une magnifique flambée accompagne les discussions en compagnie de Matthieu Bonnemaison du club PARAMOTEUR 66 qui nous a rejoint pour l’occasion.

Notre dernier repas sera « couleur locale » : saucisse catalane grillée, aïoli, pain de campagne et rosé de Collioure… Ce dernier bivouac est un vrai bivouac…dans un décor de rêve. Finir un tel périple sur une plage méditerranéenne est parfait. Nous nous endormons dans nos duvets, sur la bâche. Les parapentes pliés servent d’oreillers.

 

Jour 9 « Comme un air de vacances »

 

Se réveiller sur une plage de sable fin, l’astre solaire brisant la ligne bleue de l’horizon …peut sembler un peu « cliché » ! Et pourtant cela reste un moment magique ! Assis sur notre bâche et toujours emmitouflés dans nos duvets, nous contemplons cet instant de transition sans un mot. La nature reste silencieuse pour quelques secondes de communion…avant que la vie et les contingences de chacun reprennent le dessus.

Progressivement, aidés par la lumière orangée et brûlante, nous sortons de nos cocons et marchons jusqu’au bord de l’eau. Petit pèlerinage comme pour saluer cette mer dont nous rêvons depuis plus d’une semaine. Nous savons que notre but est atteint. Il ne reste qu’un seul vol. Il sera facile, la plage en main courante. Pas de navigation à préparer. Mauvaise surprise pour moi. Je n’arrive pas à ouvrir l’oeil droit. Certainement une piqûre d’araignée. Laurent me confirme que je ressemble à un véritable boxeur. Ce n’est pas douloureux. Je suis très gonflé et je n’y vois rien à droite …c’est tout…Je ferai avec… Nous conditionnons nos sacs pour la dernière fois. Ils sont plus légers. Il n’y a plus de nourriture, plus d’eau, plus de consommables. Je le sentirai en vol, mon axe d’hélice en sera légèrement modifié vers l’arrière. Ce dernier décollage ne sera pas le plus facile. Vent de terre très faible voir absent et sable sous les pieds. Le décor est parsemé de quelques plantes grasses et joncs sauvages. Laurent est encore prêt avant moi et s’élance. La VIPER nous fait un coup de paresse. Laurent se débrelle et réinstalle rapidement. Je démarre mon moteur et tourne plusieurs fois la tête pour compenser mon champ de vision restreint. Décollage. Je me place au dessus de Laurent pour filmer son départ. Une fois en l’air il commence immédiatement à profiter des lieux pour se livrer à quelques acrobaties à ras du sable et de l’eau. Moi je vole droit, pas très à l’aise avec un seul oeil. Je vais rester sage jusqu’à la fin de cette course d’endurance. Les km de plage s’égrainent comme dans un sablier. Je me sens à la maison, ca sent « l’écurie » ! A droite le massif du Canigou sort de terre comme pour protéger de toute sa puissance la plaine du Roussillon. A gauche la Méditerranée parfaitement calme invite à la rêverie. Ce paysage contrasté, qui est pourtant le mien depuis plus de trente ans, m’émeut. Je dois reconnaitre que cette arrivée est féérique. Tout est présent pour une conclusion grandiose. Les plages de sable laissent place brutalement aux reliefs des Pyrénées lorsque nous atteignons le sud d’Argelès sur mer. Nous prenons de l’altitude car les terrains vachables sont inexistants dans le périmètre. La côte rocheuse, ciselée comme une dentelle se déploie devant nous. Dans un de ces premiers recoins apparaît Collioure.

Les toits de tuiles contrastent avec les vignes environnantes. Les forteresses ancrées sur les rochers sont impressionnantes et inspirent le respect. Nous traversons très haut la baie de Collioure et en faisons le tour. Alors que Laurent prend encore de l’altitude, (je soupçonne l’acrobate qui est en lui de refaire surface), je construis mon approche sur le stade. C’est le seul endroit plat et posable sur la commune. Il appartient aux militaires du Centre National d’Entrainement Commando, qui, contactés par téléphone, ont accepté immédiatement que nous posions chez eux. Passage au dessus du fort, PTS pour me placer dans la diagonale du terrain de rugby…atterrissage sans souci. J’écarte mon matériel et lève les yeux au ciel. Laurent entame une série de Wings et autres Power

Loops époustouflants …qui laisseront sans voix les militaires présents pour nous accueillir. Il pose. Une franche embrassade entre nous vient conclure ce périple.

Quelques mots de remerciements aux collègues de club venus nous aider et à une journaliste locale informée de notre arrivée. Nous ferons le lendemain la une du journal « l’Indépendant Catalan ». Il est temps de tout ranger. Il est déjà 12h00 et nous devons nous rendre à Saint-Hilaire ce soir pour la Coupe Icare. Pas le temps de célébrer ce premier vol bivouac sans assistance : il nous faut repartir rapidement.

 

Epilogue

 

Cette première traversée de la France sans assistance en paramoteur aura été riche d’enseignements. Le vol bivouac en paramoteur ouvre de belles perspectives. Le capital sympathie de notre petit engin volant a été, à maintes reprises, vérifié lors de ce périple.

La sécurité doit primer sur toutes les contingences et il serait inopportun de planifier des vols trop engagés sous prétexte d’objectifs géographiques à atteindre. L’aspect voyage doit l’emporter sur l’aspect sportif. Au cours de notre périple nous n’aurons dormi réellement dehors qu’une seule fois…et cela volontairement : à la plage ! Nous avons toujours trouvé où dormir à l’abri des éléments. Partout également nous avons trouvé essence et nourriture assez facilement. Le calme, la simplicité, les sourires et la passion ouvrent beaucoup de portes ! Les conditions de vol et de pilotage ont été très variées : vent, pluie, convection, conditions laminaires… Aussi ce type de voyage ne doit-il être envisagé qu’avec un minimum d’expérience. Au delà des aspects techniques ce sont les rencontres qui ponctuent ce type d’aventure qui rendent la démarche enrichissante pour le pilote. Entre le vol parfaitement calculé sur carte, ponctué d’étapes organisées et le vol bivouac totalement improvisé qui laisse sa place aux rencontres et aux surprises, chacun trouvera le niveau d’engagement qui lui convient en fonction de son expérience et des ses diverses aspirations.

 

Bons vols !

Volez bien – Volez loin !

Marc et Laurent

 

Les « BIVOUAC PROPS ».

Première traversée de la France en Paramoteur sans assistance

 

Le matériel :

Laurent :

Voile : Ozone viper 24

Chassis : MPY

Moteur : Vittorazi Moster 185

Marc :

Voile : Paramania Fusion 23

Chassis : PAP

Moteur : Vittorazi Moster 185

Remerciements :

Olivier Marty - Base Ulm de Montauban « MPY paramoteur »

Bruno Vezzoli : Moteurs VITTORAZI – France

Tous les gens que nous avons rencontrés et qui nous ont transportés, hébergés, nourris …

« Spéciale dédicace » à :

o Cédric (Mont Saint Michel),

o Philippe (Bretagne Paramoteur),

o Christophe et Antoine (Couhé Vérac)

o Ian (Vasles)

o Jean-Yves (Angoûlème)

o Daniel et Lyne (« le Château »)

o Olivier, David, Eric et Sébastien (MPY –Montauban)

o Matthieu et Christian alias Matouf et Chrissbiss de Paramoteur 66)

Contacts :

Marc COFFINET : coffinet@yahoo.fr

Laurent SALINAS : salinaslaurent@hotmail.fr

bottom of page