1 octobre 2013
Alors, l’ULM est né de la volonté de quelques-uns de s’affranchir des contraintes d’une aviation de loisirs étouffée par des exigences en tous points calquées sur celles de l’aviation commerciale. Ceux-là décidèrent, de façon unilatérale, qu’en-dessous de certaines masses et vitesses, ils avaient droit de s’envoler de chez eux sur des machines bricolées par leurs soins (parfois éclairés), et tourner en rond autour du clocher sans pénétrer les espaces nécessairement réservés aux plus gros. C’est ainsi que le Gédéon vole toujours, non par conservatisme, mais par goût et suffisance personnels.
Les règles et usages sont ainsi faits en France que, mis devant le fait accompli, le législateur se contente de donner un cadre légal à ce qui est devenu état de fait. Et c’est sans doute très bien ainsi. Il fut donc donné un cadre à l’ULM, au début des années 1980. Le contexte historique est important et doit être rappelé. Nous sommes dans l’héritage de mai 1968 et, après la parenthèse Giscard, l’ambiance générale est à l’ouverture des droits tous azimuts, la gauche vient d’être plébiscitée pour diriger le pays et le Gédéon ne prend pas ici parti, il raconte. Or, cette gauche-là est alors synonyme de progrès, quand la droite est supposément conservatrice, soi-disant, tout ça. Attention, Biyanvrac te cause ici de progressisme des « mœurs », de gauche sociétale, qu’ils disent, que sur le plan économique, c’est différent puisque quasiment opposé, mais restons-en aux « mœurs ». Nous voyons ainsi les radios libres autorisées, l’homosexualité dépénalisée, le droit à l’avortement, déjà acquis, élargi, la peine de mort remise en cause (sauf s’il n’y a pas de procès), etc. Nous voyons aussi la fin du monopole d’Etat sur l’ORTF, une politique culturelle qui fit de la France la première destination touristique au monde, un élargissement progressif et pas encore abouti du droit des femmes (lequel droit autorise aussi les fesses nues pour te nous vendre du yaourt…), etc.
On peut discuter du bien fondé de ces évolutions et de leurs conséquences, mais les faits sont là et il n’y a jamais les « gentils » d’un côté et les « méchants » de l’autre et le Gédéon, encore une fois, se contente de raconter.
Et puis, c’est bien dans cet esprit général d’ouverture des droits qu’est née la réglementation ULM actuelle. Y’en a des qui disent ainsi que l’ULM à la française est donc forcément de gauche, ce qui ne veut pas dire grand-chose hors du cadre ici rappelé. En tout état de fait, force est de constater que d’autres pays, dirigés par l’autre bord quand la technique permit à l’ULM d’éclore, imposent à ces derniers des règles fort peu éloignées de celles imposées aux avions : le Commonwealth de Thatcher ou l’Amérique de Reagan en sont de beaux exemples, par exemple, tiens.
Dès le début puis au fil des années, on observa bien sûr des forces d’opposition, que l’on nomme « conservateurs ». Ceux qui veulent conserver les choses telles qu’elles sont. En tous cas, telles qu’elles sont à un moment donné que eux décident quand c’est, que si l’on refuse le progrès et que l’on est cohérent, on pourrait à l’absurde limite estimer qu’il s’en faut retourner vivre dans une grotte en vivant de chasse et de pêche… mais enfin, les voici, ces conservateurs, auxquels la démocratie accorde le droit de s’exprimer, qui s’en vinrent contester le droit de quelques-uns à bénéficier des mêmes privilèges que la majorité.
Biyanvrac observe que ce conservatisme grandit, dans nos sociétés. Il est même sans doute majoritaire, à bien y regarder, en tous les cas chaque individu, face à l’inconnue d’une évolution possible, se replie d’instinct sur ses acquis, avant d’éventuellement réfléchir et changer d’avis. Et ce conservatisme peut même, parfois, amener des individus, sans qu’ils ne s’en rendent bien compte, à revenir à leur point de départ. Nous sommes, alors, à la fin d’une révolution : qu’en physique, une révolution consiste à revenir à son point de départ et c’est alors qu’elle se termine. Ainsi en est-il du mariage « pour tous ». Des homosexuels, au départ animés d’une sorte d’esprit de révolte à un ordre imposé (en tous cas historiquement), viennent réclamer le droit à bénéficier eux aussi d’une institution petite-bourgeoise issue des religions, tout de ce qu’il y a de plus conservatrice et que dont même les hétéros ne veulent plus ! Au nom d’une certaine idée du progrès social, on revient à son point de départ.
Or donc, que dit le Gédéon, il en est de même dans l’ULM, dont rien ne peut laisser présager qu’il puisse se soustraire à l’évolution générale des esprits. Quand ses initiateurs voulaient qu’il soit, notamment, un élément de contestation de l’aviation de loisirs classique, à même, éventuellement, d’amener cette dernière à elle-même suivre le pas, nous voyons éclore une vague de conservatisme très puissante qui voudrait que l’ULM, enfin, se rangeât du côté des « gentils » et rentrât dans le rang. Bon, ils disent pas « rentrât », qu’ils sont conservateurs mais incultes, mais c’est pareil, t’as bien compris. Certains ULMistes revendiquent de pouvoir se poser sur les aéroports comme les autres, d’utiliser la radio à foison comme les autres, de transponder 7000 jusqu’à plus soif, d’être équipés de trains rentrants, pas variables, glass cockpit et autres pilotes automatiques (comme bien peu des autres, pour le coup). Ce faisant, ils réclament le droit d’un retour en arrière et sont donc conservateurs, alors qu’ils prétendent être une force de progrès. Et crac !
Ainsi, ceux qui, ici ou là, taxent le Gédéon de « conservateur » parce qu’il serait (ce qui reste à démontrer), adepte d’un ULM « à l’ancienne », sont bien au contraire, eux-mêmes les conservateurs, quand ils veulent que l’ULM « redevienne » un avion comme les autres, à la manière de ce qu’il s’est passé dans bien des pays voisins. Biyanvrac, lui, reste révolutionnaire, en ce sens qu’il ne veut pas voir l’histoire revenir à son point de départ !