top of page

Ellipse Alizé Titan CX

Article paru dans ULMiste n°10, juin 2012

 

Ellipse Alizé Titan CX, comme l'oiseau !

 

Le vendredi 1e juin, Jean-Michel Serre remportait les championnats de France en pendulaire monoplace, aux commandes de l’Alizé motorisé Corsair et surmonté de l’aile Titan CX. C’est cette machine, ce même 1e juin, que nous prenons en mains, moteur encore tiède depuis la dernière épreuve.

 

Pierre-Jean le Camus

 

Historique

 

L’Alizé a été conçu par Michel Gaiguant dans les années 1990. D’abord réservé à son usage personnel, l’originalité de la formule séduisit plus d’un pilote, de telle sorte qu’une fabrication en série a démarré voilà une bonne dizaine d’années. Vendu sous la marque commerciale Ellipse, puis DTA, puis à nouveau Ellipse, la structure du chariot (les parties en acier) est fabriquée par DTA et l’aile par Ellipse, qui produit la sellerie et assemble le tout en ses ateliers. A ce jour, on compte une centaine de chariots Alizé en circulation, ce qui pour une machine de cette catégorie dite « Pulma » est assez conséquent.

Fait notable, Jean-Michel Serre mène cette machine en première place de sa catégorie, mais aussi, voire surtout, en troisième place du classement scratch de la « classic class » (pendulaire, autogire, multiaxes), soit troisième sur 14 machines, l’écrasante majorité des autres étant des machines motorisées 912 et dites « performantes ». Seul un Super Guépard et un Skypper restent devant lui. Certes, le pilote doit y être pour quelque chose, mais la machine compte également, surtout de la manière dont est conçue la compétition en ULM. Patricia Roumier s’est installée à la deuxième place des championnats de France avec cette même machine (non carénée) en 2010, Jean-Michel volant alors sur un chariot personnel à moteur Simonini, sous la même aile Titan CX. Les soucis qu’il a rencontrés avec son moteur, qui l’ont fortement handicapé lors des championnats d’Europe en 2011, l’ont incité à revenir vers l’Alizé à moteur Corsair du jour, malgré la moindre puissance du moteur. De toute évidence, il a bien fait !

 

Le chariot

 

Le cahier des charges initial et actuel de l’Alizé est très simple : qu’il rentre dans un break une fois replié, sièges arrière de l’auto rabattus, bien sûr. La structure est composée de tubes d’acier soudés et de tubes droits d’aluminium. Les efforts du train arrière sont repris par des câbles. La structure basse horizontale est composée de deux tubes latéraux qui se rejoignent en « V » à l’avant et l’assise est composée d’une toile tendue réglable en diverses positions, de telle sorte que tous les gabarits devraient trouver leur confort. Les roues sont d’un diamètre permettant de fréquenter des terrains peu préparés, qui assurent l’amortissement. La roue avant est freinée, la commande manuelle de gaz se trouve à droite, ainsi que le poussoir du démarreur électrique de série. Un accélérateur au pied droit est également offert. Du grand classique. Si ce n’est l’assise en position semi-couchée, ce chariot ne déroute en rien par rapport aux standards du pendulaire. La machine est équipée d’un harnais trois-points.

Le parachute se loge entre les jambes. C’est un lancé main type vol libre qui coûte moins de 1000 € et dont Jean-Michel Serre ne se passe pas malgré la masse supplémentaire qui est toujours nocive à la compétition : il a eu la vie sauve grâce au parachute voilà quelques années, après être passé dans la turbulence de sillage d’un gros avec son trois-axes Avid Flyer (qui vole toujours depuis, après de menues réparations).

Le réservoir, entre l’assise et le moteur, contient 20 litres, ce qui pour une machine qui consomme ses 4 litres à l’heure devrait être suffisant. Si l’on ajoute le fait que cet appareil sait monter en thermique moteur coupé sans grand talent, on peut envisager des vols qui seront interrompus par la vessie bien avant le réservoir.

Depuis l’année dernière, des carénages sont disponibles en option. Sur les roues arrière et devant les pieds. Ce dernier (1,6 kg) est attaché par des velcros et ne demande que quelques instants pour être retiré, au démontage ou en fonction du type de vol envisagé (perfo ou ballade). Jean-Marc Rousselet, le patron de Ellipse, affirme qu’un gain de 10 km/h est obtenu sur la vitesse maximale, ce qui n’a pas grand intérêt en soi, mais démontre que le rendement est amélioré sur toute la plage de vitesses. Pour la petite histoire, c’est un carénage de Chaser qui a inspiré Jean-Marc.

Faut-il parler de tableau de bord sur ce type de machine ? Allons-y : y’a pas ! Un Tini Tach est fixé sur un tube, un compas Silva sur le tube avant, point. Pour le reste, on opte pour un alti-vario électronique de vol libre, de ce type même que j’utilise depuis près de 20 ans, sous les quolibets, à l’époque, de mes congénères ULMistes. On ne savait pas encore qu’il suffisait de rebaptiser l’instrument électronique « glass-cockpit » pour que ça devienne tout à coup plus « hype » et que tout le monde en veuille. En l’occurrence, dans 300 grammes, on trouve un variomètre programmable, un altimètre (et même plusieurs), une boussole, un GPS, enregistreur de vol, tout un tas de machins programmables et j’en oublie, etc. On se fixe ça sur la jambe, point final.

 

L’aile

 

L’Alizé est proposé en série avec les ailes Fuji ou Titan CX du même constructeur. Si Ellipse est connue pour fabriquer les ailes pour DTA, on sait moins que cette structure vend encore jusqu’à cinquante ailes de vol libre par an, ce qui sur un sport en déclin est honorable. C’est aujourd’hui la Titan CX que nous prenons en mains.

Il s’agit d’une aile sans mât, dérivée d’une aile de vol libre. Si la version libre est équipée de transversales en carbone, la masse apportée par le chariot l’interdit. Ainsi donc, nous avons ici les classiques montants de trapèze en alu, Ellipse ayant d’ailleurs été le premier constructeur au monde à oser la formule en libre dès 1986 avec l’aile Virus.

L’aile différencie également de sa sœur de libre par les bords d’attaque renforcés, la quille, les jonctions. Bref, pas question d’envisager le vol libre avec cette Titan CX, surtout à cause de la moindre souplesse en flexion des bords d’attaque, qui rendraient le vol en libre dangereux. C’est du reste le cas de toutes les ailes de libre renforcées pour les Pulma et c’est bien dommage. On se prendrait à rêver d’emporter avec soi son aile sur le toit, le chariot dans le coffre, optant au gré des conditions et des sites pour l’une ou l’autre des configurations, pendant que Maman fait griller les merguez... Bien sûr, cette vie de rêve est toujours possible, mais il faut deux ailes… et beaucoup de charme.

 

La surface alaire est de 14,5 m² pour 10 m d’envergure. Allongement 6,5, masse 42 kg, l’ensemble est annoncé pour une finesse prometteuse de 11, avec une croisière entre 48 et 65 km/h, la vitesse maximale ayant été mesurée par Jean-Michel à 90 km/h. La parfaite connaissance de sa machine étant une des clés de la réussite en compétition, nous devons croire ce chiffre.

La structure est classique pour une aile sans mât : aile fortement lattée, les efforts en négatif sont repris par deux balestrons en carbone, qui reprennent eux-mêmes deux lattes d’extrados.

Fait marquant et inhabituel en ULM, cette aile est équipée d’un « overdrive ». Ce système, devenu un standard en libre depuis longtemps, permet de jouer sur la tension des barres transversales de l’aile : plus on les recule, plus on tend l’aile et inversement. Ainsi, on laisse détendu pour monter les thermiques et atterrir, on retend pour les transitions. Dans l’un ou l’autre cas, on a une aile plus maniable et lente ou moins maniable mais plus rapide et fine sur trajectoire. En série, l’overdrive de la Titan CX n’est pas réglable en vol, il faut jouer dessus à l’arrière de la quille, au sol. Sur le modèle essayé, il est rapporté sur la barre de contrôle comme en libre. Il est ici au neutre, nous ne jouerons pas avec, puisque qu’il ne s’agit pas d’une option. En tous cas, pas pour le moment.

Le travail de voilerie est propre, aucun faux pli ne heurte le regard, les jonctions sont bien conçues et inspirent confiance. D’ailleurs tout, sur cette machine, semble bien né.

 

Le moteur

 

Le Corsair MY25 Black Devil est un monocylindre deux-temps refroidi par air partiellement forcé, fort répandu en paramoteur. D’une cylindrée de 175,5 cm3, il développe 24 cv à 7500 t/mn et pèse 14,8 kg complet. Il est fabriqué en Italie par JPX Italia. JPX ? Oui, JPX, comme le motoriste pour ULM et CNRA connu chez nous. Le fabricant du Corsair est un ancien sous-traitant et importateur, qui a conservé le nom mais n’a plus rien à voir avec la « maison mère ». D’ailleurs, JPX France, qui concentre ses efforts sur la sous-traitance pour d’autres motoristes, notamment en compétition auto de haut niveau (Formule 1), ne propose plus, en deux-temps, qu’une gamme de bicylindres qu’il promeut avec parcimonie…

Le moteur, de fort belle facture, a démontré sa fiabilité. Il est muni, en série, d’un silencieux d’admission de forte proportion et d’un silencieux d’échappement efficace. La puissance est transmise à une hélice bipale en carbone de chez Helix (Allemagne), mais Jean-Marc Rousselet précise qu’elle ne donne pas entière satisfaction et qu’il teste d’autres configurations.

 

En vol

 

Quatre heures de route depuis Paris pour venir à Moulins, langue de bœuf pommes au four encore dans l’œsophage, grand soleil du 1e juin, début d’après-midi écrasant, voilà qui incite à la sieste… ça tombe bien, voici un transat, qui a la délicatesse d’être surmonté d’un grand parasol orientable ! Il y a même un ventilateur à l’arrière, que du bonheur !

Voici venir Jean-Marc et Jean-Michel : « Salut ! Bon alors, tu feras gaffe à pas surpiloter, c’est sensible… overdrive, comme tu veux, mais pas de série… moteur pas besoin poirer… démarreur ici… parachute comme ça… »

Ah oui, c’est vrai, mon transat est une machine volante, que je dois évaluer pour toi, lecteur ! Rapide évaluation : cet ULM pèse 80 kg, disons 90 avec les 8 litres de carburant et le parachute. J’en pèse… l’hiver a été long, comme disait tout à l’heure Olivier Marty, troisième du podium pendulaire biplace. Mon hiver fut semble-t-il moins long que le sien mais tout de même… à peu près 170 kg au décollage pour 15 m² et 24 cv. Un vent assez marqué (15 – 20 km/h), de travers et rafaleux, une convection qui s’installe doucement, les deux planeurs remorqués tout à l’heure ont disparu au loin… autant dire que la sieste, ce sera pour plus tard !

Prévol, rien à dire, tout est accessible et visible, tant sur l’aile que sur le reste. Les carénages de roues semblent un peu trop enveloppants pour faire le niveau de pression sans les démonter.

La machine est ici centrée avant, un centrage variable en vol est en cours de mise au point. Je troque mes tongs contre des chaussures décentes, un petit blouson et en avant ! Le démarrage ne pose aucun souci, je maintiens même la pression sur le bouton un peu trop longtemps, tant il démarre vite. Les vibrations sont fort bien filtrées, le compas, devant moi, n’est pas parkinsonien. Roulage, sous l’œil incrédule des pilotes de l’Ecureuil de la BGTA (nos gendarmes rien qu’à nous), qui se donnent des coups de coude à mon passage devant eux : « regarde, une chaise-longue volante ! »

Le roulage sur le taxiway de la pise ULM de Moulins, de bonne qualité mais sans plus, ne révèle aucune mauvaise surprise, ça reste confortable.

Aux actions vitales, je constate que la position semi-couché impose d’avancer assez notablement le torse pour arriver en butée avant de l’aile, d’où le fait que le harnais est relâché.

Décollage assez court pour ce type de machine, le basculement latéral du chariot est un non-événement, les pieds montent un peu, l’aile se met dans le vent aussitôt la rotation et je me trouve à surpiloter. « Laisse voler », m’avait prévenu Jean-Michel, je relâche donc la pression. Ça fonctionne, le truc se remet à sa place, gentiment. Les turbulences sont toutefois assez marquées. Je commence par un tour de piste et une approche, afin d’évaluer, au ressenti, la finesse de la machine, comme je le fais à chaque fois que j’ai un ULM « hors normes » entre les mains. Ça plane !

 

Mis en confiance, je m’éloigne du terrain pour jouer un peu et prendre quelques mesures, pendant 35 minutes. Je décide de monter à 150 m/sol au moteur et d’attendre de trouver des pompes pour la suite. En virage, l’aile s’avère très souple, en effet ! Trop ! Pour basculer de 45° à 45°, il faut la retenir dès l’impulsion donnée sur le premier côté, sans quoi on s’imagine que ça partir en tonneau. Assez peu de lacet inverse à la mise en virage. Le rappel au neutre en tangage est harmonieux, bien que plus prononcé qu’en roulis. Les efforts vont croissant dans les deux sens, c’est la moindre des choses. En revanche, je ressens une légère instabilité en lacet en sortie de turbulence, l’aile cherche un peu sa route. C’est répandu sur ce type de machine, mais encore faut-il le savoir. Le chariot reste bien dans l’axe de l’aile.

Je vois un petit rapace qui enroule un peu plus haut, j’essaie de suivre la voie qu’il m’ouvre d’instinct, lui (salaud !) Jean-Marc a prévenu que le centrage avant n’est pas la meilleure configuration pour thermiquer, mais allons-y quand-même. En deux petites minutes, je suis à 350 m/sol, j’ai donc pris 200 m, soit un bon 2 m/s en moyenne, moteur au régime de croisière. Je ne suis pas un bon thermiqueur, loin s’en faut, je me réjouis donc d’autant plus d’avoir pu, aussi facilement, épargner le moteur et l’autonomie. Le même taux de montée que moteur plein gaz, mais en restant à 4l/h, pourquoi s’en priver ?

L’aérologie est un peu plus calme, les thermiques mieux établis, je commence donc quelques mesures. En vitesse max, je n’ai pas retrouvé les 90 km/h annoncés, mais je ne tirais pas à fond, vu les conditions et ma faible connaissance de la machine, j’ai joué la prudence. J’ai pu toutefois maintenir 78 km/h en triangle. Les efforts à tirer sont présents mais modestes et le basculement du chariot reste acceptable. En revanche, on a les pieds « au ciel » et le carénage de nez devant les yeux.

En croisière barre au neutre dans cette configuration, j’ai mesuré 67 km/h, ce qui est confortable : 67 km/h pour 4 litres par heure et 20 litres, on peut donc parcourir plus de 300 kilomètres d’une traite (hors vents), pas mal !

Décrochage… en statique d’abord : rien. La machine parachute. Légère ressource, toujours rien. Ressource plus prononcée, l’horizon largement sous les pieds… toujours pas, la machine se remet « en ligne de vol » en parachutant, sans abattée. Je ne poursuis pas l’expérience plus avant, l’aérologie est tourmentée et il s’agit d’une aile sans mât, ce qui, je le confesse encore une fois, ne me rassure pas encore tout à fait. La vitesse minimale est fort basse, au ressenti je retrouve des sensations de parapente. En revanche, comme dit, il faut beaucoup avancer le torse pour aller chercher le tube avant, ce qui fait que, au final, le harnais trois-points, qui reste relâché, ne sert à rien : on a en réalité une ceinture deux points. Sans doute des enrouleurs type automobile seraient-ils plus adaptés, mais ça pèse…

Le taux de montée moteur à fond s’établit donc à 2 m/s et la chute à 1,5 m/s, ce qui est très honorable !

Retour au terrain en folâtrant, m’imaginant posant ici ou là au gré de mes envies, car l’Alizé est aussi une machine à hors piste, ce que j’aime par-dessus tout en ULM.

 

Conclusion

 

Jean-Michel Serre n’avait pas volé sur cette machine depuis les championnats d’Europe de 2011 ! Cela montre bien sûr son grand talent, mais aussi que l’appareil est assez permissif et tolérant. D’une prise en mains aisée, il ravira tous ceux et celles qui recherchent le plaisir du petit vol du soir, entrecoupé de temps en temps de balades dans des conditions plus marquées. Si l’on cherche une machine type motoplaneur, ça sait faire aussi, moyennant, la preuve aujourd’hui, de maigres talents en la matière (merci copain oiseau de m’avoir montré où c’était !)

Patricia Roumier, qui concourut sur cette machine en 2010 et l’amena à la troisième place, nous a déclaré : « avantage : très léger ; inconvénient : très léger ». L’un et l’autre se manifestant, bien sûr, en fonction des conditions du jour. Elle termine en précisant qu’avec Jean-Marc Rousselet, on a un constructeur « très à l’écoute » qui sait s’adapter aux demandes de ses clients.

Avec un prix de départ de 13 620 € TTC (TVA 19,6%, prix hors parachute), on en a pour son argent, largement ! Il est possible d’acquérir le chariot nu pour 2 880 € TTC. La version à aile Fuji, qui est facturée 2 240 € TTC de moins et pourrait rassurer les pilotes occasionnels, méritera d’être essayée en vos lignes. Ça tombe bien, on en redemande !

 

 

Ellipse

 

Installée en Franche-Comté depuis 1986, Ellipse est avant tout fabricant d’ailes de vol libre. Jean-Marc Rousselet, le patron, conçoit également les ailes pour DTA, en collaboration étroite avec ces derniers, qui établissent le cahier des charges et participent à la mise au point.

Ellipse met également à profit son atelier de couture pour proposer tout un tas de services, en sous-traitance. Ainsi par exemple, les porte-cartes que l’on trouvait fut un temps chez VLD, étaient de fabrication Ellipse !

Le chiffre d’affaires 2010 s’élève à 411 700 €, pour 7 salariés en plus du patron.

bottom of page