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Editorial ULMiste n°8

Article paru dans ULMiste n°8, février 2012

 

Intouchable ?

 

C’était en 1954, les prémisses de l’Union Européenne…

« Les Hautes Parties Contractantes étant résolues : 

- A affirmer leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, ainsi que dans les autres principes proclamés par la Charte des Nations Unies ;

- A confirmer et à défendre les principes démocratiques, les libertés civiques et individuelles, les traditions constitutionnelles et le respect de la loi, qui forment leur patrimoine commun ;

- A resserrer, dans cet esprit, les liens économiques, sociaux et culturels qui les unissent déjà ;

- A coopérer loyalement et à coordonner leurs efforts pour constituer en Europe occidentale une base solide pour la reconstruction de l'économie européenne ;

- A se prêter mutuellement assistance, conformément à la Charte des Nations Unies, pour assurer la paix et la sécurité internationale et faire obstacle à toute politique d'agression ;

- A prendre les mesures nécessaires afin de promouvoir l'unité et d'encourager l'intégration progressive de l'Europe ;

- A associer progressivement à leurs efforts d'autres Etats s'inspirant des mêmes principes et animés des mêmes résolutions ;

- Désireux de conclure à cet effet un Traité réglant leur collaboration en matière économique, sociale et culturelle, et leur légitime défense collective ; »

Puis suivent, en douze articles, la liste des moyens mis en œuvre pour atteindre ces louables résultats. S’il l’on voit qu’il reste encore du travail pour parvenir à une Europe unie et, surtout, réellement pacifiée, force est de constater, hélas, que l’on ne nous avait pas tout dit et que l’on nous cache encore des choses.

Où fut-il inscrit que l’Europe ne serait guère démocratique, mais pilotée par des technocrates non élus qui nous disent comment faire ce qu’ils ne savent pas faire ?

Où fut-il inscrit que le Portugais et le Finlandais devraient manger la même pomme à la même heure, payée dans la même monnaie (mais pas au même prix) ?

Où fut-il inscrit que l’aviation de loisirs, qui n’a pour seule fonction que d’occuper sainement une population prospère qui entretient un secteur économique qui sait être florissant, devrait être pratiquée de la même manière, au même moment, avec la même machine (toujours pas payée au même prix), de Gibraltar au Cap Nord ?

Où est-il inscrit, surtout, que ces dictats d’une autorité sans visage ne seraient pas contestables, au point que nous n’aurions pour seule solution que nous y conformer en réorganisant ce que des années de travail avec nos autorités nationales élues nous avaient permis de mettre en place ?

Pendant que la Fédération Française Aéronautique (FFA), organise des journées d’information et de réflexion pour trouver le moyen de se conformer au modèle imposé, le monde de l’hélico constate, dépité, que son secteur tout entier est menacé. Pour l’avion, c’est le début de la fin du maillage unique en Europe des aéroclubs bénévoles qui font vivre l’activité. Pour l’hélico, voici qu’on lui impose, par exemple et entre autres, de ne plus porter secours en montagne en monomoteur et monopilote, alors qu’aucune donnée statistique n’identifie le moindre danger, présent, passé ou à venir. Sans évoquer la tonne de paperasses à remplir au moindre pet d’un passager, papiers qu’il faudra donc faire contrôler à un moment ou l’autre par un fonctionnaire grassement payé avec l’argent que nous ne sommes déjà plus en mesure de produire, sauf à encore nous endetter en fausse monnaie… l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions serait la fin pure et simple des secours en montagne : quelle entité est en mesure, pour satisfaire le caprice d’un théoricien qui n’a jamais vu un hélico de près, d’investir dans un biturbine et de salarier un second pilote ? Aucune ! Surtout quand elle doit affronter la concurrence d’une entreprise estonienne qui ne parle pas la langue, ne paie pas les mêmes charges et, bien plus grave encore, ne connaît pas les montagnes dans lesquelles nos skieurs se perdent ?

 

Pour l’ULM, on nous affirme que nous ne sommes pas concernés par « l’immonde bête », grâce à l’Annexe II, qui stipule que les aéronefs de moins de 450 kg restent sous la coupe « bienveillante » de ce qu’il reste de nos administrations nationales. Soit et tant mieux, si l’on en juge par ce qu’il se passe ailleurs. Mais c’est oublier un peu vite que cette disposition n’est que transitoire. Provisoire. Un petit os à ronger en attendant que l’on nous prépare des règles communes qui, nous le voyons dans tous les autres secteurs dont l’Europe s’occupe, de la taille de nos cuillères aux immatriculations de nos autos, ne nivelle jamais par le bas. Ni par le haut. Mais par le plus disant. Celui qui permettra à ces technocrates qui s’adoubent entre eux, d’entretenir leur fonction en trouvant des solutions aux problèmes qu’ils auront pris soin de générer.

Or, une situation transitoire n’est jamais saine et il faut y mettre fin aussi tôt que possible. L’ULM étatsunien, qui a volé pendant des décennies sous régime dérogatoire en biplace (exemption 6080), a été tué par ce qui a été mis en place pour le remplacer : le LSA, dont on nous vante encore les mérites dans notre vielle Europe, y compris dans les rangs de notre aviation de passion.

Nous n’avons donc que deux solutions : travailler à ce que ce qui écrasera nos réglementations nationales soit conforme à ce que la majorité des pratiquants européens veut, à savoir un système calqué sur le modèle français actuel ; ou cesser de considérer que cette Europe-là est intouchable et voter, à notre modeste niveau, pour ceux qui nous permettront de redéfinir une Europe conforme à celle que nos pères avaient souhaité : celle qui permet que nous cessions de nous faire la guerre deux fois par siècle. Ce qui, sauf à y perdre la raison, ne nous oblige nullement à boire le même vin pasteurisé de l’Atlantique à l’Oural ou à suivre les mêmes procédures pour faire des ronds en l’air autour du clocher… cette Europe-là, celle qui veut la paix des peuples, est intouchable, oui ! Celle des technocrates ne l’est pas.

 

Pierre-Jean le Camus

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