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Fly to Dakar (septembre 2002)

Exculisivté Web

 

Fly to Dakar : Sud Maroc : tourista et casse d'hélice, hélas...

 

Mardi 10 septembre 2002 : Taroudannt - Tiznit : 2 h 15 Tiznit - Tan Tan : 2 h 50

Tan Tan - Tarfaya : 2 h

 

Pierre-Jean le Camus

 

 

Cependant que nos quelques détracteurs riaient à l'idée que nous prétendions mener notre périple à terme sans l'aide du GPS, affirmant qu'il n'est pas très difficile de suivre bêtement la côte, ce n'est qu'aujourd'hui, à mi chemin, que celle-ci deviendra notre seul repère jusqu'à Dakar. 

Du moins le croyons-nous. En effet, parvenus en visuel de la mer, nous ne la voyons pas ! Bouché. Une entrée maritime nous ferme toute perspective. Demi-tour, petit cafouillage entre le meneur et le mené, puis enfin le GTE se pose à Tiznit, non pas sur la route, mais sur un chemin caillouteux qui la borde. Je suis, comme convenu. Je ne coupe pas mon moteur à l'arrondi, voulant me réserver la possibilité d'une remise de gaz au cas où. A peine le train principal au sol, nous entendons un éloquent "crac" à l'arrière. Je comprends immédiatement : une pale d'hélice a subi les affres d'une pierre lancée par une roue. Je m'en veux. Quelle connerie ! Certes, Arplast nous a fourni une pale neuve d'avance, mais un Joker n'est intéressant que tant qu'il ne sert pas.

Nous brûlons ce Joker en même temps que je me ronge la conscience, bien décidé à désormais réfléchir toute décision. Nos réservoirs sont remplis en même temps que la pale est changée par Pascal, puis nous reprenons une route au sud pour suivre la route P 30 jusqu'à Guelmin, puis la P 41 jusqu'à Tan Tan. Nous étions préparés à ne plus subir de turbulences. Seule la quiétude du vol côtier nous attendait aujourd'hui.

Mais les aléas de la météo en ont décidé autrement, il nous faudra encore supporter, et même plus contrarier les turpitudes des éléments. Encore des montagnes à passer. Les derniers contreforts de l'Anti-Atlas, d'autant plus difficiles que la rencontre n'était pas prévue. Vers Guelmin, parvenu enfin dans les immenses platitudes désertiques, je redescends au ras du sol (genre trois mètres…)

J'ai chaud, et pendant que mon passager s'offre encore un somme, je relève les jambes de mon pantalon, ce qui me vaudra le plus beau coup de soleil de ma vie ! Plus beau rime parfois avec premier. Ce fut le premier coup de soleil de ma vie. Nous hésitons un peu à l'arrivée sur Tan Tan, un peu déroutés par le dernier petit relief qui nous cache le terrain, qu'enfin nous apercevons sur le petit plateau qui surplombe la ville à l'ouest. Pour la première fois, nous ne disposons pas de la fréquence radio de l'aérodrome, sur lequel nous posons donc sans autre forme de procès. Il ne s'y passe rien, que risquons-nous ? Pourtant, le procédé ne plaira pas, qui me demandera de longues minutes de négociations, d'explications, de palabres, pour parvenir enfin au droit d'en repartir. Il y a ici de nombreux fonctionnaires oisifs qui attendent l'improbable visiteur. La corvée d'essence fut pendant ce temps négociée par les amis, qui se firent porter en ville avec nos bidons souples. J'entrevois en même temps les limites de mon paresseux subterfuge, qui m'a fermé les portes de cette découverte terrestre d'une ville que je ne connaîtrai peut-être jamais. Sitôt décollés dans un vent soutenu, nous prenons cap à l'ouest, sur le port chapeauté de petits cumulus bas.

 

Nous y jouerons un moment, dans une odeur de poisson ! Ces nuages, montés d'un sol recouvert de cadavres de fruits de mers (a)variés, sentent très fort le poisson ! Très étonnant ! J'ai pour la première fois pris la liberté de décoller en short et t-shirt, persuadé que la chaleur ambiante serait désormais une constante. Nouvelle erreur. Au bout d'une demi-heure à jouer autour et dans les petits cums, j'ai froid. Je décide donc de me poser, suivi bientôt du GTE. Je m'habille vite, puis nous repartons, après avoir partagé un moment de vie avec un pécheur apparu du néant. Ensuite, ce ne fut que calme plat et reposant jusqu'à Tarfaya, le fameux cap Juby de l'Aéropostale. Pascal fête aujourd'hui ses 35 ans ! J'ai partagé avec lui son trentième anniversaire, il nous fallait un endroit symbolique 5 ans plus tard ! C'en est un…mais c'est tout. Avant que d'y poser, je m'offre en égoïste un long radada sur la plage au milieu des épaves de bateaux, que mon ami, à juste titre, n'appréciera pas, pour la prise de risques qu'il entraîne. Nous savons que la piste, celle-là même qui était utilisée par St Ex, qui écrivit ici "Vol de nuit", est matérialisée par des pneus, bien visibles.

 

Nous nous y posons donc, après avoir soigneusement évité les antennes qui surgissent dans l'axe. Les bâtiments qui survivent là sont encore marqués de l'empreinte "Latécoère", et je ne puis alors ignorer le principe moteur de cet homme : "J'ai refait tous mes calculs : cette idée est irréalisable, il ne me reste donc qu'une chose à faire : la réaliser !". De nombreux enfants accourent, qui nous réclament avec une désagréable insistance des stylos que nous n'avons pas. L'un d'eux, agacé, se réclamera de Ben-Laden pour argument, qu'indifférents, nous jugerons aussi irrecevable que les autres. Nous nous laissons porter par le boulanger vers le seul hôtel de la place, qui porte pour nom "Hôtel de la Marche Verte". Quiconque a la moindre mémoire sait qu'il y a là implication politique. Si l'on devait s'octroyer le droit de juger de la qualité de cette action à la hauteur de l'établissement qui en revendique le nom, on pourrait rester sceptique. Cependant que le tenancier cherche désespérément les clefs de nos piaules, son assistant commence de vider puis nettoyer le poisson de nos agapes dans les…toilettes. Pascal, pour son anniversaire, a osé réclamer aux gendarmes locaux le droit à trouver puis consommer une bière. Ce fut non pas sans espoir, mais sans espoir. A table ! Pascal vient de rafistoler la pale cassée, qui pourrait peut-être malgré tout servir au cas où. Nous descendons au "restaurant", ignoble salle de bar aux tables crasseuses dans laquelle nous observons, pendant que notre repas finit d'être préparé, un étrange spectacle. Les rares clients, attablés, n'ont rien devant eux. Un seul verre d'eau est posé sur le bar. De temps en temps, un client se lève, monte au bar, boit le verre, le repose. Le tenancier le remplit alors, jusqu'à ce que le suivant vienne à son tour le vider ! Le poisson arrive enfin, accompagné de sortes de poivrons baignant dans une huile douteuse. En revanche le tout sent bon. Nouvelle attente, devant ce grand plat posé devant nous. Au bout de quelques minutes, nous sollicitons notre larron "couverts ?" Il plonge alors sa main dans le plat, nous montrant ainsi la marche à suivre. Ah bon ? Après tout, nous sommes venus chercher de l'aventure. Une bonne nuit viendra là-dessus, puis nous quitterons ce haut lieu de l'Aéropostale sans autre émotion qu'une puissante tourista.

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