Hassani Ali Mainty
Article paru dans ULMiste n°9, avril 2012
Hassani Ali Mainty
Un jour, sur un réseau social (FB pour ne pas le nommer) j'eus un message de Hassani, dont je m'empressais d'accepter l'amitié, pour échanger quelques photos, réflexions et autres, comme de coutume sur ce réseau. Ces échanges n'eurent cependant très vite rien de commun avec les autres et l'histoire de Hassani, peu à peu dévoilée, me donna envie de le faire connaître au "monde des ULMistes", qui saura apprécier cet homme mu depuis l'enfance par l'envie de voler et qui a su se donner les moyens de réaliser son rêve dans un pays où cela n'est pourtant pas chose facile !
Propos recueillis par Sylviane Chamu
Sylviane : comment la passion du vol est-elle née chez toi ?
Hassani : mon histoire ou plutôt ma petite histoire et celle de mon village, riment avec l’aérodrome où les enfants passent leur temps les yeux tournés vers les cieux à contempler les grands oiseaux métalliques. Plus que la plupart des jeunes de mon village, j’ai eu la chance de côtoyer de très près les avions. Je suis né à Mayotte dans le village de Pamandzi. « Pamandzi » vient de « pas manger » car on raconte que lorsque les premiers blancs sont arrivés et demandaient le nom de l’endroit où ils se trouvaient, les autochtones répondaient « pas manger » ! Ne comprenant pas bien le français un peu « mahorisé », ces blancs entendaient « Pamandzi » ! Ma maison était à l’endroit même où passe l’actuelle piste d’aviation. Mon regretté père a fait carrière comme pompier dans l’aviation civile. Je ne me rappelle pas de mes débuts : je suis simplement né dedans ! Déjà très jeune, je taillais des maquettes d’avions avec des troncs de bananier, plus tard avec du polystyrène et mon surnom était : « Hassani avion ». Mon père m’emmenait parfois sur le camion de pompier pendant les visites de pistes, ce qui me rapprochait encore plus des avions. Jusqu’à 23 ans j’ai déménagé trois fois mais toujours à moins de cent mètres de l’aéroport et pour en revenir à mon enfance, vers l’âge de six /sept ans j’ai été victime d’un traumatisme à l’œil droit dont l’acuité a beaucoup diminué. Paradoxalement, un contrôleur de l’aéroport de Mayotte m’appelait « œil de lynx » car je peux voir les autres avions de très loin ! On dit « avoir toujours un œil sur les autres » mais avec moi cette phrase prend tout son sens ! Tout ça s’explique par les quinze dixièmes de capacité visuelle de mon œil gauche, qui compense. En raison du trauma… toute chance d’être pilote d’avion disparaissait ! En plus, BAC-10 acquis dans la douleur, puisque que l’on m’a viré dès la quatrième, car je ne fichais pas grand-chose ! A l’école il y avait trois groupes de personnes : le premier était celui des enseignants, le deuxième les élèves qui étudient et enfin le troisième : les accompagnateurs ! Gentil, moi je faisais partie du troisième groupe.
Sylviane : comment un bac moins dix devient-il pilote ?
Hassani : compte tenu du niveau que j’avais à ce moment-là, passer le brevet théorique ULM c’était comme demander à un élève de sixième de passer un Bac scientifique. Malgré tous ces freins, ma passion et mon courage ont pris le dessus. Pendant des mois je respirai et vivais ULM, j’avais même l’haleine parfumée à d’odeur de cockpit d’avion ! Tout ça pour dire que dans la vie, quand on a un rêve, même dans la difficulté on trouve les ressources pour accomplir ce rêve.
Sylviane : te souviens-tu de ton premier vol et de tes débuts d’élève pilote ?
Hassani : je me rappelle mon premier vol : ce n’était pas la joie car c’était pendant mon évacuation sanitaire pour l’île de la Réunion et pour cinq mois d’hospitalisation ! Mon vrai premier vol, c’était quand j’avais dix ans, sur un avion Piper28. Lassé de faire le guet sur le grillage de l’aéroclub, j’ai fini par demander à un instructeur de m’emmener pour un vol école. Pour l’ULM, j’ai vraiment eu la chance que le chef de la circulation aérienne de l’aérodrome de l’époque, Mr Bernard Julien, m’ait décroché une bourse à Jeunesse et Sports, pour la formation ULM. Ce dernier avait eu l’occasion de voir mes innombrables maquettes d’avions car je côtoyais ses enfants. A cette époque, comme l’enfant Jésus avec son halo de lumière sur la tête, moi, mon halo était fait de petits avions qui tournaient. En plus de cela Mr Bernard Julien était lui-même pilote, d’où sa sensibilité à ma cause. Je lui suis très reconnaissant car sa démarche a changé ma vie. L’appareil avec lequel j’ai été formé est-un Weedhopper AX3 14m2 avec un Rotax 503 ; il était mal réglé et très instable, surtout de la bille. J’entends encore la voix de mon instructeur dans ma tête : « Ta bille !!! Sauvage !g !g !!! ». Avec le brevet en poche à douze heures de vol, je devais poursuivre la formation pratique sur une trentaine d’heures pour l’obtention de l’emport de passager. Bien évidemment, je ne pouvais pas financer les trente heures de vols, alors j’ai dû faire appel aux entreprises privées. C’est ainsi que j’ai rencontré Jean-Claude Henry, directeur de la société SMART dans le milieu des années 90, qui m’a généreusement soutenu dans mon projet. Pour tout cela, je tiens à remercier ces personnes ainsi que le Service de la Jeunesse et des sports de Mayotte, car sans eux je ne serais pas là à vivre ma passion.
Sylviane : aujourd’hui, tu vis en Métropole, à Troyes : que s’est-il passé entre l’obtention de ton brevet autogyre et ton arrivée en métropole ?
Hassani : après mon brevet trois-axes en 1995 et l’emport de passager obtenu en 1996, j’ai continué à voler jusqu’en 2000. De 2001 à 2007, je n’ai quasiment pas volé. J’ai travaillé comme plâtrier-peintre et plaquiste polyvalent dans le BTP (en intérieur) et cela, suite à une petite formation de 10 mois chez les Compagnons du bâtiment à Lyon. C’est en début 2008 que je suis rentré définitivement à Mayotte où, en contrepartie de baptêmes de l’air sur un ULM trois-axes X’Air, j’ai pu préparer et obtenir mon brevet Autogyre. Pour revenir à votre question, dès l’obtention de mon brevet autogyre, j’ai continué à voler comme guide touristique et autres travaux aériens jusqu’en mars 2011 : le mois où à contrecœur j’ai quitté Mayotte avec ma compagne et mes trois enfants pour la mère patrie et pour un temps indéterminé hélas. Durant ces trois ans à Mayotte, j’ai vraiment vécu des moments merveilleux à survoler l’un des plus grands et plus beaux lagons du monde. Mais le soleil et les cocotiers ne font pas tout, car j’ai une famille à nourrir et il n’était plus possible de mendier mon salaire tous les mois. Un salaire que je recevais au lance-pierre ! Quand je pense à ceux qui se plaignent d’avoir les fins des mois difficiles ! Pour moi, c’était le cas aussi, mais sur tous les trente derniers jours !
Sylviane : la vie que tu mènes en France te permet-elle de voler ?
Hassani : pour le moment, non ! Puisque, je cherche toujours du travail, mais cette fois dans le BTP comme plâtrier, peintre, plaquiste polyvalent. Dans ces conditions, je n’ai pas pu libérer un budget pour voler. Et n’ayant pas fait de déménagement ni de matériel, j’ai dû tout racheter mon mobilier. J’espère trouver vite du travail et surtout reprendre les vols, car je commence vraiment à enrouiller mes ailes. Cependant, si un club ULM me propose de faire des baptêmes même à titre non rémunéré, je ne dirais pas non, en attendant que je me fasse une santé financière.
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